Question de M. GRAND Jean-Pierre (Hérault - Les Républicains) publiée le 25/10/2018

M. Jean-Pierre Grand attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur les critères d'attribution de l'avantage spécifique d'ancienneté (ASA) dans la police nationale. Introduit par un amendement gouvernemental le 24 mai 1991 à l'Assemblée nationale, l'article 11 de la loi n° 91-715 du 26 juillet 1991 portant diverses dispositions relatives à la fonction publique concernait les circonscriptions comportant un quartier pour lequel l'État avait passé une convention de développement social urbain. Un arrêté du 20 octobre 1992 a fixé la liste des quartiers concernés par l'ASA en application des décrets n° 92-244 et n° 92-247 du 16 mars 1992. Il s'agissait de quartiers précis de certaines communes. À l'époque, à l'article 18 de son projet de loi n° 419 relatif à l'organisation du temps de travail, aux recrutements et aux mutation dans la fonction publique (Sénat, 1993-1994), le Gouvernement entendait supprimer ce mécanisme d'avancement accéléré aux motifs qu'il s'est avéré d'une mise en œuvre complexe pour les administrations alors même que l'avantage pour les fonctionnaires était très limité. Lors de la séance du 30 juin 1994 à l'Assemblée nationale, les députés ont adopté un amendement du rapporteur visant à rétablir l'article 11 de la loi du 26 juillet 1991 dans une nouvelle rédaction visant désormais les quartiers urbains où se posent des problèmes sociaux et de sécurité particulièrement difficile. Le décret n° 95-313 du 21 mars 1995 a fixé que ces quartiers devaient correspondre à des circonscriptions de police ou à des subdivisions de ces circonscriptions. Dès lors, les arrêtés du 17 janvier 2001 et du 3 décembre 2015 ont listé les CSP éligibles. Or, la volonté du législateur était d'accorder cet avantage aux agents exerçant leur fonction à titre principal dans des quartiers difficiles quelle que soit leur affectation administrative à une CSP. Même si les CSP constituent la structure de base des services territoriaux de la sécurité publique, un policier national affecté administrativement à une direction départementale de sécurité publique (DDSP) peut être amené à exercer ses activités dans un quartier difficile relevant d'une CSP. Lors de sa saisine pour avis du 22 mai 2015, le Premier ministre avait interrogé le Conseil d'État sur la possibilité d'étendre l'attribution de l'ASA à certains fonctionnaires amenés à exercer leurs missions de sécurité en dehors de leur lieu d'affectation administrative. Dans son avis n° 390275 du 21 juillet 2015, le Conseil d'État a jugé qu'il ne serait pas illégitime d'accorder l'ASA à certains de ces policiers non affectés administrativement à une CSP. Toutefois, il précise que cette extension se heurte à un obstacle juridique tiré de l'article 11 de la loi du 26 juillet 1991 lequel réserve le bénéfice de l'ASA aux seuls fonctionnaires affectés dans un quartier urbain particulièrement difficile. Cette position a été rappelée par le Conseil d'État dans son arrêt n° 415948 du 26 juillet 2018 refusant le bénéfice de l'ASA à un policier national affecté dans un service dépendant directement d'une DDSP, quel que soit le lieu où l'intéressé exerce ses fonctions. Sur le même principe, une indemnité de fidélisation en secteur difficile est attribuée aux fonctionnaires actifs de la police nationale exerçant, de façon permanente, quel que soit leur service d'affectation, leurs attributions dans le ressort territorial des CSP. Il est ainsi possible que des policiers nationaux bénéficiaires de cette indemnité soient, dans un même temps, privés de l'ASA. Aussi, il lui demande de bien vouloir lui indiquer s'il entend modifier l'article 11 de la loi du 26 juillet 1991 afin de permettre d'attribuer cet avantage à l'ensemble des agents réellement présents dans les quartiers difficiles.

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Transmise au Ministère de l'intérieur


