Question de M. GREMILLET Daniel (Vosges - Les Républicains) publiée le 09/11/2017

M. Daniel Gremillet attire l'attention de M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur, sur l'article 110 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, dans sa rédaction résultant de l'article 15 de la loi n° 2017-1339 du 15 septembre 2017 pour la confiance dans la vie politique, qui interdit à une autorité territoriale de recruter un membre de sa famille comme collaborateur de cabinet.
En effet, l'article 15 de la loi n° 2017-1339 précitée a énoncé l'interdiction pour une autorité territoriale de recruter comme collaborateur de cabinet son conjoint, son partenaire lié par un pacte civil de solidarité (PACS) ou son concubin, ses parents ou les parents de son conjoint, partenaire de PACS ou concubin, ses enfants ou les enfants de son conjoint, partenaire de PACS ou concubin. L'autorité territoriale ayant recruté un membre de sa famille avant l'entrée en vigueur de la loi doit notifier le licenciement de ce collaborateur dans les trois mois suivant la publication de ladite loi, soit avant le 16 décembre 2017, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. Le collaborateur est ensuite autorisé à exécuter son délai de préavis.
Encadrés par le décret n° 87-1004 du 16 décembre 1987, les postes de collaborateurs de cabinet sont des emplois que les autorités territoriales peuvent pourvoir pour les assister au quotidien dans leurs responsabilités. Par nature plurielles, les missions remplies par ces collaborateurs vont de l'assistance administrative à la veille institutionnelle et juridique, à l'élaboration des décisions prises par l'exécutif, au conseil politique, ou encore au rôle essentiel de liaison entre les services de la collectivité et les citoyens. Unis par un lien fort de confiance et de proximité avec l'élu local, en particulier dans les petites communes rurales, les collaborateurs de cabinet sont bien souvent identifiés par les habitants comme des interlocuteurs privilégiés et contribuent au bon fonctionnement de la vie de la mairie.
La remise en cause de la possibilité offerte aux autorités territoriales de compter parmi les membres de leur cabinet un membre de leur famille va conduire un certain nombre d'élus locaux à revoir leur organisation de travail, et va conduire au licenciement de collaborateurs qui, pour beaucoup, mènent leurs missions avec mérite depuis de nombreuses années.
La mise en œuvre de ladite loi n° 2017-1339 ne sera pas sans conséquences, parfois lourdes, pour les élus locaux et leurs collaborateurs, et il convient donc d'en circonscrire précisément les contours.
Aussi, il lui demande de bien vouloir lui indiquer la nature exacte des contrats de travail impactée par l'interdiction d'embauche des collaborateurs familiaux dans les cabinets des collectivités territoriales, énoncée par la loi n° 2017-1339 précitée. Il s'interroge en particulier sur le cas d'une personne exerçant les fonctions de secrétaire de mairie bien que ne disposant pas d'un statut de fonctionnaire, notamment dans les petites communes rurales et sur l'application de cette interdiction, y compris lorsque la personne concernée ne travaille que quelques heures par semaine.
Il lui demande également de préciser dans quelle mesure un recrutement par voie contractuelle pourrait être admis pour un collaborateur de cabinet d'une autorité territoriale licencié du fait de la loi n° 2017-1339 précitée, notamment au regard de la jurisprudence relative à la prise illégale d'intérêt.
Enfin, il souhaiterait connaître les modalités d'un recrutement, dans un poste vacant au sein de la collectivité territoriale dans laquelle ils travaillent, par voie d'intégration directe ou par voie de détachement, des fonctionnaires, actuellement collaborateurs de cabinet, qui vont être licenciés du fait de l'interdiction des emplois dit familiaux.

