Question de M. CHEVROLLIER Guillaume (Mayenne - Les Républicains) publiée le 24/01/2019

M. Guillaume Chevrollier attire l'attention de Mme la ministre des solidarités et de la santé sur l'impact de la réforme de l'obligation d'emploi des travailleurs handicapés (OETH). Cette dernière se poursuit en ce moment dans le cadre de la rédaction des décrets d'application de la loi qui définiront les modalités d'application de cette obligation d'emploi révisée.

Afin de favoriser l'emploi direct des personnes handicapées, la loi prévoit désormais que les contrats de sous-traitance passés par les entreprises ou collectivités aux établissements et services d'aide par le travail (ESAT), aux entreprises adaptées (EA) et aux travailleurs indépendants en situation de handicap (TIH), qui représentent un total près de 250 000 travailleurs en situation de handicap, ne pourront désormais plus être comptabilisés pour remplir leur obligation d'emploi (le quota de 6 %). Le Gouvernement indique cependant que les futures modalités de calcul de recours à la sous-traitance seront définies dans le futur décret avec un objectif de « neutralité financière ».

Les associations représentantes des personnes handicapées alertent sur leurs inquiétudes quant à l'effet de cette réforme sur les donneurs d'ordres qui ne seront plus incités de la même manière, demain, à avoir recours à la sous-traitance. Les associations sont en effet inquiètes que la réforme vienne directement fragiliser le travail des 250 000 personnes en situation de handicap qui ont aujourd'hui un accès à un travail au moyen de l'accompagnement proposé par les établissements et services d'aides par le travail et dont la capacité de travail est inférieure ou égale au tiers de celle d'une personne dite « valide », qui sont salariées en entreprise adaptée ou travailleurs indépendants.

Il souhaite savoir comment concrètement le Gouvernement compte garantir également une neutralité financière pour les ESAT, EA et TIH dont les activités pourraient être impactées directement par la réforme de l'OETH qui vise pourtant à améliorer l'accès au travail des personnes handicapées.

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Transmise au Secrétariat d'État auprès du Premier ministre, chargé des personnes handicapées


Réponse du Secrétariat d'État auprès du Premier ministre, chargé des personnes handicapées publiée le 13/02/2019

Réponse apportée en séance publique le 12/02/2019

M. Guillaume Chevrollier. Madame la secrétaire d'État, la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel, adoptée en septembre 2018, prévoit que les entreprises ou les collectivités ne pourront plus, pour remplir leur obligation d'emploi, comptabiliser les contrats de sous-traitance qu'elles passent avec des établissements d'aide par le travail, plus connus sous le nom d'ESAT, avec des entreprises adaptées ou avec des travailleurs indépendants en situation de handicap.

En effet, en théorie, les entreprises ont l'obligation de compter 6 % de travailleurs handicapés dans leurs effectifs.

Vous le savez, le travail est un élément important de la dignité de la personne humaine, et il est de notre responsabilité d'encourager l'insertion professionnelle des personnes handicapées, notamment en milieu ordinaire.

Le Gouvernement indique que les modalités de calcul du recours à la sous-traitance seront définies dans un futur décret, avec un objectif de « neutralité financière ».

Les associations représentantes des personnes handicapées, notamment l'Union nationale des associations de parents de personnes handicapées mentales et de leurs amis, connue sous le nom d'Unapei, s'inquiètent de l'effet de cette réforme sur les donneurs d'ordre, qui, demain, ne seront plus incités comme avant à avoir recours à la sous-traitance.

Les associations craignent que cette réforme ne fragilise directement le travail des 250 000 personnes en situation de handicap qui ont aujourd'hui accès à un travail au moyen de l'accompagnement proposé par les ESAT.

Madame la secrétaire d'État, que leur répondez-vous ?

Je souhaite aussi savoir comment, concrètement, le Gouvernement compte garantir la neutralité financière pour les établissements d'aide par le travail, pour les entreprises adaptées et pour les travailleurs indépendants en situation de handicap, dont les activités pourraient être directement impactées par la réforme de l'obligation d'emploi des personnes handicapées.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Sophie Cluzel, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées. Monsieur le sénateur Chevrollier, je vous remercie de votre question, qui me permet de clarifier les choses et de rassurer les personnes handicapées et les associations des gestionnaires d'ESAT et d'entreprises adaptées. Le dispositif que vous évoquez a déjà fait l'objet de nombreux échanges avec la délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle du ministère du travail et, bien sûr, avec mes services.

