Question de M. GAY Fabien (Seine-Saint-Denis - CRCE) publiée le 21/12/2017

M. Fabien Gay attire l'attention de Mme la ministre des armées au sujet des risques sanitaires et environnementaux liés aux activités du commissariat à l'énergie atomique (CEA) sur le site du fort de Vaujours  entre 1955 et 1997. Les activités du CEA sur le fort de Vaujours, site de 45 hectares à 15 kilomètres de Paris, pourraient avoir des conséquences graves pour la santé des citoyens riverains du site, les salariés de BP Placo et ses sous-traitants. En effet, BP Placo, filiale du groupe Saint-Gobain, a acheté 30 hectares de ce site en 2010 avec le projet d'y ouvrir à terme une carrière de gypse à ciel ouvert. Les mesures de radioactivité effectuées en février 2014 ont débouché sur des résultats contradictoires, entre l'IRSN (Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire) et la commission de recherche et d'information indépendantes sur la radioactivité (CRIIRAD), laissant à penser que certaines parties du site n'ont pas, ou pas suffisamment, été dépolluées par le CEA. Outre l'uranium manufacturé, d'autres types de pollutions tels que métaux lourds, produits chimiques et explosifs, ont été détectés lors des travaux en cours. Une étude de l'agence régionale de santé a révélé un taux de décès dus à une tumeur nettement supérieur à la moyenne régionale dans la commune de Courtry, qui jouxte le site. Si 32 % des décès en Ile-de-France sont dus à une tumeur, ce taux passe à 50 % à Courtry. Même si les causes exactes n'en sont pas élucidées, ceci justifierait également de conduire une étude identique à Coubron et à Vaujours. Si le terrain n'a pas été totalement décontaminé et dépollué, l'extraction de terres, les poussières diffusées de même que les ruissellements d'eau dans les nappes phréatiques pourraient s'avérer un désastre pour la santé des habitants proches du site. Il s'associe aux exigences de transparence et de vérité de citoyens, d'associations environnementales et d'élus locaux qui siègent à la commission de suivi de site du fort de Vaujours. Afin que le principe de précaution soit respecté, il demande donc la levée du secret défense sur les activités du CEA au fort de Vaujours ainsi que la liste exhaustive des substances chimiques et des métaux lourds utilisés pendant cette période, afin de permettre d'éclaircir une situation complexe et de prendre les mesures qui s'imposent.

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Réponse du Ministère des armées publiée le 15/02/2018

Le Fort de Vaujours a fait partie de la ceinture d'ouvrages fortifiés de protection de la ville de Paris, dont la construction avait été décidée après la défaite de 1871. Au cours de la Seconde Guerre mondiale, ce fort a été utilisé comme dépôt de munitions par l'armée allemande. Lors de sa retraite en 1944, celle-ci a détruit par explosion les munitions qui y étaient entreposées, provoquant une importante pollution pyrotechnique. De 1955 à 1997, le Commissariat à l'énergie atomique (CEA) a exploité sur le site le centre d'études de Vaujours dédié à la conception, aux études et aux expérimentations d'édifices pyrotechniques dans le cadre de la mise au point des armes nucléaires de la dissuasion française. Les opérations d'assainissement de cette emprise ont débuté dès 1997 et ont fait l'objet d'une présentation et d'une enquête publique en mai-juin 2000. Pour répondre aux préoccupations des élus locaux et des riverains, une commission interdépartementale de suivi a par la suite été créée, en janvier 2001. Présidée par les préfets de la Seine-Saint-Denis et de la Seine-et-Marne, cette commission, constituée d'élus (députés, conseillers généraux, maires) et de représentants d'associations, de services de l'État, des autorités de contrôles et du CEA, s'est réunie plusieurs fois par an afin d'évaluer le déroulement des opérations, d'examiner les données recueillies et de préconiser, le cas échéant, des mesures complémentaires. Les associations se sont appuyées en particulier sur la Commission de recherche et d'information indépendantes sur la radioactivité (CRIIRAD) pour l'interprétation des données ou la réalisation de campagnes de mesures indépendantes. S'agissant de la caractérisation et des travaux d'assainissement du site, il est rappelé que des centaines de mesures ont été effectuées par divers organismes spécialisés, dont le Bureau des recherches géologiques et minières et la CRIIRAD. Ces mesures ont mis en évidence l'état radiologique satisfaisant des eaux et des sols. En 2002, à la demande de la CRIIRAD, une caractérisation chimique a également été réalisée dans l'eau, le sol et les mousses, portant sur plus d'une vingtaine d'éléments parmi lesquels les métaux lourds et les explosifs. Les résultats obtenus, présentés en commission de suivi, se sont révélés très largement inférieurs à ceux à partir desquels un risque de toxicité chimique est suspecté. Par ailleurs, l'assainissement du site a été réalisé, pour les sols et les structures, conformément aux orientations fixées par la direction générale de la santé. Par précaution, des servitudes d'utilité publique ont été mises en place dans le cadre d'un arrêté inter-préfectoral du 22 septembre 2005, pour prévenir tout risque résiduel pyrotechnique et radiologique en cas de travaux de terrassement. Concernant l'évaluation de l'impact des activités menées anciennement par le CEA au centre de Vaujours sur la santé des travailleurs et des riverains, la commission de suivi précédemment évoquée a confié la gestion du dossier aux directions départementales des affaires sanitaires et sociales (DDASS) de la Seine-Saint-Denis et de la Seine-et-Marne. Un groupe de travail réunissant des médecins issus du CEA et des services de l'État (Institut de veille sanitaire, DDASS concernées, direction régionale du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle d'Île-de-France) a ainsi été constitué. Entre 2001 et 2002, ce groupe de travail a mené des études sur les effets d'une exposition liée à l'uranium et a procédé à une enquête de mortalité sur la population des travailleurs présents sur le site entre 1955 et 1995. Ces travaux ont démontré l'absence d'une corrélation entre une telle exposition et un accroissement des taux de cancer constatés chez les travailleurs considérés. Le rapport correspondant a été largement diffusé aux parties prenantes et commenté. Il convient d'ajouter qu'à la suite d'une étude conduite en 2012 par l'Agence régionale de santé (ARS) d'Île-de-France, des chiffres se rapportant aux taux de cancer enregistrés au voisinage du site ont circulé dans les médias et sur internet. L'ARS a elle-même tenu à préciser que ces données, sorties de leur contexte, avaient fait l'objet d'une interprétation erronée dans la mesure où elles ne prenaient pas en compte la structure par âge des populations comparées, constituant de ce fait des inexactitudes d'un point de vue scientifique et statistique. En outre, il est précisé que les travaux aujourd'hui réalisés par la société Saint-Gobain Placoplâtre sont organisés en relation avec l'Autorité de sûreté nucléaire et l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire, de manière à garantir la sécurité radiologique des travailleurs et l'absence d'impact environnemental et sanitaire. Il est enfin souligné que la totalité des données nécessaires aux études sanitaires et d'impact environnemental, dont celles se rapportant aux substances utilisées lors de l'exploitation du centre de Vaujours par le CEA, a été largement diffusée auprès des associations dans le cadre des travaux de la commission de suivi. En conséquence, la déclassification des archives relatives aux activités menées par le CEA sur le site n'apporterait aucun éclairage supplémentaire sur le sujet. Elle aboutirait en outre à la communication d'informations sensibles dans un contexte où la lutte contre la prolifération nucléaire s'impose comme une nécessité objective, ainsi qu'il l'a été rappelé dans la récente revue stratégique de défense et de sécurité nationale.

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