Question de M. LAURENT Pierre (Paris - CRCE) publiée le 22/03/2018

M. Pierre Laurent attire l'attention de M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères sur le mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et États communément appelé tribunal d'arbitrage.
C'est un instrument présent dans des milliers de traités de libre-échange en Europe et dans le monde. Il permet aux entreprises d'attaquer un État devant un tribunal arbitral international comme le Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements (Cirdi), organe dépendant de la Banque mondiale basé à Washington. L'un des arbitres est nommé par l'entreprise, le deuxième par l'État et le troisième par la secrétaire générale de la cour.
Le but de ce mécanisme est d'assurer le moins d'entraves possibles aux investisseurs et d'empêcher toutes les mesures publiques qui iraient à l'encontre de leur profit maximal. C'est un mécanisme dangereux pour les services publics, les normes sociales et environnementales tout comme pour la souveraineté des États. Il est contraire à l'intérêt général.
La cour de justice de l'Union européenne (CJUE) s'est prononcée récemment contre ce mécanisme. Il lui demande quelles initiatives la France compte prendre en vue de consolider et systématiser les effets de cette jurisprudence par l'adoption de dispositions légales au niveau de l'Union européenne. Il lui demande également que la France prenne l'engagement de ne plus signer de traités commerciaux contenant un tel mécanisme. Il lui demande enfin ce que la France compte faire pour mettre à l'ordre du jour du groupe de travail III (réforme du règlement des différends entre investisseurs et États) de la commission des Nations unies pour le droit commercial international (CNUDCI) un débat visant à abolir ce mécanisme néfaste pour les peuples et à trouver des solutions en la matière visant à préserver l'intérêt général.

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Réponse du Ministère de l'Europe et des affaires étrangères publiée le 30/08/2018

En réponse aux critiques suscitées par le règlement des différends entre investisseurs et États, le Gouvernement a proposé dès 2015 à la Commission européenne de réformer en profondeur ce dispositif dans le cadre des accords commerciaux négociés par l'Union européenne. La Commission, qui a très largement repris à son compte les propositions du gouvernement français, défend aujourd'hui auprès de ses partenaires de négociation une réforme ambitieuse de ce mécanisme de règlement des litiges de manière à garantir pleinement le droit des États à réguler et à instaurer une juridiction constituée de juges permanents, et non d'arbitres nommés par les parties, soumis à des règles éthiques strictes et dotée d'un mécanisme inédit d'appel des sentences. Ce tribunal d'investissement (ou « Investment Court System ») sera prochainement instauré par les accords récemment conclus par l'Union européenne avec le Canada, Singapour et le Mexique. Dans cet esprit, la France et l'Union européenne, aidées par le Canada, ont demandé à la Commission des Nations unies pour le droit commercial international (CNUDCI) d'engager une réflexion sur l'avenir de ces modes de règlement des différends et ont obtenu la création d'un groupe de travail. L'objectif de ces travaux, qui progressent déjà vers un large consensus sur la nécessité d'une réforme profonde, est d'instaurer à terme une cour multilatérale permanente dédiée aux litiges d'investissement.  Par ailleurs, dans l'arrêt Achméa, la Cour de justice de l'Union européenne a jugé que les clauses de règlement des différends entre investisseurs et États figurant dans des traités de protection des investissements conclus entre États membres de l'Union n'étaient pas conformes au droit de l'Union européenne. Le gouvernement français est en train d'examiner avec ses partenaires et avec la Commission européenne les conséquences précises qu'il convient de tirer de cet arrêt et les modalités de dénonciation des traités d'investissement intra-européens, conformément à l'arrêt de la Cour.

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