Question de Mme CARTRON Françoise (Gironde - SOCR) publiée le 31/05/2018

Mme Françoise Cartron appelle l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation sur l'accompagnement préventif des viticulteurs à la suite des nouvelles intempéries qui ont touché plusieurs départements de Nouvelle-Aquitaine, à la fin du mois de mai 2018.
En Gironde, le conseil interprofessionnel du vin de Bordeaux (CIVB) estime que ce sont les vignobles d'appellations côtes de Blaye et côtes de Bourg dans le nord du département qui ont été le plus touchés, mais aussi le Haut Médoc au nord de Bordeaux.
Le sud du Médoc, qui avait déjà subi la grêle le 21 mai 2018, est aussi concerné ainsi que le Bourgeais et le Blayais dans l'est de la Gironde.
Selon ses estimations, près de 7 000 hectares du Bordelais ont été impactés par les violents orages.
Les vignobles dans le bassin Charente-Cognac ont été encore plus durement touchés puisque 10 000 hectares auraient été endommagés.
La situation est par conséquent catastrophique pour les exploitants et la production viticole. Elle aurait tendance à se répéter de façon alarmante ces dernières années.
Face aux risques répétés, un élu de Gironde, également vice-président du conseil départemental, a rappelé sur son blog le 28 mai : « entre les épisodes de gel, ceux de la grêle, la véritable problématique de la sortie de l'utilisation des produits phytosanitaires dangereux, le vignoble bordelais traverse une très mauvaise période. Pas une année sans que les volumes de récoltes prometteuses ne soient pas entamés par des épisodes climatiques exceptionnels de violence. Cette triste réalité (mai 2009, août 2013, juin 2014, mai 2017 pour la grêle et avril 2016 pour le gel) se répète désormais de manière trop systématique pour que l'on n'y voie pas l'impact du dérèglement climatique ».
Il souligne également « qu'il existe en Gironde une structure qui tente d'anticiper la formation de ces grêlons liés à la température froide en altitude par ensemencement des masses nuageuses menaçantes quelques heures avant le déclenchement de leur précipitation. L'association départementale d'étude et de lutte contre les fléaux atmosphérique (ADELFA) membre du réseau nationale de l'ANELFA déployé dans d'autres départements ou régions de France, a depuis maintenant plus de vingt ans mis en place un réseau spécialisé de diffusion dans l'atmosphère de iodure d'argent dès lors que les services météorologiques lancent une alerte. (…) C'est ainsi que l'on ensemence les nuages en cristaux qui provoquent la formation de multiples petits grêlons ou de grêlons « ramollis » moins dévastateurs. »
Face aux vives inquiétudes des exploitants une nouvelle fois victimes des aléas climatiques, eu égard à la répétition de ces phénomènes météorologiques, elle lui demande de préciser les mesures de prévention que le gouvernement pourrait accompagner sur le long terme afin de faire face à de futures intempéries.
Elle pense, d'une part, à la sensibilisation des différents acteurs de la filière (professionnels du monde agricole, assureurs, collectivités locales, services de l'État...) dans l'anticipation de la grêle et, d'autre part, en parallèle des indemnisations des pertes subies, au financement d'un matériel modernisé de prévention avec l'objectif de préserver l'activité de la filière agricole (maraîchage, viticulture, arboriculture fruitière...) désormais systématiquement touchée.

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Transmise au Ministère de l'agriculture et de l'alimentation


