Question de Mme LASSARADE Florence (Gironde - Les Républicains) publiée le 15/03/2018

Mme Florence Lassarade appelle l'attention de M. le ministre de l'économie et des finances sur la concurrence déloyale qui existe entre les entreprises taxées en France et les multinationales d'Internet. Les règles de taxation des entreprises actuelles sont conçues pour l'économie traditionnelle et fondées sur le principe d' « établissement permanent ». Ainsi ne peuvent être taxées que les entreprises qui ont une présence physique en France, mesurée par le montant des actifs (usines, machines), le nombre d'employés et le montant des ventes. Or les entreprises du numérique peuvent offrir leurs services via le net en étant juridiquement installées dans le pays de leur choix: concrètement dans un État qui leur offre des conditions fiscales avantageuses. Selon la commission européenne, le taux d'imposition effectif sur le bénéfice des colosses du numérique dans l'union européenne est en moyenne de seulement 9 %, tandis que celui des entreprises traditionnelles dépasse les 20 %. Elle souhaiterait savoir quelles mesures le Gouvernement envisage de mettre en œuvre pour que l'équité fiscale soit rétablie entre tous les acteurs du commerce et avec quel calendrier.

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Réponse du Ministère de l'économie et des finances publiée le 08/11/2018

Les règles actuelles de la fiscalité internationale, qui ne permettent pas à un État d'imposer une entreprise qui exerce une activité sur son territoire sans y avoir d'implantation physique ou de personnel présent sur place, ne sont plus adaptées aux nouveaux modèles économiques fondés sur le numérique. C'est pourquoi le Gouvernement soutient la refondation de ces règles, aussi bien dans le cadre des travaux engagés par l'OCDE au titre du projet relatif à l'érosion des bases et aux transferts de bénéfices, qu'au niveau européen. Face à un problème qui concerne des entreprises multinationales, les solutions purement nationales ne sont pas efficaces et notre action doit donc s'inscrire dans un cadre européen et multilatéral. Dès septembre 2017, le ministre de l'économie et des finances a adressé, avec huit de ses homologues, une lettre à la Commission européenne, afin de l'inviter à engager une initiative européenne en la matière, notamment pour répondre à l'urgence posée à court terme, en l'attente d'une solution internationale plus pérenne mais nécessitant un consensus de tous les États. Le Gouvernement a donc accueilli très favorablement la présentation par la Commission, le 21 mars 2018, d'un paquet législatif destiné à réformer la fiscalité s'appliquant aux activités numériques au sein de l'Union européenne. Depuis lors, le Gouvernement ne ménage pas ses efforts pour faire progresser les discussions en la matière. La première proposition de directive est une solution intérimaire qui prend la forme d'une taxe sur le chiffre d'affaires engendré par certaines activités numériques de groupes multinationaux, à savoir la diffusion de publicités en ligne reposant sur l'exploitation de données personnelles, les activités de place de marché pour la réalisation de vente de biens et de services en ligne, ou la revente de données personnelles. La seconde proposition de directive tend à réformer durablement les règles relatives à l'imposition des sociétés, en reprenant le concept, porté notamment par la France, de « présence fiscale numérique » de telle sorte que les bénéfices soient taxés là où les entreprises ont une interaction importante avec les utilisateurs par l'intermédiaire de canaux numériques. Cette proposition a vocation à nourrir les travaux internationaux menés à l'OCDE, avec lesquels elle devra s'articuler pour trouver sa pleine efficacité. En matière de fiscalité directe locale, le Gouvernement mène une réflexion spécifique sur le secteur du commerce. Ainsi, le Premier ministre a confié une mission à l'Inspection générale des finances, afin de dresser un état des lieux des prélèvements pesant sur les entreprises commerciales et d'élaborer des propositions, en vue d'aboutir à un cadre fiscal plus équitable entre les différentes formes de commerce, de nature à redynamiser les zones commerciales des centres-villes. En matière de taxe sur la valeur ajoutée (TVA), pour assurer que le lieu de taxation corresponde bien au lieu de la consommation finale, un régime fiscal applicable à la vente à distance a été mis en place en 1993. Ce régime spécifique s'applique lorsque les biens sont expédiés ou transportés par le vendeur ou pour son compte à partir d'un autre État membre de l'Union européenne à destination d'une personne non assujettie à la TVA et prévoit la taxation systématique dans l'État de destination des biens dès lors que le montant des ventes effectuées par un même vendeur vers ce pays excède un seuil qui a été abaissé en France le 1er janvier 2016 à 35 000 € par an. Ce régime garantit donc que, au-delà d'un certain volume de chiffre d'affaires, la TVA ne soit pas source de distorsions de concurrence entre entreprises, le montant de TVA dû par le commerçant étant alors identique quel que soit le mode de distribution des biens concernés (vente en magasin ou via un site Internet). Ce régime est appelé à évoluer conformément à la directive n° 2017/2455 du Conseil du 5 décembre 2017 modifiant certaines obligations en matière de TVA applicables aux prestations de services et aux ventes à distance de biens. Ainsi, cette directive prévoit, à compter du 1er janvier 2019, la suppression des seuils nationaux et l'instauration d'un seuil unique de 10 000 € par an. De plus, à compter du 1er janvier 2021, le respect de leurs obligations fiscales en matière de TVA par les entreprises qui réalisent des ventes à distance de biens sera facilité par le recours à un portail unique en ligne leur permettant d'effectuer leurs démarches déclaratives et de paiement. Ce portail sera également ouvert aux entreprises amenées à effectuer des ventes à distance de biens importés au profit des consommateurs de l'Union européenne. En outre, cette directive prévoit que les acteurs des marchés qui facilitent, par l'utilisation d'une interface électronique telle qu'une place de marché, une plateforme, un portail ou un dispositif similaire, soit les ventes à distance de biens importés de territoires tiers ou de pays tiers contenus dans des envois d'une valeur intrinsèque ne dépassant pas 150 €, soit les livraisons de biens effectuées par des opérateurs non établis dans l'Union européenne au profit de consommateurs finaux, seront désormais redevables de la TVA.

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