Question de M. YUNG Richard (Français établis hors de France - LaREM) publiée le 15/02/2018

M. Richard Yung attire l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale sur le rapport des jeunes à la propriété intellectuelle. Il l'informe qu'une étude publiée en 2017 par l'office de l'union européenne pour la propriété intellectuelle montre que les citoyens âgés de 15 à 24 ans sont les plus tolérants vis-à-vis de la contrefaçon et du piratage : 15 % d'entre eux reconnaissent avoir intentionnellement acheté un produit contrefaisant au cours des douze derniers mois ; 27 % d'entre eux admettent avoir sciemment accédé à du contenu provenant de sources en ligne illégales ; 41 % d'entre eux trouvent l'achat de contrefaçons admissible si le prix de l'original est trop élevé. Il ressort également de cette étude que l'avis selon lequel la propriété intellectuelle freine l'innovation est plus répandu parmi les jeunes de 15 à 24 ans. Ces résultats font apparaître « l'ampleur du défi d'inculquer aux générations futures une compréhension et un respect des droits de propriété intellectuelle ». Plusieurs initiatives ont déjà été prises par les secteurs public et privé en vue de renforcer l'éducation à la propriété intellectuelle (campagnes de communication diffusées sur Internet, actions de sensibilisation menées auprès de collégiens, programme de formation conçu par l'institut national de la propriété intellectuelle à destination des professeurs, etc.). Considérant que cet effort de pédagogie doit impérativement être accru, il lui demande si le Gouvernement envisage de s'inspirer des expériences étrangères (Allemagne, Japon, etc.), par exemple en intégrant un volet « propriété intellectuelle » dans les programmes d'enseignement moral et civique.

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Réponse du Ministère de l'éducation nationale publiée le 25/07/2018

Réponse apportée en séance publique le 24/07/2018

M. Richard Yung. Monsieur le ministre, ma question porte sur le rapport de nos jeunes, en particulier de nos jeunes scolarisés, à la propriété intellectuelle. Celle-ci est l'un des moyens de protéger la création, l'innovation, l'inventivité, sous la forme de brevets ou de marques dans le secteur commercial. Elle protège aussi la création artistique ou littéraire sous toutes ses formes.

La France est dans ce domaine particulièrement active et avancée : pour les brevets, nous sommes, je crois, le quatrième pays au monde, et en matière de création artistique je crois que nous ne nous portons pas si mal.

Or une récente étude de l'Office de l'Union européenne pour la propriété industrielle dresse un constat inquiétant : les jeunes de quinze à vingt-quatre ans en France sont les plus tolérants vis-à-vis de la contrefaçon et du piratage. Ainsi, 15 % d'entre eux reconnaissent avoir intentionnellement acheté un produit contrefaisant, tandis que 27 % admettent avoir sciemment accédé à des contenus provenant de sources en ligne illégales. Ils sont même 41 % à trouver l'achat de contrefaçons admissible si le prix de l'original est trop élevé. On voit bien quel est le raisonnement suivi et quel est l'état d'esprit dans cette classe d'âge.

Plus grave encore, une partie de ces jeunes considère que la propriété intellectuelle freine l'innovation – c'est une théorie qui circule, pas seulement chez les jeunes – et serait donc plutôt favorable à sa suppression.

Ces résultats font apparaître la nécessité impérieuse de leur inculquer la compréhension et le respect des droits des innovateurs. Plusieurs initiatives ont déjà été prises par les secteurs public et privé pour renforcer l'éducation dans ce domaine. En particulier, des campagnes de communication et de sensibilisation ont été menées par l'Union des fabricants, et l'Institut national de la protection industrielle propose des programmes de formation destinés aux professeurs.

Je pense que l'on peut aller plus loin. Ainsi, il faudrait envisager de dispenser dans les classes du régime général, peut-être à partir de la sixième, un enseignement de sensibilisation aux questions de propriété intellectuelle, dans le cadre des cours d'économie ou des cours d'instruction civique.

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'éducation nationale.

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale. Monsieur Yung, le respect du droit d'auteur et de la propriété intellectuelle est une question extrêmement importante pour le système scolaire. Comme vous l'avez expliqué, on peut considérer qu'elle fait pleinement partie, en particulier, de l'éducation morale et civique ; elle en est en tout cas une conséquence naturelle.