Réponse du Ministère de l'intérieur publiée le 18/02/2021

L'avantage spécifique d'ancienneté (ASA), institué par l'article 11 de la loi du 26 juillet 1991 portant diverses dispositions relatives à la fonction publique, est un dispositif interministériel qui se traduit par l'attribution d'une bonification d'ancienneté à certains agents de l'Etat affectés dans « unquartier urbain où se posent des problèmes sociaux et de sécurité particulièrement difficiles ». Conformément au décret du 21 mars 1995 relatif au droit de mutation prioritaire et au droit à l'avantage spécifique d'ancienneté accordés à certains agents de l'Etat affectés dans les quartiers urbains particulièrement difficiles, ces quartiers doivent correspondre, pour les fonctionnaires de police, « à des circonscriptions de police ou à des subdivisions de ces circonscriptions désignées par arrêté conjoint du ministre chargé de la sécurité, du ministre chargé de la ville, du ministre chargé de la fonction publique et du ministre chargé du budget ». Un premier zonage, défini par arrêté du 17 janvier 2001, réservait cet avantage aux seuls fonctionnaires de police en fonction dans le ressort territorial des anciens secrétariats généraux pour l'administration de la police de Paris et de Versailles. Cette rédaction excluait les fonctionnaires affectés en dehors de l'Ile-de-France, ce que le Conseil d'Etat a jugé illégal en l'absence d'examen de la situation concrète des zones d'affectation des agents (Conseil d'État, 16 mars 2011, n° 327428, Leducq). Sur la base de cette jurisprudence, plus de 25 000 agents affectés en dehors de l'Île-de-France ont engagé des recours contentieux qui ont abouti, principalement à compter du premier semestre 2015, à la condamnation de l'État à réexaminer leur situation. En parallèle, un second arrêt du Conseil d'État a obligé l'État à abroger les dispositions litigieuses (Conseil d'État, 20 novembre 2012, n° 37912, 377146, 379735, 380784). Par suite, le ministère de l'intérieur a pris des mesures visant, d'une part, à mettre en conformité le dispositif de l'ASA et, d'autre part, à régulariser la situation de l'ensemble des agents qui en avaient été illégalement privés par le passé. Un arrêté du 3 décembre 2015 a ainsi fixé une liste de 161 circonscriptions de police identifiées sur la base d'éléments statistiques consolidés relatifs à la délinquance locale. Il ouvre l'avantage aux 36 000 fonctionnaires - dont 17 000 en dehors de l'Île-de-France - affectés dans les services désignés, qui assurent des missions de sécurité publique en relation directe avec les quartiers visés. Aucune extension aux fonctionnaires amenés à exercer une partie de leurs missions dans ces mêmes quartiers, sans y être affectés, pour légitime qu'elle soit, n'est toutefois légalement envisageable dans le cadre actuel de l'ASA (CE, 6 juillet 2018, 415948). En second lieu, une directive du 9 mars 2016 établit une seconde liste de circonscriptions de sécurité publique pouvant être considérées comme particulièrement difficiles entre 1995 et 2015, au vu des statistiques de la délinquance de l'ensemble de la période. Cette directive garantit aux agents qui y ont été affectés qu'ils bénéficieront d'une reconstitution de carrière, même en l'absence de demande de leur part. Ils seront reclassés à l'échelon auquel le bénéfice de l'ASA leur donne droit. Cette opération permet d'identifier les périodes au cours desquelles l'agent n'a pas bénéficié d'un avancement d'échelon auquel il aurait pu accéder plus tôt, les traitements non versés constituant alors des créances que l'agent possède sur l'État. Le paiement de ces créances est régi par la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'État, les départements, les communes et les établissements publics, qui prévoit la prescription des créances de l'État « qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis ». Il est de jurisprudence constante que les créances de rémunération des agents publics résultent du service fait, conformément à l'article 20 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, même en cas de faute de l'administration. Les agents privés de tout ou partie de leur rémunération disposent donc d'un délai de quatre ans, à compter du 1er janvier de l'année suivant la réalisation du service, pour demander le paiement d'une créance de rémunération. D'ores et déjà, le Conseil d'État a rappelé que la prescription s'appliquait au contentieux de l'ASA et les juridictions administratives font pleine application de ces dispositions et de la jurisprudence et rejettent les recours tendant à l'annulation des décisions opposant la prescription quadriennale. En revanche, le Gouvernement considère que la publication de la directive du 9 mars 2016 a interrompu la prescription quadriennale pour l'ensemble des créances non prescrites à cette date, permettant ainsi de préserver les droits des agents illégalement privés de l'ASA par le passé, dans les conditions fixées par la loi. Le ministère de l'intérieur est ainsi engagé dans une opération de régularisation massive mobilisant d'importants moyens humains, techniques et financiers. Ce travail a permis de réexaminer à ce jour plus de 10 000 dossiers et le paiement de 32,42 M€ (5,6 M€ en 2017, 8,4 M€ en 2018, 8,4 M€ en 2019 et 10,02 M€ en 2020) au titre de l'attribution rétroactive de l'ASA aux fonctionnaires de police. 11 M € sont dédiés à l'attribution rétroactive de l'ASA aux fonctionnaires de police par la loi de finances initiale pour l'exercice 2021. S'agissant des zones retenues, pour identifier les secteurs éligibles, correspondant conformément au décret du 21 mars 1995 précité « à des circonscriptions de police ou à des subdivisions de celles-ci », le ministère de l'intérieur a établi une méthodologie statistique basée sur quatre indicateurs liés à l'activité des services et à la délinquance pour les années 2012, 2013 et 2014. L'ensemble des circonscriptions de sécurité publique (CSP) dont les indicateurs se sont révélés supérieurs à la moyenne nationale ont ainsi été retenues dans un nouvel arrêté du 3 décembre 2015 fixant la liste des circonscriptions de police éligibles. Ainsi que l'a reconnu le Conseil d'État, le choix des CSP retenues s'est fondé sur des critères objectifs, rationnels et cohérents que l'inscription non justifiée de CSP supplémentaires compromettrait. En tout état de cause, une révision globale de la liste des CSP éligibles aura lieu fin 2021 sur une base statistique actualisée. Si l'évolution de la situation le justifie, les fonctionnaires des CSP ayant connu une évolution défavorable seront alors légitimement attributaires de cet avantage. Aussi, et sans que cela ne remette en cause l'engagement remarquable et constant des policiers sur l'ensemble du territoire national et les difficultés de leurs missions, le Gouvernement ne saurait élargir outre mesure un dispositif légal visant à favoriser particulièrement les fonctionnaires de police engagés dans les circonscriptions connaissant les plus grandes difficultés.

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