Question de M. MAUREY Hervé (Eure - UC) publiée le 26/04/2018

M. Hervé Maurey attire l'attention de M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur, sur les difficultés auxquelles font face les communes rurales pour appliquer les règles en matière de défense extérieure contre l'incendie.
Une réforme du cadre en la matière a été initiée en 2011 avec l'adoption de la loi n° 2011-525 du 17 mai 2011 de simplification et d'amélioration de la qualité du droit. A ensuite été pris le décret n° 2015-235 du 27 février 2015 relatif à la défense extérieure contre l'incendie.
Ce nouveau cadre a notamment modifié le niveau de fixation des règles techniques, désormais départemental, permettant ainsi leur adaptation au contexte local.
Cette réforme allait donc dans le bon sens, d'autant qu'elle venait remettre en cause des règles nationales devenues obsolètes avec le temps.
Toutefois, force est de constater que les règlements pris au niveau départemental ne sont pas satisfaisants et cela malgré les concertations menées dans le cadre de leur élaboration et prévues par la loi.
Ainsi, dans l'Eure, les distances requises entre les bouches à incendie et les habitations sont très faibles : 200 mètres pour celles à « risque courant faible », le niveau de risque minimum. Nombre de communes ne sont pas en mesure de satisfaire à cette obligation.
En effet, outre le coût élevé d'une telle mesure pour les communes, les réseaux d'eau ne permettent pas, dans de nombreux cas, de se conformer aux débits demandés.
Les alternatives proposées à l'installation de bouches à incendie – point de puisage, citernes, bacs récupérateurs d'eau – sont également très onéreuses et parfois techniquement difficiles à mettre en œuvre.
Dans l'impossibilité de se conformer à ces règles, un grand nombre de communes rurales de l'Eure voient les certificats d'urbanismes refusés.
Une telle situation porte atteinte à l'attractivité et à la vie même de communes car de nombreuses constructions deviennent impossibles.
Aussi, il souhaite connaître les mesures qu'il envisage de prendre pour remédier à cette situation particulièrement inquiétante pour le développement des communes.

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Réponse du Secrétariat d'État auprès du ministre de l'intérieur publiée le 24/10/2018

Réponse apportée en séance publique le 23/10/2018

M. Hervé Maurey. Monsieur le secrétaire d'État, en 2011 a été engagée la réforme de la défense extérieure contre l'incendie avec l'adoption de la loi de simplification et d'amélioration de la qualité du droit. Cette loi a modifié le niveau de fixation des règles – autrefois national, aujourd'hui départemental –, afin qu'elles soient au plus près des réalités locales. Cette réforme allait donc dans le bon sens.

Malheureusement, dans un certain nombre de départements, le règlement adopté et surtout son application ne sont pas adaptés à la réalité des communes rurales.

Dans l'Eure, par exemple, la distance requise entre les bouches à incendie et les habitations est de 200 mètres pour les zones peu denses. Cette règle est de surcroît appliquée avec une rigueur particulièrement grande, puisque des certificats d'urbanisme sont refusés pour des distances à peine supérieures à 200 mètres, parfois pour de simples extensions ou pour des constructions de piscines.

Cette situation conduit à ce que dans de nombreuses communes rurales toutes les demandes de certificat d'urbanisme soient refusées, interdisant de fait toute nouvelle construction.

Cette règle est d'autant plus préjudiciable que son respect strict par les communes nécessite des investissements très onéreux, parfois même techniquement impossibles.

Ainsi, l'installation de bouches à incendie se heurte souvent à une insuffisance des débits de réseaux d'eau. Or, dans la plupart des cas, ceux-ci sont gérés non pas par les communes, mais par des syndicats peu enclins à ce type d'investissements, d'autant que l'augmentation du diamètre des tuyaux qui permet d'améliorer les débits est de nature à créer des phénomènes de turbidité affectant la qualité de l'eau.

