Question de M. LEFÈVRE Antoine (Aisne - Les Républicains) publiée le 15/02/2018

M. Antoine Lefèvre attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur les inquiétudes suscitées par le chantier de réforme judicaire, annoncé le 5 octobre 2017, et dont les conclusions ont été remises le 15 janvier 2018.
Ce chantier, installé en amont du projet de loi de programmation pour la justice 2018-2022, suscite la mobilisation, en particulier concernant deux aspects : l'adaptation des cours d'appel à la carte des nouvelles régions et la création d'un tribunal départemental de première instance qui remplacerait certains tribunaux de grande instance existants.
Sans nier la nécessité de moderniser le fonctionnement et l'organisation de la justice pour la rendre plus proche des concitoyens, les professionnels et les élus locaux s'inquiètent de la remise en cause de l'existence de certains tribunaux.
Dans une réponse à une question écrite de l'Assemblée nationale du 16 janvier 2018 (réponse à la question n° 4206, Journal officiel des questions de l'Assemblée nationale p. 356), elle indiquait : « les principes de proximité, de spécialité, de collégialité, de cohérence du travail de l'État doivent aussi être mobilisés. Une fois définis ces principes, la plus-value en sera mesurée pour les citoyens, les justiciables, les professionnels du droit et les territoires. Cette réforme se fera en conservant le maillage actuel des juridictions et en maintenant les implantations judiciaires actuelles. Ces adaptations ne se traduiront par la fermeture d'aucun lieu de justice, et elles résulteront de la concertation engagée. »
Ainsi, et en sachant combien l'existence d'un tribunal, au plus près des territoires, est un élément fort de garantie d'accès des concitoyens au service public de la justice, et joue alors un rôle essentiel en termes d'aménagement du territoire, l'éventualité, pour le département de l'Aisne, par exemple, et la ville de Laon en particulier, de voir regroupé ailleurs que dans la ville-préfecture un éventuel tribunal départemental suscite de grandes inquiétudes et la mobilisation des élus locaux.
Ces derniers plaident pour l'installation du futur tribunal judicaire départemental de plein contentieux, si cette notion était retenue, avec un pôle social centralisé.
Il lui demande donc de bien vouloir préciser ses intentions, dans l'intérêt des justiciables, la modernisation du service public de la justice mais aussi avec le maintien d'un réseau de juridictions de proximité.

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Réponse du Ministère de la justice publiée le 08/11/2018

Le projet de loi de programmation et de réforme de la justice a suscité beaucoup d'interrogations, s'agissant notamment du chantier relatif à l'adaptation du réseau des juridictions. Le rapport consacré à ce sujet, rendu à l'issue des « Chantiers de la Justice », préconisait un certain nombre de mesures. La garde des sceaux, ministre de la justice, a pris la décision de ne pas suivre un certain nombre d'entre elles. Ainsi, contrairement aux choix opérés par de précédents gouvernements, il a notamment été décidé de ne fermer aucune juridiction, de ne pas desserrer le maillage judiciaire existant et de n'affaiblir aucun site judiciaire. Le statu quo n'apparaissait pas acceptable pour autant. Il a donc été décidé de proposer au Parlement une évolution centrée non pas sur des directives venues de Paris mais fondée sur des propositions émanant du terrain. Cette évolution sera articulée autour de grands principes : rendre plus lisible l'organisation des juridictions en proposant une fusion administrative des tribunaux d'instance (TI) et de grande instance (TGI) ; rendre une justice plus efficace en offrant aux juridictions la possibilité de spécialiser des contentieux techniques et de faible volume ; rendre possibles des évolutions pour les cours d'appel dans deux régions expérimentales. La fusion des TGI et TI répond à un souci de simplification des procédures. La répartition des contentieux entre le tribunal d'instance et le tribunal de grande instance est aujourd'hui complexe et peu lisible pour le justiciable. Ce dernier ne devrait pas avoir à se demander s'il doit saisir le TI ou le TGI suivant la nature de son litige. Cette interrogation aura d'autant moins de pertinence que le projet de loi prévoit que le justiciable saisira désormais le tribunal par un formulaire unique de requête introductive d'instance. Cette fusion simplifiera la gestion des contentieux pour le justiciable et aura des conséquences positives pour les chefs de juridiction qui disposeront de plus de souplesse pour gérer leurs ressources humaines. Cependant, aucun lieu de justice ne sera fermé. Ainsi, dans les villes où il existe actuellement un tribunal d'instance isolé, celui-ci sera maintenu et ses compétences actuelles seront préservées par décret. Organiquement rattaché à un tribunal de grande instance, il conservera sa dénomination et continuera à juger les contentieux du quotidien identiques à ceux d'aujourd'hui. Les magistrats et fonctionnaires continueront à y être précisément affectés. Il n'y aura donc aucun recul de la justice de proximité. L'article 53 du projet de loi prévoit même que les chefs de cour pourront attribuer au tribunal d'instance des compétences supplémentaires, après avis du président du tribunal de grande instance et du procureur de la République, si cela correspond à un réel besoin des justiciables. En ce sens le maillage juridictionnel national sera maintenu et les contentieux continueront à être jugés dans des conditions que nous rendrons encore plus favorables qu'actuellement. Les tribunaux de grande instance ne seront aucunement affectés, conservant leurs présidents et leurs procureurs de la République. Si des projets de spécialisation et de répartition des contentieux très techniques et de faible volume entre ces tribunaux sont proposés par les chefs de cours, ils seront étudiés dans la perspective d'une meilleure efficacité de la justice. Le projet qui sera présenté au Parlement ne vise donc aucunement à mettre en cause la justice de proximité puisqu'aucun site juridictionnel ne sera affaibli. Bien au contraire, l'objectif visé est que, à partir des outils qui seront mis à leur disposition, les territoires puissent, s'ils l'estiment nécessaire, proposer une organisation plus efficace du traitement des contentieux.

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