La propriété intellectuelle relève de plusieurs champs disciplinaires. C'est pourquoi on la trouve à plusieurs moments et dans plusieurs domaines de la vie de l'école. La défense du droit d'auteur et de la propriété intellectuelle est essentielle pour notre pays, puisqu'elle garantit l'innovation et la qualité de la création.

À l'école, une action pédagogique régulière, que nous avons renforcée, est menée auprès des jeunes pour les sensibiliser et les former aux conditions d'accès aux œuvres et, plus généralement, à la notion de propriété intellectuelle.

Tout au long de la scolarité obligatoire, le socle commun de connaissances, de compétences et de culture offre une approche de la propriété intellectuelle, à travers l'objectif de maîtrise des outils numériques pour échanger et communiquer. De fait, la question de la propriété intellectuelle se pose beaucoup dans le champ numérique. L'élève doit savoir réutiliser des productions collaboratives pour enrichir ses propres réalisations, dans le respect des règles du droit d'auteur ; cela inclut l'éducation face au plagiat, qui concerne aussi les droits de création.

Les programmes scolaires comportent également une approche de ce sujet au collège, où la question de la propriété intellectuelle apparaît dans le programme de technologie au cycle 4, c'est-à-dire en classes de cinquième, quatrième et troisième. Il s'agit d'étudier les règles d'un usage raisonné des objets communicants respectant la propriété intellectuelle et l'intégrité d'autrui.

Cette thématique apparaît aussi dans le cadre de l'éducation aux médias et à l'information. Cette éducation constitue un vecteur privilégié pour problématiser la question, au travers de l'enjeu de l'accès à un usage sûr, légal et éthique des possibilités de publication et de diffusion.

Au lycée, la notion de propriété intellectuelle est abordée dans de nombreux enseignements et sous différents angles.

Tout d'abord, dans le cadre de différents enseignements d'exploration, comme l'informatique, la création et l'innovation technologiques, ou encore les principes fondamentaux de l'économie et de la gestion, à travers le droit à la protection des données, le droit de propriété sur les informations présentes sur internet, les brevets et les droits d'auteur et le champ des droits et des licences.

Ensuite, en cycle terminal des lycées généraux, en sciences économiques et sociales, dans le cadre de l'enseignement d'informatique et de création numérique, mais aussi de l'enseignement particulièrement important intitulé « Droit et grands enjeux du monde contemporain » : le droit de propriété y est étudié en tant que tel, y compris les droits d'auteur, les brevets et les marques, de même que les droits et licences et l'existence de lois régissant la détention et la circulation des données numériques.

Dans la voie technologique, cette question est présente dans plusieurs séries. Par exemple, le droit de la propriété industrielle et la marque commerciale sont traités dans le cadre de l'enseignement d'économie.

Enfin, l'enseignement moral et civique permet d'aborder la notion de propriété intellectuelle en classe de première, dans la thématique « Les enjeux moraux et civiques de la société de l'information ».

Le Conseil supérieur des programmes est en train de réviser les programmes du lycée. J'ai précisé dans la lettre de saisine sur ces programmes qu'ils « contribueront à la formation intellectuelle et civique des jeunes générations ». Les notions liées à la propriété intellectuelle y seront donc nécessairement présentes, que ce soit dans le programme d'enseignement moral et civique ou dans plusieurs autres programmes, en particulier dans le cadre de l'accent qui sera mis, à ma demande, sur les enjeux juridiques.

M. le président. La parole est à M. Richard Yung, pour répondre à M. le ministre.

M. Richard Yung. Monsieur le ministre, je prends acte de votre réponse et vous en remercie.

Les chiffres dont j'ai fait état montrent qu'il y a encore des efforts à faire. Des pays comme le Japon ou l'Allemagne assurent un enseignement très complet de propriété industrielle ; des concours permettent de sensibiliser les enfants, même tout petits, dès quatre ou cinq ans, à ces enjeux. Il faut bien expliquer à nos jeunes que le plagiat, la copie et la contrefaçon non seulement nuisent à l'économie et à l'emploi, mais sont dangereux pour eux et leur famille !

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