Question de Mme TAILLÉ-POLIAN Sophie (Val-de-Marne - SOCR) publiée le 26/10/2017

Mme Sophie Taillé-Polian interroge Mme la ministre du travail sur les conséquences, pour l'exercice de la liberté syndicale, de la fermeture de plusieurs bourses du travail.

Évreux, Villejuif, Montigny, Aubagne, Tarbes, Bobigny, Châteauroux, Béziers, Nancy… dans ces communes et dans d'autres, la liberté syndicale est aujourd'hui altérée par l'expulsion des hébergements syndicaux des bourses du travail.

La liberté syndicale, bien que liberté fondamentale protégée par le Conseil constitutionnel en vertu notamment de l'alinéa 6 du préambule de la Constitution de 1946, est régulièrement remise en cause dans les entreprises. Sanctions, mises à pied conservatoires, tentatives de licenciement de salariés protégés, mises en examen... les syndicats dénoncent ces provocations, mises en scène et accusations injustes qui s'apparentent de plus en plus à du harcèlement moral et nourrissent le sentiment d'une criminalisation de l'action syndicale.

À ce mal-être syndical s'ajoute la remise en cause des hébergements syndicaux dans de nombreuses localités. C'est le cas à Villejuif, où les organisations syndicales ont été sommées de quitter la bourse du travail. De telles décisions privent les organisations syndicales de moyens d'exercer leurs missions, et les salariés de leur accès à ce droit, souvent seul rempart de proximité face aux attaques auxquelles ils peuvent être amenés à faire face.

Alors que le Gouvernement annonce vouloir faire du dialogue et de la démocratie sociale une priorité de l'action du ministère du travail, parce que la politique du travail ne peut se construire et s'appliquer sans la participation active des partenaires sociaux qui sont appelés à jouer un rôle croissant dans sa conception et sa mise en œuvre et doivent avoir les outils pour ce faire, parce qu'enfin les salariés doivent pouvoir jouir sans entrave de la liberté syndicale qui est au cœur de l'accès à leurs droits, elle lui demande si l'État entend garantir le maintien des bourses du travail, y compris en participant financièrement, aux côtés des collectivités territoriales, à leurs frais de fonctionnement, surtout lorsque celles-ci rayonnent sur plusieurs communes.

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Réponse du Secrétariat d'État, auprès du ministre de l'économie et des finances publiée le 06/12/2017

Réponse apportée en séance publique le 05/12/2017

Mme Sophie Taillé-Polian. Ma question porte sur les conséquences, pour l'exercice de la liberté syndicale, de la fermeture de plusieurs bourses du travail.

Évreux, Villejuif, Montigny, Aubagne, Tarbes, Bobigny, Châteauroux, Béziers, Nancy… Dans ces communes et dans d'autres, la liberté syndicale est aujourd'hui altérée par l'expulsion des hébergements syndicaux des bourses du travail.

La liberté syndicale, bien qu'elle figure au nombre des libertés fondamentales protégées par le Conseil constitutionnel, notamment en vertu de l'alinéa 6 du Préambule de la Constitution de 1946, est régulièrement remise en cause dans les entreprises. On constate des sanctions, des mises à pied conservatoires, ou encore des tentatives de licenciement de salariés protégés : bref, le dialogue social n'est pas toujours simple, et les syndicats dénoncent un certain nombre de provocations.

À ce mal-être syndical s'ajoute la remise en cause des hébergements syndicaux dans de nombreuses localités. C'est le cas à Villejuif, où les organisations syndicales ont été sommées par la mairie de quitter la bourse du travail.

Une telle décision prive les organisations syndicales de moyens d'exercer leurs missions. Elle prive aussi les salariés d'un accès à l'information syndicale pour défendre leurs droits lorsqu'ils sont isolés dans leur entreprise. C'est notamment le cas au sein des petites et très petites entreprises.