Réponse du Ministère de l'agriculture et de l'alimentation publiée le 08/11/2018

À la fin du mois de mai 2018, plusieurs épisodes de grêle ont affecté les exploitations viticoles du nord de la Gironde. De nombreux dispositifs transversaux et spécifiques existent et ont déjà été déployés par les services de l'État depuis cet été pour aider les viticulteurs en difficulté. Le dispositif des calamités agricoles vise à indemniser les baisses quantitatives de production (pertes de récolte) ou la destruction de biens (pertes de fonds) résultant d'un aléa climatique exceptionnel. Toutefois, seuls les dommages résultant de risques considérés comme non assurables sont éligibles. Pour le secteur viticole, les pertes de récolte étant assurables, elles ne relèvent pas du régime des calamités agricoles, mais ce dernier pourra être activé, le cas échéant, pour les pertes de fonds, si les dommages nécessitent une taille sévère impactant la récolte 2019. Aussi, pour ces pertes de fond, la mise en œuvre du régime des calamités agricoles relève de la compétence des préfets de département qui, lorsqu'ils le jugent nécessaire, initient la procédure pour les cultures éligibles. Une demande de reconnaissance est alors établie et transmise au ministère de l'agriculture et de l'alimentation. Après instruction, un avis est rendu par le comité national de gestion des risques en agriculture sur le caractère, ou non, de calamité agricole. Si la reconnaissance est accordée, le ministère de l'agriculture et de l'alimentation publie un arrêté de reconnaissance qui permet ensuite aux agriculteurs de déposer leur dossier auprès des directions départementales des territoires et d'être indemnisés. Face à la multiplication des intempéries, il est indispensable que les exploitants agricoles puissent assurer plus largement leurs productions à travers le dispositif d'assurance récolte contre les risques climatiques, encouragé par l'État et qui inclut la grêle ou le gel. Ce soutien prend la forme d'une prise en charge partielle des primes ou cotisations d'assurance payées par les exploitants agricoles, pouvant aller jusqu'à 65 %. Les producteurs ont la possibilité de réduire le taux de franchise ou bien encore le seuil de déclenchement, afin de disposer d'un contrat d'assurance adapté à leurs besoins. S'agissant de la filière viticole, elle dispose d'outils spécifiques et complémentaires à l'assurance récolte pour faire face aux aléas. En premier lieu, le dispositif des achats de vendanges permet aux viticulteurs, lors de sinistres climatiques, d'acheter dans certaines conditions des vendanges à d'autres producteurs afin de compléter leur récolte amoindrie sans changer de statut fiscal. Trois arrêtés préfectoraux autorisant les achats de vendanges pour les opérateurs résidant sur le territoire des communes impactées par les épisodes de grêles de mai et juillet 2018 ont ainsi été publiés. En second lieu, les opérateurs produisant des vins bénéficiant d'une appellation d'origine contrôlée (AOC) pour lesquels un volume complémentaire individuel (VCI) peut être constitué et ayant mis en réserve de tels volumes lors des récoltes précédentes pourront les mobiliser pour combler le déficit de récolte 2018 le cas échéant : parmi les appellations de Gironde,  vingt et une appellations d'origine protégées en rouge et quatre en blanc ont intégré le dispositif de VCI. D'autre part, lors de sa séance du 6 septembre 2018, le comité national des appellations d'origine relatives aux vins et aux boissons alcoolisées, et des boissons spiritueuses a donné un avis favorable à la mise en place de l'expérimentation du VCI pour les vins liquoreux des AOC Monbazillac, Sauternes et Barsac. Il convient enfin de noter qu'à compter de la récolte 2018, après examen des demandes par les instances de l'institut national de l'origine et de la qualité, les appellations éligibles au VCI auront la possibilité d'accroître les volumes de vin stockés à hauteur de 20 % du rendement du cahier des charges sur une récolte donnée (contre 10 % maximum actuellement), et pourront cumuler le VCI constitué sur plusieurs récoltes à hauteur de 50 % du rendement susvisé (contre 30 % maximum actuellement). Plusieurs dispositifs peuvent, par ailleurs, être mobilisés pour accompagner les exploitants qui connaîtraient des difficultés économiques en cette période : le recours à l'activité partielle pour leurs salariés ; un dégrèvement de la taxe sur le foncier non bâti pour les parcelles impactées ; les mesures de report de cotisations sociales. S'agissant des mesures en matière de cotisations sociales, les exploitants en difficulté peuvent solliciter auprès de leur caisse de mutualité sociale agricole un report de paiement de leurs cotisations sociales, qui prend la forme d'un échéancier accordé à ceux qui se trouvent en situation financière et économique difficile quelle qu'en soit la cause, mais dont la viabilité de l'exploitation ou de l'entreprise est reconnue. Les échéanciers de paiement peuvent porter sur les cotisations et contributions sociales dues pour la protection sociale personnelle obligatoire des chefs d'exploitation ou d'entreprise agricoles, sur les cotisations sociales patronales et les contributions de sécurité sociale dues par les employeurs de main d'œuvre agricole, et sur les cotisations conventionnelles du régime des non-salariés et salariés agricoles recouvrées pour le compte de tiers. Par ailleurs, pour aider les entreprises à faire face aux situations de crise rencontrées, des cellules d'identification et d'accompagnement des exploitants en difficulté ont été mises en place en ce début d'année au sein de chaque département et selon une organisation rénovée. Ces cellules étudient de manière confidentielle et anonymisée les différentes situations pour orienter les exploitants vers les dispositifs les plus adaptés. Pour ce qui concerne la technique « d'ensemencement des nuages » par un « bombardement » d'aérosols (iodure d'argent ou autre) afin de réduire la taille des grêlons en formation, il n'existe pas de démonstration robuste de l'efficacité de cette technique. Il n'est donc pas possible d'en évaluer la pertinence économique car les bénéfices ne sont pas assurés. Par conséquent, l'État reste attentif à l'évolution des connaissances scientifiques et techniques susceptibles de limiter l'impact de la grêle sur les cultures. Par ailleurs, il doit être souligné que certains assureurs intègrent dans leur grille tarifaire la mise en œuvre par l'exploitant d'investissements de protection (filets para-grêles par exemple), permettant ainsi de réduire le montant de la prime d'assurance. Enfin, en février 2018, les ministres chargés de l'économie et de l'agriculture ont lancé une concertation sur la réforme de la fiscalité agricole. L'objectif était de faire évoluer cette fiscalité afin qu'elle soit mieux adaptée à la vie économique des exploitations en leur permettant d'améliorer leur résilience, leur viabilité et leur compétitivité. Ce chantier, qui a associé étroitement les parlementaires des deux assemblées ainsi que les professionnels agricoles durant sept mois, a permis de proposer des évolutions importantes de la fiscalité agricole. Ces évolutions figurent dans le projet de loi de finances pour 2019. En matière de gestion des aléas, un nouveau mécanisme fiscal souple et attractif remplace la déduction pour aléas et la déduction pour investissement. Les opérateurs pourront déduire de leur bénéfice imposable jusqu'à 150 000 euros sur plusieurs année l'épargne de précaution qu'ils auront constituée. En contrepartie et afin que cette épargne soit facilement mobilisable, au moins 50 % du montant devra se trouver sur un compte de trésorerie dédié. Ce dispositif permettra également de substituer à l'épargne monétaire une épargne constituée de stocks à rotation lente, ce qui devrait permettre de répondre aux préoccupations du secteur viticole.

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