Question de M. MASSON Jean Louis (Moselle - NI) publiée le 17/05/2018

M. Jean Louis Masson demande à M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur si une commune, qui dispose d'un local commercial, peut donner celui-ci à bail, dans les conditions de l'article L. 145-1 du code du commerce en acceptant que le preneur bénéficiera d'une franchise de loyer de trois mois en contrepartie des travaux de remise en état du local, sans que cela constitue une libéralité interdite aux collectivités.

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Transmise au Ministère de l'intérieur


Réponse du Ministère de l'intérieur publiée le 15/11/2018

Le juge judiciaire admet traditionnellement la pratique contractuelle par laquelle le bailleur d'un local commercial accorde, au démarrage d'un bail commercial (article L. 145-1 du code du commerce) une franchise de loyer au preneur. Cette franchise est en principe limitée à la durée nécessairement raisonnable des travaux de remise en état du local commercial, nécessaires au démarrage de l'exploitation commerciale (en ce sens, à titre d'exemple : cour de cassation, 2e chambre civile, 16 mai 2012, n° 11-16.306 11-17.155, ou cour de cassation, 3e chambre civile, 31 janvier 2012, n° 11-10.912). Sauf à remplir les conditions propres à l'inclusion d'un bien immobilier dans le domaine public (affectation directe à l'usage du public, ou à un service public, à condition sur ce dernier point de bénéficier d'un aménagement indispensable à l'exercice de cette mission), les locaux commerciaux détenus par les collectivités locales font partie de leur domaine privé. Il ressort des dispositions de l'article L. 2221-1 du code général de la propriété des personnes publiques (CGPPP) qu'« ainsi que le prévoient les dispositions du second alinéa de l'article 537 du code civil, les personnes publiques mentionnées à l'article L. 1 gèrent librement leur domaine privé selon les règles qui leur sont applicables ». C'est à ce titre notamment que le propriétaire public peut user directement de ses biens ou en consentir l'usage à un tiers en lui donnant à bail. Ainsi, le régime juridique applicable à la gestion par une personne publique de son domaine privé est mixte : si la plupart des règles qui s'y appliquent sont issues du droit privé, un ensemble résiduel mais incompressible de règles issues du droit public continuent à s'appliquer. Figurent parmi ces règles, la stricte application du droit de la commande publique à certaines opérations satisfaisant les critères de qualification des marchés publics, l'interdiction faite aux collectivités publiques de consentir des libéralités, ainsi que l'encadrement des aides économiques consenties par les collectivités territoriales aux entreprises. Sur le risque de requalification en marché public de travaux, l'article 4 de l'ordonnance du 23 juillet 2015 dispose que « Les marchés sont les contrats conclus à titre onéreux par un ou plusieurs acheteurs soumis à la présente ordonnance avec un ou plusieurs opérateurs économiques, pour répondre à leurs besoins en matière de travaux ». Au cas d'espèce, le contrat de bail commercial prévoirait la location d'un immeuble, assortie d'une franchise sur loyer pour une durée de trois mois, en contrepartie de quoi l'entreprise locataire s'engagerait à effectuer des travaux de restauration du local loué. Il s'agirait ainsi d'un rabais sur le montant de la location susceptible de constituer une contrepartie indirecte à caractère onéreux (v. sur ce point : Conseil d'État,  4 novembre 2005, Société Jean-Claude Decaux, n° 247298). Il conviendra, pour demeurer en dehors de tout risque de requalification en marché public, de s'assurer du caractère nécessairement accessoire des opérations de travaux réalisées au regard de l'objet immobilier principal du contrat de location, ceux-ci ne devant avoir pour objet et/ou effet de répondre exclusivement à un besoin exprimé et clairement défini de la collectivité publique en matière de travaux (v. sur ce point : cour administrative d'appel de Douai, 25 octobre 2012, n° 11DA01951). Sur l'interdiction faite aux personnes publiques de consentir des libéralités. La liberté de gestion de leur domaine privé par les collectivités publiques se trouve en outre contrainte par le principe selon lequel interdiction est faite aux personnes publiques de consentir des libéralités (Conseil d'État, Sect., 19 mars 1971, n° 79962, publié au Lebon), prohibant notamment la cession ou la location de biens publics à des personnes poursuivant des fins d'intérêt privé à vil prix. Est particulièrement susceptible d'entrer dans ce cadre, le rabais – même temporaire – sur le montant du loyer consenti par une collectivité publique au preneur d'un local commercial dont elle est propriétaire. La modicité du loyer consenti à titre temporaire par la collectivité pourra toutefois ne pas être qualifiée automatiquement de libéralité, dès lors qu'est prise en compte la circonstance que le preneur assure à son compte le financement de travaux, lesquels sont destinés à être remis sans contrepartie au bailleur en fin de bail (à titre d'exemple, s'agissant des rabais sur redevance contre travaux, dans le cadre d'un bail emphytéotique : cour administrative d'appel de Bordeaux, 11 décembre 2007, n° 06BX00100), et à condition toutefois que le rabais sur loyer consenti par la collectivité ne soit pas disproportionné au regard de la valeur des travaux à effectuer par le preneur, de sorte que celui-ci ne bénéficie d'aucun enrichissement injustifié. Sur l'encadrement des aides économiques consenties par les collectivités territoriales aux entreprises. À condition d'avoir eu pour objet « la création ou l'extension d'activités économiques » au sens de l'article L. 1511-3 du code général des collectivités territoriales, et à condition que le rabais consenti par la collectivité territoriale intéressée ait été manifestement disproportionné au regard de la valeur des travaux amenés à être réalisés par le preneur, de nature à constituer un avantage économique pour ce dernier, le régime juridique des aides à l'immobilier d'entreprise est susceptible de s'appliquer à pareil cas d'espèce. Il ressort en effet des dispositions de l'article L. 1511-3 du code général des collectivités, que « Ces aides revêtent la forme de […] rabais sur le prix de vente, de location ou de location-vente de […] bâtiments neufs ou rénovés […] à des conditions plus favorables que celles du marché. Le montant des aides est calculé par référence aux conditions du marché, selon des règles de plafond et de zones déterminées par voie réglementaire. » Il reviendrait alors à la collectivité territoriale intéressée de s'assurer de sa parfaite compétence pour consentir une telle aide, au sens de l'article L. 1511-3 précité.

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