Question de Mme VULLIEN Michèle (Rhône - UC-A) publiée le 06/07/2018

Question posée en séance publique le 05/07/2018

Mme Michèle Vullien. Ma question s'adresse à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

Je souhaite revenir sur l'évasion pour le moins spectaculaire de Redoine Faïd de la prison de Réau. Je sais que vous avez diligenté une mission d'inspection, madame la garde des sceaux. Nous aurons l'occasion d'échanger sur ses conclusions, attendues d'ici à une quinzaine de jours.

Cependant, je m'interroge sur la succession hallucinante de signes avant-coureurs non pris en compte et sur le traitement médiatique de cette affaire.

Non, ni le lieu ni les moyens n'étaient adaptés ! La preuve en est que cet individu est aujourd'hui en cavale.

Pourtant, lors d'un mouvement social, au mois de janvier dernier, les personnels pénitentiaires avaient déjà tiré la sonnette d'alarme. Ils sont les premiers à souligner que cet individu, qualifié de « détenu particulièrement signalé », n'était pas dans la bonne prison, qu'il communiquait avec les autres détenus, que le personnel n'avait pas le temps de fouiller sa cellule et que des moyens complémentaires de sécurité, notamment des filins, étaient nécessaires. Forts de leur expérience, ils avaient même demandé un transfèrement urgent, demande qui n'a pas été prise en compte.

Le rapport de la commission d'enquête sur l'état des forces de sécurité intérieure, dont nous avons pris connaissance ce matin, n'est pas fait pour nous rassurer.

Non, cette prison, pourtant construite en 2011, prétendument moderne et sécurisée, n'était pas adaptée pour accueillir ce type de personnage ! La preuve en est qu'il est aujourd'hui en cavale. C'est d'autant plus vrai que les plans de la prison ont fuité, qu'un drone peut la survoler en toute impunité et qu'elle n'est même pas floutée sur Google Earth…

Oui, je suis choquée de découvrir sur les réseaux sociaux les images filmées par un détenu, alors que les téléphones portables sont interdits en détention ! Cela laisse à penser que les échanges avec l'extérieur sont légion.

Oui, je suis choquée de voir des chaînes d'information relayer cette même vidéo en faisant abstraction de toute déontologie !

Oui, je suis choquée de voir ce personnage dangereux incarner aux yeux de certains une sorte de héros des temps modernes et être salué sur les réseaux sociaux par une actrice écervelée, pour ne pas dire décérébrée ! (Exclamations amusées sur les travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)

Oui, je suis choquée, quand je pense à la famille de la jeune policière municipale tuée par cet homme, et en particulier à son jeune fils !

Madame la garde des sceaux, que comptez-vous faire pour que nous ne revivions plus jamais ce genre de situation ? La crédibilité de votre administration est mise à mal.


M. le président. Il faut conclure, ma chère collègue.


Mme Michèle Vullien. Il faut améliorer la sécurité, et je dirais même restaurer l'exemplarité de notre système carcéral. C'est la confiance en notre État de droit qui en dépend ! (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)

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Réponse du Ministère de la justice publiée le 06/07/2018

Réponse apportée en séance publique le 05/07/2018

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice. Madame la sénatrice, cette évasion spectaculaire, qui a été préparée par un commando hors norme, a effectivement frappé les esprits ; à divers égards, on peut le comprendre.

Devant une telle situation, il faut réagir avec sérieux, avec détermination, sans surenchère. Le parquet de Paris mène une enquête. Toutes les forces de l'ordre sont mobilisées pour retrouver le fugitif. En tant que garde des sceaux, je suis responsable de la sécurité dans les établissements pénitentiaires.

La prison de Réau, vous l'avez rappelé, est une prison moderne. Elle a été inaugurée par le président Sarkozy en 2011. C'est une prison sécurisée. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) Elle est adaptée pour recevoir des détenus particulièrement signalés, comme l'était Redoine Faïd, qui, à ce titre, relevait d'un régime de surveillance très particulier. (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)

Je veux comprendre comment cette évasion a pu être possible, sur la base d'éléments solides et irrécusables. C'est pourquoi j'ai diligenté dès dimanche une inspection qui me rendra ses conclusions dans une dizaine de jours. Comme j'ai déjà eu l'occasion de le dire, je tirerai toutes les conséquences des résultats de cette inspection. S'il est établi que des signaux d'alerte n'ont pas été pris en compte, il y aura des sanctions.

Cela étant, le Gouvernement n'a pas attendu cet événement grave pour agir. Dès 2018, nous avons augmenté le budget de sécurité des établissements pénitentiaires de 10 millions d'euros. Nous avons professionnalisé et renforcé le renseignement pénitentiaire ; cela est reconnu par tous. Nous avons créé des structures étanches qui vont pouvoir accueillir des détenus radicalisés. Nous mettons en place des dispositifs de brouillage des téléphones. Nous lançons un marché pour lutter contre les drones. Nous travaillons à la sécurisation des abords des établissements pénitentiaires. Le projet de loi de programmation que je vous présenterai dès l'automne traduira ces engagements pour mieux protéger les Français. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)

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