Le Gouvernement annonce vouloir faire du dialogue et de la démocratie sociale une priorité de l'action du ministère du travail. Malheureusement, la possibilité ouverte par les ordonnances adoptées récemment de mener des négociations directes, dans les entreprises, entre l'employeur et les salariés n'y concourt pas vraiment.

L'organisation du travail ne peut se construire et s'appliquer sans la participation active des partenaires sociaux, qui doivent jouer un rôle croissant dans sa conception et dans sa mise en œuvre. Pour ce faire, ils doivent pouvoir disposer des outils nécessaires à l'échelon local, au cœur des territoires.

L'État entend-il garantir le maintien des bourses du travail, souvent historiquement implantées dans les territoires, y compris en apportant des garanties juridiques ou en participant financièrement, aux côtés des collectivités territoriales, à leurs frais de fonctionnement, surtout lorsqu'elles rayonnent sur plusieurs communes ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances.

Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances. Madame la sénatrice, vous attirez l'attention de la ministre du travail sur les conséquences, pour l'exercice de la liberté syndicale, de la fermeture de plusieurs bourses du travail.

Un rapport de l'Inspection générale des affaires sociales remis en avril 2013, suivi d'une note en juillet 2015, a permis de constater que les mises à disposition de locaux syndicaux par les collectivités territoriales s'inscrivaient dans un cadre juridique fragile et peu clair, fondé sur la notion d'usage. S'y ajoutaient des questions parfois complexes d'attribution des locaux et de répartition des charges d'entretien.

C'est pourquoi un cadre juridique clair a été instauré en 2016. Ainsi, les articles L. 1311-18 et L. 2144-3 du code général des collectivités territoriales précisent que les collectivités territoriales ou leurs groupements peuvent mettre des locaux à disposition des organisations syndicales, lorsque ces dernières en font la demande. Cette mise à disposition peut faire l'objet d'une convention entre la collectivité et l'organisation syndicale.

Par ailleurs, il revient désormais au maire, au président du conseil départemental, au président du conseil régional, au président d'un établissement public local ou regroupant des collectivités territoriales ou au président d'un syndicat mixte de déterminer les conditions dans lesquelles l'usage de ces locaux peut être proposé aux organisations syndicales.

À cet égard, le conseil municipal, le conseil départemental, le conseil régional ou le conseil d'administration de l'établissement ou du syndicat mixte détermine, en tant que de besoin, la contribution due à raison de cette utilisation.

En outre, l'organisation syndicale peut bénéficier d'une indemnité spécifique lorsque la collectivité territoriale lui retire le bénéfice d'un local mis à disposition pendant au moins cinq ans sans lui proposer un autre local.

Mme la présidente. La parole est Mme Sophie Taillé-Polian.

Mme Sophie Taillé-Polian. Madame la secrétaire d'État, vous le soulignez, les collectivités territoriales « peuvent » décider d'apporter leur concours ; mais elles peuvent aussi décider du contraire, notamment en mettant fin à une utilisation de locaux qui était pourtant importante pour les salariés et les organisations syndicales.

Effectivement, une indemnité est prévue en cas de retrait du bénéfice de l'usage de locaux mis à disposition depuis au moins cinq ans, mais la vie des organisations syndicales s'inscrit aussi dans le temps long.

Les collectivités territoriales peuvent aussi choisir de mettre un terme à leur concours parce qu'elles se trouvent dans une situation financière complexe. Elles peuvent avoir besoin de recouvrer l'usage d'un patrimoine mis à disposition il y a longtemps.

Il faut aller plus loin en aidant les organisations syndicales à garder un pied au sein des territoires. Il ne faut pas leur retirer des moyens qui sont essentiels, notamment pour permettre aux salariés qui, au sein de leur entreprise, n'ont pas la chance de pouvoir s'appuyer sur des représentants syndicaux, d'accéder à leurs droits. C'est extrêmement important pour la liberté syndicale et la défense des salariés.

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