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Réponse du Ministère de l'intérieur publiée le 12/04/2018

L'article 15 de la loi n°  2017-1339 du 15 septembre 2017 pour la confiance dans la vie politique modifie l'article 110 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale relatif aux collaborateurs de cabinet. L'autorité territoriale a interdiction de compter parmi les membres de son cabinet les membres les plus proches de sa famille : son conjoint, partenaire lié par un pacte civil de solidarité (PACS) ou concubin, ses parents et enfants ou ceux de son conjoint, partenaire lié par un PACS ou concubin. Le champ d'application de la loi porte uniquement sur les collaborateurs de cabinet, recrutés sur le fondement de l'article 110 de la loi précitée du 26 janvier 1984 et du décret n°  87-1004 du 16 décembre 1987 relatif aux collaborateurs de cabinet des autorités territoriales. Les secrétaires de mairie recrutés en qualité d'agent contractuel pour exercer les missions du cadre d'emplois des secrétaires de mairie, dont le statut particulier est fixé par le décret n°  87-1103 du 30 décembre 1987, ne relèvent donc pas de ces dispositions. Pour autant, il ressort de la jurisprudence aussi bien administrative que judiciaire que le recrutement par une autorité territoriale de membres de sa famille sur d'autres emplois de sa collectivité peut comporter un risque pénal résultant de l'intérêt moral qu'aurait l'intéressé à recruter un membre de sa famille et susceptible d'être qualifié de prise illégale d'intérêts prévue à l'article 432-12 du code pénal. Le délit de prise illégale d'intérêts « est caractérisé par la prise d'un intérêt matériel ou moral, direct ou indirect et se consomme par le seul abus de la fonction indépendamment de la recherche d'un gain ou de tout autre avantage personnel » (Cour de cassation, chambre criminelle, 21 juin 2000, n°  99-86871). Ainsi un maire qui « a décidé seul des recrutements de ses enfants », sans respecter la durée limitée à trois ans des contrats de travail du personnel recruté sans concours, « a privilégié ses enfants au mépris des prescriptions légales et a ainsi pris un intérêt moral dans l'attribution de ces deux postes, alors qu'il avait la surveillance de ces opérations et en assurait le paiement » et est coupable de prise illégale d'intérêts (Cour de cassation, chambre criminelle, 8 mars 2006, n°  05-85276). De même, « le fait pour un élu chargé d'assurer la surveillance ou l'administration de l'exécution du budget de la commune de recruter ou de faire recruter un de ses enfants sur un emploi de la commune est susceptible d'exposer cet élu à l'application des dispositions de l'article 432-12 du code pénal » (Conseil d'État, 27 juillet 2005, n°  263714). Le juge, pour apprécier la prise illégale d'intérêts, prend en considération le respect de la procédure de recrutement (publicité de la vacance de poste, délai raisonnable préalable au recrutement permettant de recevoir des candidatures), l'adéquation entre la formation et l'expérience professionnelle de l'agent et l'emploi à pourvoir, et, lorsqu'il s'agit de recruter un agent contractuel, l'absence de candidature d'un agent titulaire en application de la réglementation (Cour de cassation, chambre criminelle, 5 décembre 2012, n°  12-80032 - cour administrative d'appel de Paris, 13 octobre 2009, n°  08PA01647). Aucune jurisprudence identifiée ne porte sur le recrutement d'un membre de la famille proche de l'élu qui aurait la qualité d'agent titulaire de la fonction publique. Pour autant, en cas de contentieux sur ce sujet, il est vraisemblable que le juge prendra en considération les mêmes éléments, sous réserve des spécificités liées au recrutement d'un fonctionnaire. S'agissant d'un recrutement dans la même collectivité d'un collaborateur de cabinet licencié compte tenu de son lien familial avec l'autorité territoriale, il est à noter que le juge a pu prendre en compte, pour démontrer l'intention frauduleuse, la volonté de l'élu, après une première embauche qui s'est avérée illégale, de recruter à nouveau le même membre de la famille par le biais d'une autre procédure (cour d'appel de Rouen, 2 novembre 2006, n°  06/00016). Cette affaire concernait uniquement des recrutements sur contrats. Elle n'est donc pas directement applicable à un fonctionnaire mais pourrait être transposée. Enfin et pour mémoire, il faut que le nouveau poste occupé ne soit pas assimilable à un emploi de cabinet. Des emplois rattachés aux services de la collectivité ont ainsi pu être requalifiés, par le juge, d'emplois de collaborateur de cabinet, en conséquence soumis à la réglementation spécifique qui s'y applique : statut de contractuel, limitation du nombre, et désormais, interdiction de recruter certains membres de la famille.

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