Question de M. BOCQUET Éric (Nord - CRCE) publiée le 22/02/2018

M. Éric Bocquet attire l'attention de Mme la ministre des solidarités et de la santé sur la situation du centre hospitalier de Valenciennes, en termes d'effectifs et de budget.
Il lui demande de préciser quels moyens humains et financiers vont être mis à la disposition de cet établissement de santé qui couvre trois arrondissements, soit une population de 800 000 habitants, dans lequel une étude récente a démontré que la mortalité dépasse de 30 % la moyenne nationale, et où la désertification médicale ne fait que s'aggraver d'année en année.

- page 746


Réponse du Ministère des solidarités et de la santé publiée le 21/03/2018

Réponse apportée en séance publique le 20/03/2018

M. Éric Bocquet. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, cette question est consécutive à une visite que ma collègue Michelle Gréaume, ici présente, et moi-même avons effectuée voilà quelque temps dans le Valenciennois, arrondissement du département du Nord, où nous avons rencontré des professionnels de santé, des personnels soignants et non soignants, des syndicalistes et des patients.

Ils nous ont confirmé ce que de récentes études montrent : l'état sanitaire alarmant de ce territoire et de ses habitants. Un seul chiffre : 31 % de surmortalité par rapport à la moyenne nationale – et plus encore pour certaines pathologies. Triste palmarès, que certains professionnels qualifient de véritable épidémie…

La population paye là un lourd tribut lié, bien sûr, au passé industriel et minier, mais aussi à la situation économique et sociale du moment. Résultat : les malades consultent tard, parfois trop tard, et le manque de médecins, de spécialistes et de personnels paramédicaux constitue un obstacle supplémentaire dans une situation déjà reconnue comme difficile.

Dans ce territoire plus qu'ailleurs, les politiques d'austérité font particulièrement mal, alors qu'il faudrait là un véritable plan de rattrapage sanitaire : un plan global, qui améliore l'accueil des malades et les soins apportés, mais surtout qui s'attaque aux racines du mal, c'est-à-dire aux inégalités socio-économiques, ainsi qu'à la prévention dès le plus jeune âge.

L'hôpital public a, dans ce domaine, un rôle central à jouer. Nous voulons saluer l'implication des professionnels du centre hospitalier de Valenciennes et leur opiniâtreté à refuser tout fatalisme ; ils accomplissent un travail admirable, mais dans des conditions de plus en plus difficiles, voire précaires.

Beaucoup nous ont dit leur souffrance, leurs difficultés, qui touchent toutes les catégories de personnels, sans exception. Ils nous ont dit leurs craintes de nouvelles suppressions de lits, voire fermetures d'établissement ou de service, comme c'est le cas pour les urgences de l'hôpital de Denain.

Ils nous ont dit les conséquences quotidiennes du manque de moyens financiers et humains et d'un management obnubilé par l'obligation de rentabilité, la chasse aux dépenses jugées « inutiles » et la recherche permanente de la moindre économie ; et, en définitive, leur désarroi et leur colère, souvent, de voir, malgré tous leurs efforts, la qualité des soins apportés aux malades se dégrader.

Madame la ministre, la situation appelle une réponse et des moyens d'ampleur, à la mesure de la situation. Elle nécessite, selon nous, un plan de rattrapage, que nous vous demandons de mettre en place au plus vite et dans la plus large concertation.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre des solidarités et de la santé.

Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Comme vous le savez, monsieur le sénateur Bocquet, nous avons à gérer aujourd'hui une diminution de la démographie médicale qui n'a malheureusement pas été anticipée par les gouvernements successifs depuis une vingtaine d'années.

Vous m'interpellez sur l'accès aux soins, en particulier au centre hospitalier de Valenciennes. Établissement polyvalent de recours du territoire de santé du Hainaut et de proximité pour le Valenciennois, ce centre hospitalier fait preuve d'une maîtrise médico-économique depuis plusieurs années.

