Question de M. BONNECARRÈRE Philippe (Tarn - UC) publiée le 31/01/2019

M. Philippe Bonnecarrère attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation sur le retard en 2018 dans le versement de l'acompte des droits à paiements de base de la politique agricole commune (PAC).

Depuis une modification de 2015 pour les uns de nature européenne, pour les autres relevant de l'exécution nationale, la réglementation prévoit que le paiement effectif des aides de la PAC, y compris d'un acompte, ne puisse être réalisé qu'une fois l'instruction administrative effectuée. Par extension, il est aussi considéré que les contrôles sur place, le cas échéant, doivent intervenir préalablement.

Si les contrôles sur place réalisés par l'agence de services et de paiement (ASP) ne sont pas contestables en leur principe, le blocage des acomptes pose un problème à la fois de principe et de trésorerie aux agriculteurs.

Les directions départementales des territoires (DDT) soutiennent qu'elles ne peuvent donner l'information à un exploitant d'un prochain contrôle relatif aux aides PAC de telle manière que les exploitants n'arrivent pas à obtenir d'explication en cas de non-paiement de leurs aides. Ils ne le découvrent que lors de l'annonce officielle du contrôle par l'ASP à bref délai.

Si la perspective d'un contrôle à venir suffit à bloquer le paiement, cela revient à présupposer la mauvaise foi ou l'erreur du demandeur à l'aide. La logique administrative classique voudrait que le contrôle entraîne une remise en cause en cas de défaillance mais jamais a priori.

Cette situation pouvait à la limite être compréhensible lorsque l'État mettait en place des avances de trésoreries remboursables dites ATR pour pallier le retard dans l'instruction des demandes d'aide. L'absence d'ATR en 2018 a été justifiée par un retour à un calendrier normal. Dans la pratique, ce calendrier normal ne s'est pas déroulé par l'effet de blocage a priori au motif d'un contrôle à venir.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments qu'une sérieuse simplification de la réglementation applicable au paiement des aides PAC doit intervenir. Il lui demande quelles actions il entend mener en ce sens soit dans le cadre national, soit dans le champ européen, soit dans les deux.

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Réponse du Ministère de l'agriculture et de l'alimentation publiée le 10/04/2019

Réponse apportée en séance publique le 09/04/2019

M. Philippe Bonnecarrère. Monsieur le ministre, ma question porte sur la simplification des dossiers PAC, ou politique agricole commune, et la célérité du paiement des aides, problème que vous connaissez bien et auquel vous répondrez sans doute plus aisément qu'à la question précédente. (Sourires.)

Nous pensions que la question des dossiers PAC et des délais de paiement des primes correspondantes était derrière nous. Nous avons tous en mémoire les changements de 2015 : les difficultés rencontrées par nos agriculteurs pour constituer leurs dossiers, les mesures de contrôle, les fonds de plan, la question de savoir si les bois pouvaient être pâturés ou pas, etc. Tout cela a entraîné des retards importants dans le paiement des primes au titre de la PAC.

À la fin de l'année 2017, vous avez estimé que ces problèmes étaient derrière nous. C'est pourquoi, dans le budget 2018, aucune mesure d'avance n'a été prévue – vous pensiez que les règlements pourraient maintenant intervenir dans des délais raisonnables.

Or le problème s'est de nouveau posé, notamment dans le cadre des contrôles. Si je ne suis pas opposé aux contrôles, reste que, à partir du moment où un agriculteur faisait l'objet d'un contrôle, les primes étaient bloquées de manière anticipée, ce qui est intellectuellement curieux et a posé des problèmes pratiques non négligeables.

Je souhaite donc savoir ce qui peut être fait. Laissez-moi reformuler la question de manière plus directe : les difficultés auxquelles sont confrontés nos agriculteurs sont-elles de nature européenne et provoquées par la structure de ces aides ou sommes-nous retombés dans nos errements franco-français en matière de modalités d'application ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation. Monsieur le sénateur Philippe Bonnecarrère, la réponse est : un peu les deux ! Cependant, ce problème a surtout une origine européenne. Je vais essayer de vous expliquer pourquoi.

Vous le savez, la France a une capacité formidable pour mettre en place des règles et des transpositions qui rendent les situations difficiles.

En l'occurrence, votre question précise est très importante. Il est impossible de verser des aides européennes lorsqu'un contrôle a lieu. C'est une règle, une directive européenne, à l'encontre de laquelle je suis au regret de vous le dire que l'on ne peut pas aller.

La réglementation européenne impose que l'ensemble des contrôles soient réalisés avant le versement des avances ou des aides PAC. La France a déjà obtenu de la Commission européenne une dérogation pour pouvoir verser des avances après les seuls contrôles administratifs, lesquels comprennent les visites rapides. Il n'est pas envisageable de faire évoluer cette règle de bonne gestion, qui évite d'avoir ensuite à recouvrer auprès des agriculteurs les sommes indûment versées. Cette situation est pire – il n'est qu'à se rappeler ce qui s'est passé voilà une vingtaine d'années.

La règle est normalement bien connue de tous les agriculteurs, mais a pu être oubliée depuis 2015, lorsque des avances de trésorerie – il ne s'agissait donc pas d'avances PAC – avaient été consenties à tous les agriculteurs et payées par l'État. La différence est là.

De même, pour préserver l'efficacité des contrôles, il n'est pas possible de prévenir les agriculteurs contrôlés plusieurs semaines à l'avance. En compensation, les avances PAC sont versées de manière régulière pour intégrer les résultats des contrôles au fil de l'eau.

Pour mémoire et je veux le rappeler, je le dis souvent à mes interlocuteurs, la France est l'un des rares pays européens – ils se comptent sur les doigts d'une main ! – à avoir mis en place ce système d'avances. En Allemagne, les agriculteurs ne perçoivent les aides qu'au début du mois de janvier, lorsque l'ensemble des contrôles ont été réalisés.

Je connais bien ce sujet. On pourrait toujours aller plus loin, mais le mieux est l'ennemi du bien et il faut veiller à ne pas avoir à réclamer aux agriculteurs des aides qu'ils auraient pu percevoir indûment. Aussi, les avances sont versées lorsque des contrôles administratifs ont lieu. Pour le reste, je suis au regret de ne pas pouvoir répondre favorablement à votre question. Toutefois, je vous indique que je veille comme le lait sur le feu à ce que tout se passe dans les règles de l'art.

M. le président. La parole est à M. Philippe Bonnecarrère, pour la réplique.

M. Philippe Bonnecarrère. Monsieur le ministre, je retiens votre dernière formule. Même si le mieux est l'ennemi du bien, je ne peux que vous inciter, même si vous avez bien conscience du problème, à continuer ce travail de décorsetage et de « facilitation » à l'échelon tant franco-français qu'européen. Ce dernier échelon n'est jamais qu'une part de nous-mêmes, puisque, en cette matière, notre pays est tout à fait codécideur.

Je vous remercie de votre action de simplification et d'amélioration pour nos agriculteurs.

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