Question de M. PRIOU Christophe (Loire-Atlantique - Les Républicains) publiée le 24/05/2018

M. Christophe Priou attire l'attention de M. le ministre de la cohésion des territoires sur les inquiétudes des architectes concernant certaines dispositions prévues dans le projet de loi (AN n° 846, XVe leg) portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (ELAN). En effet, les bailleurs sociaux se verraient exonérés de l'obligation de concours pour leurs programmes. De plus, ils ne seront plus assujettis aux dispositions du titre II de la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985, dite « loi MOP », qui pose le principe de la mission de base, insécable, confiée par le maître d'ouvrage public à un maître d'œuvre privé. Pourtant, la loi MOP constitue une des bases du droit de la construction publique et régit les rapports de la maîtrise d'ouvrage public avec la maîtrise d'œuvre privée. C'est pourquoi, la sortie des bailleurs sociaux de la loi MOP pourrait porter atteinte à la qualité des futurs logements conventionnés et des bâtis. Le logement public doit pouvoir bénéficier des meilleurs standards actuels, comme le parc privé. Aussi, il lui demande quelles mesures seront finalement retenues pour préserver la qualité des constructions de logements sociaux et quelles garanties seront proposées pour permettre aux architectes de conserver leur rôle essentiel de concepteur dans le cadre des projets de construction de logements sociaux.

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Transmise au Ministère de la culture


Réponse du Ministère de la culture publiée le 27/12/2018

Depuis 1977 et l'adoption de la loi n° 77-2 sur l'architecture, la qualité de l'architecture, élément indissociable du cadre de vie, est reconnue en France comme étant d'intérêt public. L'article 1er de cette loi, qui n'est pas affectée par le projet de loi sur l'évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (ELAN), en pose les grands principes qui sont à réaffirmer aujourd'hui. « L'architecture est une expression de la culture. La création architecturale, la qualité des constructions, leur insertion harmonieuse dans le milieu environnant, le respect des paysages naturels ou urbains ainsi que du patrimoine sont d'intérêt public. Les autorités habilitées à délivrer le permis de construire ainsi que les autorisations de lotir s'assurent, au cours de l'instruction des demandes, du respect de cet intérêt. En conséquence, les maîtres d'ouvrage sont tenus de faire appel au concours des architectes ». C'est donc aux architectes que la loi a confié la responsabilité de la mettre en œuvre en réglementant leur profession et ce principe n'est pas remis en cause aujourd'hui. Les grands objectifs de la loi n° 77-2 sur l'architecture restent éminemment d'actualité : ils doivent être constitutifs de toutes les opérations d'aménagement, de construction et de réhabilitation et évidemment de construction de logements. Il en va de la qualité de vie de l'ensemble des concitoyens et de la responsabilité vis-à-vis des générations futures. Différents outils ont été élaborés pour mettre en œuvre la qualité architecturale, notamment la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d'ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d'œuvre privée (dite loi MOP). Son apport principal a été de définir un processus vertueux de projet dans lequel le rôle, les missions et les responsabilités de chacun étaient bien définis, dans un principe général d'indépendance de la maîtrise d'œuvre. Le mode de production du logement a changé. Il est réalisé aujourd'hui en grande partie par des opérateurs privés. La responsabilité de la qualité des logements sociaux repose donc autant sur eux que sur les maîtres d'ouvrage publics. Il est de la responsabilité de tous, au-delà de la loi, de garder comme objectif prioritaire celui de la qualité de la conception et de la réalisation de ce qui sera construit demain dans un cadre à réinventer. Cette responsabilité est celle des architectes mais aussi de ceux qui prescrivent l'architecture : collectivités territoriales et aménageurs, maîtres d'ouvrage privés et publics. Le concours d'architecture comme la mission complète confiée aux architectes lors de la réalisation des logements sociaux restent des modalités qui ont prouvé leur capacité à stimuler l'innovation et la qualité de la conception du logement et ce pendant de longues années. Leur pertinence n'est de ce fait pas remise en cause, certains opérateurs privés ayant recours régulièrement aux concours sans y être obligés. Le projet de loi ELAN supprime l'obligation mais pas la capacité à y recourir. Il sera donc de la responsabilité des maîtres d'ouvrage, mais aussi des collectivités, d'en faire usage. Toutefois, la suppression de deux règles, qui ont régi depuis plus de 30 ans la production du logement social et qui ont su créer un cadre sécurisé de relations entre bailleurs sociaux et architectes, doit s'accompagner de la définition d'un nouveau modèle contractuel, tel que le prévoit l'article 3 de la loi n° 77-2 sur l'architecture, modèle équilibré, garantissant la qualité architecturale et la durabilité des ouvrages construits. Les architectes appellent depuis près d'un an à la définition de ce nouveau cadre. Le ministère de la culture les a entendus. Il a confié le 16 mai dernier à dix professionnels de l'architecture une mission de réflexion afin de réaffirmer les valeurs culturelles, sociales et économiques de l'architecture dans la société. Après avoir auditionné de nombreux acteurs de la production architecturale à Paris et en région, ils doivent restituer leurs premiers constats et leurs premières propositions en début d'année 2019. Elles feront ensuite l'objet d'une concertation avec les parties prenantes de l'architecture. Une seconde mission, à caractère interministériel, doit être conduite prochainement afin de favoriser une commande architecturale de qualité et de réfléchir à de nouvelles modalités de travail entre producteurs du logement et architectes, sur la base des dispositions de la loi ELAN récemment promulguée. Les modalités de travail de cette mission sont en cours de définition entre le ministère de la culture et le ministère du logement.

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