Question de Mme MICOULEAU Brigitte (Haute-Garonne - Les Républicains) publiée le 05/04/2018

Mme Brigitte Micouleau attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur la nécessité de créer une juridiction inter-régionale spécialisée (JIRS) à Toulouse.

Créées par la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, les JIRS regroupent des magistrats du parquet et de l'instruction disposant d'une compétence et d'une expérience particulières en matière de lutte contre la criminalité organisée et la délinquance financière. Elles sont aujourd'hui au nombre de huit : Paris, Lyon, Marseille, Lille, Rennes, Bordeaux, Nancy et Fort-de-France. Les juridictions des ressorts des cours d'appel de Toulouse, Agen, Pau, Montpellier et Nîmes relèvent actuellement des JIRS de Bordeaux ou de Marseille.

Les JIRS, qui disposent de moyens techniques renforcés pour mener à bien leurs enquêtes (infiltrations, sonorisation, etc.), sont notamment compétentes en matière de trafic de stupéfiants et d'infractions commises en bandes organisées. Or, Toulouse, quatrième ville de France, et sa banlieue sont le théâtre, depuis plusieurs années, d'une inquiétante multiplication des crimes et délits liés au trafic de stupéfiants. Mais, actuellement, les affaires survenant dans les ressorts des cours d'appel de Toulouse, Agen, Pau, Montpellier et Nîmes relèvent des JIRS de Bordeaux ou de Marseille. Une telle organisation judiciaire est de toute évidence préjudiciable à la bonne administration de la justice, mais également aux justiciables qui doivent, dans certains cas, parcourir plusieurs centaines de kilomètres.

La création d'une JIRS à Toulouse, capitale de la région Occitanie, permettrait en outre de désengorger les JIRS de Bordeaux et de Marseille qui ont actuellement des délais de jugement déraisonnables sur les dossiers « JIRS », ce qui n'est pas, non plus, sans conséquence sur le traitement des autres affaires pénales au sein de ces juridictions.

Aussi, elle lui demande dans quelle mesure le Gouvernement est prêt à s'engager pour la création d'une JIRS à Toulouse.

- page 1557


Réponse du Ministère de la justice publiée le 25/07/2018

Réponse apportée en séance publique le 24/07/2018

Mme Brigitte Micouleau. Créées par la loi du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, les juridictions interrégionales spécialisées, ou JIRS, regroupent des magistrats du parquet et de l'instruction disposant d'une compétence et d'une expérience particulières en matière de lutte contre la criminalité organisée et la délinquance financière.

Disposant également de moyens techniques renforcés pour mener à bien leurs enquêtes, les JIRS ont, en particulier, démontré toute leur efficacité en matière de trafic de stupéfiants.

Notre pays compte aujourd'hui huit juridictions interrégionales spécialisées, mais aucune n'est implantée dans la région Occitanie, pourtant forte de deux importantes métropoles : Toulouse et Montpellier.

Élue locale toulousaine, je peux ici témoigner de l'inquiétante multiplication des crimes et délits liés au trafic de stupéfiants dans la quatrième ville de France et ses communes voisines. Nul n'ignore, par ailleurs, que la frontière franco-espagnole du Perthus, au sud de Perpignan, constitue l'un des principaux points d'entrée de trafiquants sur notre territoire.

L'absence de JIRS en Occitanie est, de toute évidence, préjudiciable à la lutte contre ce fléau. Elle l'est également à la bonne administration de la justice et aux justiciables qui doivent, dans certains cas, parcourir plusieurs centaines de kilomètres pour relier Bordeaux ou Marseille, deux JIRS aujourd'hui engorgées, de l'avis même des professionnels.

Reprenant une interrogation portée depuis plusieurs années par le maire de Toulouse, Jean-Luc Moudenc, par bon nombre de parlementaires, passés ou actuels, et par les professionnels du droit toulousain, ma question sera très simple : envisagez-vous, madame la ministre, de créer aujourd'hui une JIRS à Toulouse ?

M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice. Madame la sénatrice Brigitte Micouleau, la question de l'organisation et du fonctionnement des juridictions interrégionales spécialisées dans la lutte contre la criminalité organisée fait actuellement l'objet d'une large réflexion au sein du ministère de la justice ; vous en trouverez des traductions dans le prochain projet de loi pour la justice.

Ces travaux se fondent sur un récent bilan, établi par la direction des affaires criminelles et des grâces.

De l'avis de l'ensemble des acteurs concernés, l'efficacité de l'action judiciaire dans ce domaine suppose de conserver un nombre réduit de JIRS, celui-ci s'élevant actuellement à huit, comme vous l'avez rappelé.

La complexité des dossiers traités par ces unités nécessite effectivement l'intervention de magistrats expérimentés, maîtrisant des techniques à la fois opérationnelles et juridiques complexes, pour appréhender le caractère souvent national, voire transnational de cette délinquance.

Il convient donc d'éviter la dispersion des moyens pour assurer le maintien d'équipes performantes en la matière.

Depuis la création des JIRS en 2004, le parquet de Toulouse s'est dessaisi de seulement cinquante dossiers au profit de la JIRS de Bordeaux, ce qui ne paraît pas, au moins au plan quantitatif, justifier la création d'une nouvelle structure, et ce d'autant que la JIRS de Bordeaux semble en mesure d'assurer convenablement le traitement des procédures qui lui sont confiées.

J'ajoute que la juridiction de Toulouse ne se trouve pas démunie sur le plan procédural. En effet, à l'instar des magistrats des JIRS ou de toute autre juridiction, les magistrats qui la composent peuvent recourir aux techniques spéciales d'enquête utilisées dans la lutte contre la criminalité organisée.

Néanmoins, je constate avec vous, madame la sénatrice, que la présence d'une JIRS constitue au plan local un levier fort pour lutter contre la délinquance organisée, notamment contre les trafics de stupéfiants, dont l'agglomération toulousaine n'est pas épargnée.

C'est donc à l'aune de ces équilibres, et dans la volonté d'impulser, au plan national, une forte dynamique contre ces formes de délinquance, que la réflexion sur l'implantation et le fonctionnement des JIRS doit se poursuivre.

Sans en attendre l'aboutissement, Toulouse bénéficiera en 2018 d'un renforcement de son équipe de magistrats pour la mise en œuvre, notamment, de la politique de reconquête républicaine.

M. le président. La parole est à Mme Brigitte Micouleau, pour répondre à Mme la ministre.

Mme Brigitte Micouleau. Je vous remercie, madame la ministre, de votre réponse, dont je prends acte.

Je voudrais tout de même insister sur le fait que la criminalité organisée liée au trafic de stupéfiants se banalise sur la métropole de Toulouse - de par vos liens avec cette ville, vous ne pouvez raisonnablement pas ignorer ces faits.

J'en veux pour preuve la publication, ces derniers jours encore, d'un énième article dans la presse locale détaillant le commerce totalement décomplexé des dealers. Ces délinquants publient, sur les réseaux sociaux, leurs meilleures offres, leurs promotions ou encore des plans d'accès aux sites de revente… En toute impunité, au nez et à la barbe des enquêteurs et des juges !

Il est donc essentiel de doter les serviteurs de l'État de réels moyens pour répondre à ces provocations et à l'ensemble des trafics.

- page 11461

Page mise à jour le