Oui, la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel, qui a rénové l'obligation d'emploi de travailleurs handicapés, a posé un principe tout simple : mieux distinguer l'emploi direct et l'emploi indirect des personnes handicapées, non pour opposer ces deux formes d'emploi, mais bien pour pouvoir décompter, en toute transparence, ce qui est fait par les uns et par les autres.

Oui, à compter du 1er janvier 2020, les entreprises ordinaires devront décompter différemment, dans le cadre de leur obligation d'emploi, les travailleurs handicapés qu'elles salarient et ceux auxquels elles concourent à fournir de l'activité en prestant avec des ESAT, des entreprises adaptées ou des travailleurs indépendants.

Et, oui, un décret d'application, à paraître d'ici à la fin mars, doit venir préciser comment, à partir de 2020, les achats en sous-traitance auprès du secteur adapté ou protégé resteront une bonne affaire pour les entreprises ordinaires, qui pourront les déduire de leur contribution due au titre de l'obligation d'emploi des travailleurs handicapés, l'OETH.

Je tiens à vous rappeler que toutes les parties prenantes sont autour de la table dans le cadre de l'élaboration de ce décret : les organisations syndicales et patronales, mais aussi les associations de personnes handicapées et toutes les têtes de réseaux gestionnaires d'ESAT et d'entreprises adaptées, y compris, bien sûr, l'Unapei.

Mais soyons réalistes : malgré notre très grand volontarisme et nonobstant la concertation en cours pour améliorer l'efficience de l'accompagnement vers et dans l'emploi des travailleurs comme des employeurs, il est assez peu vraisemblable que les entreprises atteignent au 1er janvier prochain la cible de 6 %, dont elles sont encore loin.

Toutes choses égales par ailleurs, les entreprises qui devraient avoir à s'acquitter d'une contribution au titre de l'OETH seront donc heureuses de pouvoir continuer à réduire son montant en déduisant leurs achats auprès d'ESAT et d'entreprises adaptées. Car, en effectuant de tels achats, elles font une triple action : pour elles-mêmes, en acquérant des biens et des services dont elles ont besoin pour leur fonctionnement courant ; pour leurs finances, en réduisant, par ces achats, le montant de leur contribution ; pour leur responsabilité sociale, en recourant à des achats responsables auprès de prestataires qui concourent directement, eux, à l'emploi de quelque 110 000 travailleurs en ESAT et 40 000 en entreprise adaptée.

Le dispositif de déduction devrait donc être en définitive assez simple, même si les discussions sont en cours pour savoir s'il faut permettre de déduire l'intégralité d'une facture de sous-traitance ou s'il faut limiter cette déductibilité à la seule partie se rattachant à la main-d'œuvre concernée.

L'intention du Gouvernement est en tout cas très claire. Elle est de continuer à valoriser le recours à un secteur adapté et protégé, qui joue un rôle majeur dans les parcours d'emploi de quelque 130 000 travailleurs handicapés, et que nous entendons bien renforcer, avec la création de 40 000 emplois dans le secteur adapté d'ici à 2022 et un soutien public porté à 500 millions d'euros, conformément à l'engagement conclu le 12 juillet dernier avec l'UNEA, l'Union nationale des entreprises adaptées, l'Unapei et APF France handicap.

M. le président. Je vous remercie, madame la secrétaire d'État. Vous n'êtes venue que pour une question, mais vous avez pris votre temps pour y répondre.

La parole est à M. Guillaume Chevrollier, pour répondre à Mme la secrétaire d'État.

M. Guillaume Chevrollier. Merci, madame la secrétaire d'État, de cette réponse qui – je l'espère – dissipera les inquiétudes des associations de parents de personnes handicapées. Nous serons vigilants s'agissant de la rédaction du décret. Je sais que nous partageons tous, ici, l'objectif de construire une société plus inclusive ; nous serons donc, sur ce dossier, mobilisés et attentifs.

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