Question de M. DUPLOMB Laurent (Haute-Loire - Les Républicains) publiée le 20/04/2018

Question posée en séance publique le 19/04/2018

M. Laurent Duplomb. Monsieur le Premier ministre, le sujet est très sérieux, mais votre légèreté à le traiter m'amène à vous proposer une charade. (Ah ! sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mon premier est une commune de Loire-Atlantique.

Mon deuxième est le résultat d'un fiasco politique du quinquennat précédent. (Oh ! sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

Mon troisième est une zone de 1 600 hectares où les forces de l'ordre républicaines ont été interdites de circuler. Et pourtant, le facteur y portait le courrier des zadistes en droit de toucher les aides sociales !

Mon quatrième est une zone où le droit de propriété est bafoué par des zadistes construisant des abris en toute illégalité.

Mon tout est une zone de non-droit où nos forces de l'ordre sont attaquées alors qu'elles accomplissent avec courage leur mission au nom de l'État.

Les Français sont choqués ; les Français sont exaspérés !

Monsieur le Premier ministre, je pense que vous avez compris de quoi je parle !

Comptez-vous réellement rétablir l'ordre public à Notre-Dame-des-Landes ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste.)

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Réponse du Premier ministre publiée le 20/04/2018

Réponse apportée en séance publique le 19/04/2018

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Monsieur le sénateur, je vous félicite pour votre formidable charade, et vous confirme que j'avais bien compris de quoi il s'agissait.

C'est un sujet important. C'est surtout un sujet ancien, monsieur le sénateur, et même très ancien ! (Exclamations sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. François Bonhomme. Il date de 2013 !

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Comme vous le savez, ce sujet date non pas de plusieurs mois, non pas de plusieurs années, mais, d'une certaine façon, de plusieurs décennies.

Les occupations illégales auxquelles nous mettons un terme en ce moment n'ont pas commencé avec la nomination de ce gouvernement. Elles n'ont pas commencé, monsieur le sénateur – puisque vous avez procédé par charade, permettez-moi d'inverser le questionnement –, avec le quinquennat précédent : il y avait déjà, dès 2010, des occupations illégales. Dès 2010 ! Vous le savez, monsieur le sénateur : vous connaissez formidablement bien cet endroit. Les premières occupations illégales datent du début des années 2000.

Le 17 janvier dernier, après avoir beaucoup consulté, beaucoup réfléchi aussi, j'ai dit, au nom du Gouvernement, que nous prenions trois décisions : mettre un terme à ce projet d'aéroport ; confirmer la vocation agricole des terrains qui avaient été réservés pour la construction de cet aéroport ; mettre un terme à l'occupation illégale de parcelles par des occupants sans titre, cette occupation durant depuis très longtemps, sans qu'aucun gouvernement ait jusqu'ici souhaité ou réussi à les déloger – « souhaité » ou « réussi », monsieur le sénateur : vous pouvez choisir le terme que vous préférez.

C'est ce qui s'est passé et c'est ce qui va se passer !

Notre objectif, depuis le début de l'opération – celle-ci est placée sous le commandement du directeur général de la gendarmerie nationale et de la préfète, et suivie quotidiennement par le ministre d'État, ministre de l'intérieur, et par moi-même –, est bien de faire en sorte que la liberté de circulation soit rétablie sur les axes qui traversent la zone, et que l'ensemble de ceux qui occupent sans titre et de façon illégale puissent quitter les lieux.

Nous ne pouvions pas légalement atteindre ce dernier objectif avant la fin de la trêve hivernale, comme vous le savez, monsieur le sénateur – peut-être souhaitez-vous ignorer cette contrainte juridique ; il se trouve qu'à ma place, sans doute un peu plus qu'à la vôtre, je suis obligé de la prendre en compte.

Notre objectif est de faire respecter le droit. Et c'est ce que nous faisons ! Vingt-neuf constructions illégales ont été détruites ; elles sont en voie de déblaiement. Nous sommes en train de retirer, benne après benne – elles sont plusieurs dizaines, ces bennes –, des matériaux de construction illégalement installés, stockés et utilisés sur les zones.

Vendredi dernier, avec le ministre d'État, ministre de l'intérieur, je me suis rendu sur la commune de Saint-Étienne-de-Montluc pour rencontrer les gendarmes, les pompiers, les membres du parquet de Nantes et de Saint-Nazaire, qui concourent aux opérations avec un professionnalisme et un calme exemplaires, face à des provocations que vous connaissez – je le pense – parfaitement. Face aux pressions, ils gardent leur calme. Ils ont subi beaucoup d'assauts. Un certain nombre d'entre eux ont été blessés. Je les ai rencontrés, avec le ministre d'État, ministre de l'intérieur, pour leur apporter notre soutien total et entier.

M. Bruno Sido. Très bien !

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Hier, le ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, s'est rendu sur place pour rappeler ce qui a été la position constante du Gouvernement, à ceux des occupants illégaux qui, peut-être, n'auraient pas compris la détermination dudit gouvernement : soit ils entraient dans un processus de respect de la loi, soit ils en tireraient les conséquences et seraient exclus des parcelles qu'ils occupent illégalement.

C'est très exactement ce que nous avons dit, monsieur le sénateur, et c'est très exactement ce que nous allons faire. Nous allons le faire avec le souci d'éviter les incidents. Nous allons le faire avec le souci de permettre aux gendarmes de remplir leur mission dans des conditions de sécurité maximale. Mais nous allons le faire, monsieur le sénateur, sans charade, sans légèreté, avec une immense détermination, avec une force tranquille (Murmures sur les travées du groupe socialiste et républicain et exclamations sur des travées du groupe Les Républicains.) dont je ne voudrais pas que vous puissiez douter le début du commencement d'une seconde. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et sur des travées du groupe Union Centriste. – M. Jean-Marc Gabouty applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Laurent Duplomb, pour la réplique.

M. Laurent Duplomb. Monsieur le Premier ministre, nous n'avons pas la même vision de la situation.

L'image que vous donnez d'un État de droit bafoué est insupportable.

Insupportable est votre incapacité à mettre fin à l'occupation illégale, incapacité assortie, de surcroît, d'un passe-droit jusqu'au 31 mars dernier ; insupportable aussi, votre façon de gérer l'évacuation, avec 2 500 gendarmes bridés face à 150 zadistes. Vous vous félicitez du démantèlement de 29 squats ; 29 sur 99 au total… Cela revient à féliciter un élève avec une note de 7 sur 20 !

Insupportable, enfin, est votre pratique du deux poids, deux mesures : d'un côté, les Français obligés tous les jours de respecter les règles, sous la menace de sanctions – je pense aux pertes de points sur leur permis de conduire ; de l'autre côté, les zadistes, obligés à rien ! (Exclamations sur les travées du groupe La République En Marche et du groupe socialiste et républicain.)

M. David Assouline. Démago !

M. Laurent Duplomb. Vous les autorisez même, jusqu'au 23 avril, à régulariser une hypothétique installation agricole via un dossier de deux pages,…

M. le président. Il faut conclure.

M. Laurent Duplomb. … alors que, partout ailleurs, une installation agricole nécessite un dossier de plus de cinquante pages…

M. le président. Il faut conclure !

M. Laurent Duplomb. … et plus de huit mois de délai. (Brouhaha sur les travées du groupe La République En Marche, du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.) Monsieur le Premier ministre, Montesquieu…

M. le président. C'est terminé !

M. Laurent Duplomb. Monsieur le Premier ministre… (Hourvari sur les mêmes travées. – Mme Patricia Schillinger frappe sur son pupitre. – Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

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