Quant à l'installation de réserves d'eau, généralement très coûteuse pour une petite commune, elle n'est pas toujours possible pour des motifs d'emprises foncières.

Ma question est donc très simple, monsieur le secrétaire d'État : quelles mesures le Gouvernement envisage-t-il de prendre pour remédier à cette situation très préoccupante et très pénalisante pour de très nombreux maires ruraux ?

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur.

M. Laurent Nunez, secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur. Monsieur le sénateur, l'efficacité des opérations de lutte contre les incendies dépend notamment de l'adéquation entre les besoins en eau et les ressources disponibles.

La défense extérieure contre l'incendie, ou DECI, placée sous l'autorité du maire ou du président de l'établissement public de coopération intercommunale, a pour objet d'assurer, en fonction des besoins résultant des risques à couvrir, l'alimentation en eau des moyens des services d'incendie et de secours. Il s'agit d'un appui indispensable pour permettre aux sapeurs-pompiers d'intervenir rapidement, efficacement et dans des conditions optimales de sécurité.

La réforme de la DECI, conduite en 2015, instaure une approche novatrice. En effet, la DECI ne répond plus à une norme nationale, mais relève d'un règlement départemental élaboré par le préfet. Cette réforme a un double objectif : une concertation renforcée avec les collectivités et une plus grande souplesse dans la définition et dans l'application des mesures au plus près de la réalité du terrain – zones très urbanisées, zones rurales ou zones soumises aux feux de forêt.

La distance maximale qui sépare les points d'eau et les risques à défendre est déterminée au regard des enjeux à protéger et des techniques opérationnelles des sapeurs-pompiers.

Dans le département de l'Eure, le règlement départemental, arrêté en mars 2017 après concertation avec les élus au sein d'un comité des partenaires, a fixé à 200 mètres la distance séparant un point d'eau d'un bâtiment classé en risque d'incendie faible.

J'ai parfaitement conscience que cette réglementation, nécessaire pour garantir la lutte efficace et rapide contre les incendies, peut parfois être contraignante dans certaines communes, notamment rurales.

Si vous estimez qu'une disposition essentielle de ce règlement n'est pas raisonnablement applicable et qu'elle peut emporter des conséquences négatives pour les communes – vous avez cité le cas de refus de certificats d'urbanisme –, ce règlement peut aussi évoluer par le biais de nouveaux échanges avec les partenaires et selon les procédures qui sont applicables.

J'ajoute enfin que la DECI ne doit pas altérer la qualité sanitaire de l'eau distribuée ni conduire à des dépenses excessives, au regard, notamment, du dimensionnement des canalisations. Si le réseau d'eau potable ne permet pas d'obtenir le débit nécessaire à la DECI, d'autres ressources sont utilisables.

Je rappelle que la DECI repose sur un équilibre entre les impératifs que sont la sécurité des populations, la constante amélioration de la DECI et un coût financier supportable, notamment pour les communes rurales.

Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Maurey pour répondre à M. le secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur. Vous disposez de trente-six secondes, mon cher collègue.

M. Hervé Maurey. Monsieur le secrétaire d'État, vous avez parlé de souplesse, mais, dans les faits, on observe malheureusement tout le contraire : le règlement est très strict, et son application est d'une rigueur tout à fait excessive. C'est sur ce dernier point que j'aurais souhaité que vous puissiez nous donner des éléments de réponse permettant d'envisager un certain nombre d'assouplissements.

Le Président de la République a déclaré récemment que les maires « sont les premiers porteurs de la République du quotidien ». Il me semble qu'il faudrait commencer par alléger leur quotidien, car ils n'en peuvent plus de toutes ces contraintes qui pèsent sur eux. C'est d'ailleurs ce qui explique le nombre de démissions record et la détermination de certains maires que nous rencontrons à ne pas se représenter en 2020. Nous n'avions jamais connu une telle situation.

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