Question de M. ADNOT Philippe (Aube - NI) publiée le 15/02/2018

M. Philippe Adnot attire l'attention de Mme la ministre des solidarités et de la santé sur les risques de dérive lucrative relevés par les professionnels, notamment les dentistes libéraux, dans l'application pratique des dispositions de l'ordonnance n° 2018-17 du 12 janvier 2018 relative aux conditions de création et de fonctionnement des centres de santé.
En effet, en dépit de règles garantissant le caractère non lucratif de ces structures, ce texte autorise les cliniques à but lucratif à ouvrir des centres de santé et à rediriger aisément les patients reçus dans lesdits centres vers leurs structures de soins secondaires. Plus encore, il est à craindre que cette ordonnance ne donne encore davantage de latitude aux assurances de santé complémentaires et aux groupes financiers propriétaires des cliniques pour gérer de nouveaux centres de santé.
Il souligne le fait que dans le secteur dentaire, c'est cette logique commerciale qui préside aujourd'hui à la multiplication des ouvertures de centres « lowcost » sous régime associatif « type 1901 » mais détenus par des holdings remontant leurs bénéfices dans des structures commerciales à but lucratif.
Selon les praticiens, la loi n° 2014-57 du 27 janvier 2014 relative aux modalités de mise en œuvre des conventions conclues entre les organismes d'assurance maladie complémentaire et les professionnels, établissements et services de santé en favoriserait le développement en permettant aux mutuelles d'instaurer ainsi des « réseaux de soins » et d'entériner les remboursements différenciés en fonction de l'appartenance du praticien à un réseau.
Il semblerait qu'une enquête de l'inspection générale des affaires sociales (« Les centres de santé dentaires : propositions pour un encadrement améliorant la sécurité des soins » rapport remis au ministère en janvier 2017) ait mis en lumière un certain nombre de dysfonctionnements ou comportements à risque dans ce type de structure censées favoriser l'accès aux soins dentaires.
Aussi, il lui demande de bien vouloir lui faire part des mesures qu'elle entend mettre en œuvre pour pallier ces dérives et éviter la multiplication de scandales tels que « Dentexia ».

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Réponse du Ministère des solidarités et de la santé publiée le 09/08/2018

Le nouveau corpus réglementaire relatif aux centres de santé, introduit une série de mesures qui, conjuguées, renforcent l'encadrement de la création et du fonctionnement des centres de santé et les obligations des professionnels de santé qui y exercent. A cette fin, l'ordonnance du 12 janvier 2018 relative à la création et au fonctionnement des centres de santé garantit, à l'article L. 6323-1-4 du code de la santé publique, le caractère non lucratif de la gestion des centres en interdisant, à tout gestionnaire, quel que soit son statut, de partager entre les associés les bénéfices de l'exploitation de leurs centres. Il est précisé que ces bénéfices doivent être mis en réserves ou réinvestis au profit du centre de santé ou d'une autre structure à but non lucratif, gérés par le même organisme gestionnaire. Il n'est donc pas possible que ces bénéfices soient remontés vers des structures à but lucratif. Pour faciliter les contrôles dans ce domaine, le texte contraint les organismes gestionnaires à tenir les comptes de la gestion de leurs centres selon des modalités permettant d'établir le respect de ces obligations. En outre, le dispositif mis à la disposition des Agences régionales de santé (ARS) pour encadrer le fonctionnement des centres est singulièrement renforcé. En effet, jusque-là, les ARS pouvaient seulement suspendre partiellement ou totalement les activités d'un centre et uniquement en cas de manquement à la qualité et à la sécurité des soins. Désormais, aux termes de l'article L. 6323-1-12, elles peuvent, pour ces mêmes motifs, fermer le centre. En outre, les motifs de fermeture du centre ou de suspension de leurs activités sont étendus au cas de non-respect de la règlementation par l'organisme gestionnaire et au cas d'abus ou de fraude à l'encontre des organismes de la sécurité sociale. Pour renforcer le dispositif, l'article L. 6323-1-11 oblige le gestionnaire à produire un engagement de conformité préalablement à l'ouverture du centre. Enfin, le texte prévoit, en son article L. 6323-1-8 CSP, l'obligation pour les professionnels de santé, en cas d'orientation du patient, d'informer ce patient sur les tarifs et les conditions de paiement pratiquées par l'autre offreur de soins. Le dossier médical du patient doit faire état de cette information. Cette disposition, conjuguée avec celle de l'article R. 4127-23 du même code, qui interdit tout compérage entre professionnels de santé, est de nature, non seulement à permettre au patient de choisir son praticien en connaissance de cause, mais encore, à limiter les risques de captation de clientèle. 

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