Question de M. KANNER Patrick (Nord - SOCR) publiée le 18/01/2019

Question posée en séance publique le 17/01/2019

M. Patrick Kanner. Monsieur le Premier ministre, nous allons entrer dans le grand débat lancé par le Président de la République. Comme nous l'avons déjà dit publiquement, les parlementaires socialistes en prendront toute leur part sur le terrain, dans les communes.

Nous sommes de fervents défenseurs du dialogue et du débat politique avec les Français. Nous répéterons, à cette occasion, les propositions que nous avons déjà faites et que vous n'avez malheureusement pas suivies. Il en est une, toutefois, dont nous ne savons plus si nous aurons le droit de la formuler. Je veux parler, bien sûr, du rétablissement de l'ISF.

Le Président de la République a soufflé le chaud et le froid sur ce point. Qui devons-nous croire ? Le Président de La Lettre aux Français, qui exclut toute remise en cause de sa ligne économique et sociale, ou celui du débat en Normandie, qui ouvre le droit à parler de l'ISF ?

Ce sujet pose plus largement la question de la prise en compte de la parole des Français dans ce débat, à l'image de vos reculs contraints sur une partie de l'augmentation de la CSG pour les retraités, sur la taxe carbone, sur le coup de pouce au SMIC via la prime d'activité et, désormais, sur vos 80 kilomètres par heure. Entendez-vous infléchir votre politique économique et sociale si contestée ou ce débat ne sera-t-il qu'un exercice de communication sans suite ?

Enfin, monsieur le Premier ministre, permettez-moi une dernière question : comment envisagez-vous la conclusion de ce grand débat ? Accepterez-vous, comme vous l'ont demandé certains syndicats, qu'elle prenne la forme d'une vraie négociation avec les partenaires sociaux, que vous avez négligés jusqu'ici ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

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Réponse du Premier ministre publiée le 18/01/2019

Réponse apportée en séance publique le 17/01/2019

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Monsieur le président Kanner, vous m'interrogez sur le grand débat, son organisation, le sens et la portée qu'il aura, ainsi que sur ses conclusions ou, plus exactement, sur la méthode qui sera retenue à son terme. Vous posez un certain nombre d'autres questions auxquelles je peux parfaitement répondre.

Ce débat va se tenir pendant les deux mois qui viennent pour faire en sorte que tous les Français, où qu'ils vivent – ça compte ! –, quels que soient leur âge, leur situation professionnelle, leur statut, puissent s'exprimer. Vous le savez comme moi, il serait déraisonnable d'imaginer interdire aux Français de discuter d'un sujet. Ils ont toute latitude pour s'emparer de tous les sujets qu'ils souhaitent évoquer. C'est pour cela que le Président de la République a souhaité « cadrer » le débat, non pas pour faire de tel ou tel sujet un tabou, mais pour dire quel est le cadre dans lequel nous allons prendre en compte ce que diront les Français. Je vais vous donner un exemple, qui, parce qu'il est évident, illustrera cette logique.

Imaginez – j'espère que ce ne sera pas le cas, évidemment – que les Français veuillent remettre en cause la forme républicaine de nos institutions. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.) Je ne crois pas qu'ils le feront, même si nous devons faire attention à préserver ce qui nous semble parfois acquis. Cependant, si tel était le cas, il est évident que nous ne nous engagerions pas dans cette logique. Je prends cet exemple, car il est tellement excessif qu'il vous indique clairement les choses.

M. David Assouline. Quel est le rapport avec l'ISF ?

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Les éléments qui constituent le socle de l'engagement du Président de la République comme de celui des parlementaires de la majorité ont été posés au moment d'une élection. Vous reconnaîtrez, comme moi, qu'ils ne peuvent pas être écartés, qu'ils constituent des points qui fondent la confiance et sur lesquels cette majorité – que vous avez parfaitement le droit de critiquer – s'est engagée. La légitimité qui découle de l'élection doit, elle aussi, être respectée.

Beaucoup de questions – trente-cinq ou trente-six – ont été posées directement aux Français par le Président de la République dans la lettre qu'il leur a adressée. En répondant à ces questions, en s'exprimant sur ces sujets, les Français vont nous donner un certain nombre d'indications. Il appartiendra ensuite au Gouvernement, au Parlement, à l'ensemble de ceux qui concourent au débat public, d'en faire leur miel, de s'en inspirer, dans la réponse qu'ils apporteront aux questions profondes et anciennes qui taraudent notre société. C'est dans cet esprit que nous nous engageons.

Vous évoquez la proposition formulée par certaines organisations syndicales – pas toutes – et reprise, d'ailleurs, par certaines associations d'élus d'organiser, au terme de l'exercice, une grande conférence territoriale et sociale qui permettrait à l'ensemble des acteurs d'échanger sur ce qui ressort du grand débat et de le transformer, le cas échéant, en propositions. C'est une bonne idée, et je l'entends.

À mon sens, le débat devra vivre après que nous l'aurons lancé et, au fur et à mesure qu'il avancera, nous pourrons répondre à certaines questions et à certaines propositions, comme celle-ci. Il me semble, toutefois, que, si nous voulons être logiques, il faut que ceux qui ont l'ambition de participer au terme du débat, à la définition des solutions, choisissent, d'une façon ou d'une autre, de participer au débat lui-même pendant qu'il a lieu. À défaut, il serait curieux de demander de participer à la fin sans pour autant participer au déroulé.

M. Patrick Kanner. C'est vrai !

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Si ce débat prospère, comme nous le souhaitons et comme, à mon sens, un très grand nombre de Français l'espère, alors peut-être faudra-t-il faire droit à cette proposition. Je crois qu'il est un peu tôt pour répondre à cette question, car il faut laisser au débat le temps de commencer, en garantissant aux Français, ainsi que nous l'avons fait, que le Président de la République l'a dit et que je le redis ici, devant les sénateurs, que nous tiendrons compte des éléments qui seront formulés à l'intérieur du cadre proposé par le Président de la République. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, ainsi que sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)

M. le président. La parole est à M. Patrick Kanner, pour la réplique.

M. Patrick Kanner. Monsieur le Premier ministre, j'entends votre réponse et je vous confirme que les parlementaires socialistes participeront au grand débat national qui a été lancé par le Président de la République.

La démocratie participative peut enrichir la démocratie représentative, mais elle ne peut pas s'y substituer. Je tiens ainsi à insister sur le fait que nous défendrons bec et ongles le bicamérisme. (Vifs applaudissements.) Le Sénat, comme lanceur d'alerte, doit être respecté, et vous seriez parfois bien inspiré d'écouter ses conclusions ! (Vifs applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe Les Indépendants – République et Territoires, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)

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