Question de Mme BONNEFOY Nicole (Charente - SOCR) publiée le 17/01/2019

Mme Nicole Bonnefoy attire l'attention de Mme la ministre des solidarités et de la santé concernant les difficultés des anciens salariés, aujourd'hui retraités, de l'usine Saft – Arts Energy de Nersac en Charente, pour obtenir de la caisse primaire d'assurance maladie un suivi post-professionnel de leur état de santé.

Ces salariés ont été exposés voire surexposés pendant de nombreuses années, dans le cadre de leur profession, au cadmium et à ses composés.

Le cadmium est considéré comme cancérogène certain pour l'homme par le centre international de recherche sur le cancer (CIRC). Les cancers associés sont ceux des voies respiratoires, notamment du poumon. Le cadmium est également suspecté d'être à l'origine de cancers de la prostate et du rein.

La recherche, d'une part, et la prise en charge médicale, d'autre part, pour les personnes ayant été exposées lors de leur activité professionnelle, constituent des enjeux de santé publique. La Haute Autorité de santé a d'ailleurs émis en 2010, des éléments d'orientation pour le suivi post-professionnel, l'information et les relevés d'expositions de ces personnes.

Aussi, elle lui demande pourquoi, en Charente, les anciens salariés de l'usine Saft – Arts Energy de Nersac ne bénéficient à ce jour d'aucun suivi post-professionnel organisé par la caisse primaire d'assurance maladie, en lien avec la médecine du travail.

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Réponse du Secrétariat d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé publiée le 23/01/2019

Réponse apportée en séance publique le 22/01/2019

Mme Nicole Bonnefoy. Madame la secrétaire d'État, je souhaite attirer votre attention et celle de Mme la ministre des solidarités et de la santé sur les difficultés que rencontrent les anciens salariés, qui sont donc aujourd'hui retraités, de l'usine Saft–Arts Energy de Nersac, en Charente, pour obtenir de la caisse primaire d'assurance maladie un suivi post-professionnel de leur état de santé.

Ces salariés ont été exposés, voire surexposés, pendant de nombreuses années, dans le cadre de leur profession, au cadmium et à ses composés.

Comme vous le savez, le cadmium est considéré comme cancérogène certain pour l'homme par le centre international de recherche sur le cancer. Les cancers associés sont ceux des voies respiratoires, notamment du poumon. Le cadmium est également suspecté d'être à l'origine de cancers de la prostate et du rein.

On imagine donc combien le suivi de ces travailleurs actifs mais aussi retraités est important : important pour prévenir les maladies et assurer leur prise en charge médicale, sachant qu'une véritable épée de Damoclès pèse sur ces travailleurs, qui voient certains de leurs collègues mourir en silence de cancers du poumon ; important également pour la recherche médicale et pour l'actualisation des tableaux des maladies professionnelles ; important aussi pour faciliter, si besoin, la recherche en responsabilité.

Je ne comprends donc pas, madame la secrétaire d'État – les travailleurs retraités ne le comprennent pas non plus, et ils sont venus me le dire –, qu'aucun suivi post-professionnel ne soit organisé et réalisé.

Ma question est donc simple : est-ce normal ? Pourquoi un suivi post-professionnel n'est-il pas systématiquement réalisé pour les travailleurs qui ont été exposés à des matières si dangereuses pendant parfois plus de trente ans de leur vie ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé. Madame la sénatrice, les anciens salariés de l'usine Saft–Arts Energy de Nersac en Charente qui ont été exposés au cadmium au cours de leur carrière professionnelle peuvent, sur simple demande de leur part auprès de leur caisse primaire d'assurance maladie, bénéficier d'un suivi médical post-professionnel.

D'après les données fournies par la Caisse nationale d'assurance maladie, seuls deux anciens salariés de cette entreprise spécialisée dans la conception d'accumulateurs et de systèmes de stockage d'énergie ont sollicité la mise en place de ce suivi médical en 2018.

Depuis 1995, les anciens salariés du régime général ayant été exposés à des substances ou procédés cancérogènes pendant leur vie professionnelle peuvent, sur leur demande, bénéficier d'un suivi médical post-professionnel, pris en charge par la branche accidents du travail et maladies professionnelles.

Ce suivi est accordé par la caisse primaire d'assurance maladie sur production par l'intéressé d'une attestation d'exposition remplie par l'employeur et le médecin du travail. Dans le cas où l'assuré est dans l'impossibilité de fournir cette attestation, notamment parce que l'entreprise a disparu, c'est l'assurance maladie qui se charge de vérifier l'effectivité de l'exposition avant de proposer à l'assuré le suivi médical adapté.

Dans le cas spécifique du cadmium, le protocole national prévoit que le médecin traitant reçoit une information sur les maladies professionnelles provoquées par cette substance. Il est ensuite invité à se rapprocher du médecin du travail afin d'harmoniser le suivi post-professionnel avec celui qui a été réalisé au cours de l'activité professionnelle. Il lui est également conseillé d'adresser son patient en consultation de pathologie professionnelle en cas de problème respiratoire ou rénal.

Selon ce protocole national, le suivi post-professionnel réalisé par le médecin traitant comprend un examen clinique bisannuel ; les organes cibles sont le foie et les reins, où le cadmium s'accumule surtout. Dans les deux derniers cas de suivi post-professionnel octroyés à des anciens salariés de l'usine Saft–Arts Energy en 2018, le médecin conseil de l'assurance maladie a en outre accordé des tests urinaires, des scanners et des radios des os.

Sur la période 2013-2017, cinq cancers broncho-pulmonaires provoqués par l'inhalation de poussières ou fumées renfermant du cadmium ont été reconnus et pris en charge par l'assurance maladie. Sur la même période, 8 896 cancers professionnels ont été indemnisés.

Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Bonnefoy, pour répondre à Mme la secrétaire d'État.

Mme Nicole Bonnefoy. Je vous remercie, madame la secrétaire d'État, de rappeler ce qui est possible. Le problème est que, dans la réalité, les choses ne se passent pas ainsi – c'était la raison de ma question.

Des travailleurs retraités de la Saft sont venus me voir ; je citerai le témoignage de l'un d'entre eux en particulier, retraité de la Saft depuis quatre ans lorsque je l'ai rencontré : le médecin du travail avait demandé à la caisse primaire d'assurance maladie de la Charente un suivi post-professionnel, car le taux de cadmium mesuré dans son sang est de trois fois supérieur à la normale ; il n'a jamais obtenu ce suivi. C'est moi qui suis intervenue auprès de la CPAM pour qu'il l'obtienne, et, lorsqu'il a été reçu, le médecin ne connaissait pas le dossier médical et ne savait pas ce qu'il devait faire.

Il n'y a donc pas de lien entre la médecine du travail et la caisse primaire d'assurance maladie, et je peux vous assurer que, s'agissant de cette entreprise, le suivi post-professionnel n'est pas assuré, alors que, eu égard à la dangerosité du cadmium, il devrait l'être. Je demande donc au ministère de la santé de rendre effectif, pour ces retraités, ce suivi dont vous avez indiqué qu'il était possible.

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