Question de Mme PRÉVILLE Angèle (Lot - SOCR) publiée le 18/10/2017

Question posée en séance publique le 17/10/2017

Ma question s'adresse à Mme la secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes.

Longtemps, les femmes se sont tues, parce que le moyen de survie en milieu hostile est d'être comme étranger à soi-même. Les femmes en phase de dissociation après une agression ne parlent pas. Mais la parole des femmes vient de se libérer, au travers de dizaines de milliers de tweets. Devant cette clameur qui s'élève, que comptez-vous faire, madame la secrétaire d'État ? Ce cri qui s'étouffait dans nos gorges, le voilà enfin audible par le truchement des réseaux sociaux. Sa portée est considérable, et il doit être non seulement entendu, mais vraiment pris en compte. Des mesures concrètes, d'application rapide, doivent être prises pour venir au secours des femmes qui ont osé s'exprimer.

Mais agir ne doit pas seulement consister à panser les plaies ; il faut s'attaquer aux racines du mal.

Peut-on envisager la tenue d'un débat de moralisation générale qui permettrait de mettre en question la pornographie accessible à tous, notamment à nos enfants, la publicité qui entretient l'idée que nous, les femmes, sommes des objets ? Sans oublier l'éducation des garçons, peut-on envisager la mise en œuvre d'un volet pédagogique d'information des filles, absolument nécessaire et aujourd'hui cruellement absent, sur les dangers d'être une femme dans notre société ? Qu'envisagez-vous concernant ces hommes de pouvoir ayant abusé de leur position dominante pour contraindre des femmes à ce qu'elles ne voulaient pas ? Je me prends à rêver –c'est un rêve subversif ! – que, dans les entreprises ou les administrations, les présidents, les directeurs, les chefs d'équipe ayant fauté soient systématiquement remplacés par des femmes.

Enfin, je pense aux femmes qui ne peuvent s'exprimer, celles qui sont victimes de violences dites pudiquement « conjugales ». C'est un crime de masse qui est passé sous silence et qui concerne environ 130 femmes par an. Que proposez-vous de concret pour réduire le nombre de ces victimes ? Peut-on envisager une médiatisation à la fois nationale, par une information claire dans les journaux, et locale,…


M. le président. Veuillez conclure.


Mme Angèle Préville. … comme cela se pratique en Espagne, où l'on installe à l'entrée des villes ou sur les places des silhouettes figurant les victimes, avec mention de leur nom et de la date du décès ?


M. le président. Il faut conclure, ma chère collègue !


Mme Angèle Préville. Ce scandale enfin révélé vous interpelle et vous oblige, madame la secrétaire d'État. J'attends votre réponse ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, ainsi que sur des travées du groupe La République En Marche.)

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Réponse du Secrétariat d'État, auprès du Premier ministre, chargé de l'égalité entre les femmes et les hommes publiée le 18/10/2017

Réponse apportée en séance publique le 17/10/2017

Mme Marlène Schiappa, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes. Madame la sénatrice, vous avez extrêmement bien posé le problème et je vous remercie de votre engagement. Que pouvons-nous faire ? C'est une vraie question. Les femmes parlent, mais cela ne suffit pas, car encore faut-il que la société les entende et que les pouvoirs publics leur répondent.

C'est pour leur répondre que le Président de la République a décidé que l'égalité entre les femmes et les hommes serait la grande cause nationale de son quinquennat. C'est pour leur répondre que nous augmentons le budget des droits des femmes pour 2018 et que nous le sanctuarisons pour l'ensemble du quinquennat. C'est pour leur répondre que le Premier ministre a lancé, le 4 octobre dernier, le Tour de France de l'égalité entre les femmes et les hommes. Les ateliers et les consultations conduits dans le cadre de ce dernier m'amèneront à présenter en 2018, avec la garde des sceaux, Nicole Belloubet, une première grande loi citoyenne dont la préparation associera les parlementaires, les territoires, les experts, les victimes, les femmes, les associations. Elle nous permettra d'assurer une juste condamnation sociétale et judiciaire des violences sexistes et sexuelles.

Si je partage pleinement, madame la sénatrice, votre engagement sur le fond, je me permettrai d'émettre une petite réserve sur la forme : je pense qu'il s'agit ici non pas de morale, mais de droit. « Il n'y a pas de phénomènes moraux, rien qu'une interprétation morale des phénomènes » disait Nietzsche. C'est pourquoi nous devons faire évoluer notre droit. Je compte sur les sénatrices et les sénateurs pour cela ! (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et sur des travées du groupe socialiste et républicain et du groupe Union Centriste.)

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