Les exercices 2016 et 2017, portés par une forte dynamique d'activité, se sont clôturés avec des excédents de 4,6 et 2 millions d'euros respectivement.

L'établissement bénéficie aussi d'aides à l'investissement, à hauteur de 10 millions d'euros par an, dont 800 000 euros pour la réorganisation de ses activités de psychiatrie, avec la construction d'un nouveau bâtiment.

S'agissant de ses effectifs, une augmentation des équivalents temps plein médicaux et non médicaux est observée sur les trois derniers exercices : elle est de 6 % pour le personnel paramédical et de 10 % pour le personnel médical.

En vue de répondre aux besoins d'une population dont vous avez souligné qu'elle est en difficulté, les capacités de l'établissement ont augmenté sur la même période, en matière de lits de médecine et de chirurgie, d'hospitalisation et de prise en charge ambulatoire. Le nombre de lits et places en obstétrique, psychiatrie et soins de suite et de réadaptation est, quant à lui, resté stable. Le centre hospitalier de Valenciennes contribue donc largement à l'accès aux soins, et il est accompagné.

Pour remédier aux difficultés que rencontrent nos concitoyens en matière d'accès aux soins, il n'y a pas une réponse miracle, mais un éventail de solutions.

L'accès aux soins doit évidemment reposer sur l'accès à des médecins en ville, mais pas uniquement sur l'installation de médecins ; il doit reposer sur une organisation coordonnée de tous les professionnels de santé d'un territoire.

Un programme d'investissements de 400 millions d'euros est en cours de déploiement. Plus de 200 millions d'euros d'aides conventionnelles sont prévus pour aider les professionnels dans les zones sous-dotées. Nous facilitons aussi le cumul emploi-retraite des médecins libéraux. Surtout, j'ai lancé, au mois de février dernier, la transformation du système de santé, dont le cinquième chantier concerne les organisations territoriales entre l'hôpital, la médecine de ville, le secteur privé et le secteur public.

Monsieur le sénateur, nous faisons le nécessaire pour apporter des réponses aux usagers et aux élus. La stratégie de transformation du système de santé que nous lançons viendra, j'espère, conforter nos actions. Qualité et pertinence des soins, ainsi qu'accès aux soins équitable, doivent être la boussole de notre système de santé !

Mme la présidente. La parole est à M. Éric Bocquet.

M. Éric Bocquet. Madame la ministre, je pense qu'il faut accélérer la cadence pour prendre réellement en compte la situation particulière de l'arrondissement de Valenciennes, qui est, à bien des égards, sinistré sur le plan sanitaire.

Le temps qui m'est imparti ce matin ne me permet pas d'aborder tous les aspects du sujet, mais, puisque vous avez parlé d'un éventail de solutions, je veux souligner que se pose tout d'abord la question des préventions.

En complément de cette question orale, je me permettrai de vous adresser une question écrite portant sur deux thématiques.

D'abord, la prévention, qui, selon nous, commence à l'école. Le Conseil économique, social et environnemental, le CESE, vient de publier un rapport sur le manque de moyens, criant, de la médecine scolaire, obligée de se concentrer sur l'urgence. Ainsi, notre académie de Lille dispose en tout et pour tout de quatre-vingts postes de médecin scolaire, dont quarante ne sont pas pourvus, faute de postulants…

Ensuite, la santé au travail, dans un territoire encore très industrialisé comme le Valenciennois. Je vous demanderai quelles mesures concrètes vous pouvez prendre pour revaloriser la médecine du travail, aujourd'hui peu attractive, nous dit-on, tant dans ses missions et prérogatives qu'en termes d'effectifs. Si rien n'est fait, notre pays ne comptera plus que 2 500 médecins du travail à l'horizon de 2020, c'est-à-dire demain, pour 17 millions de salariés !

- page 2405

Page mise à jour le