Question de M. GENEST Jacques (Ardèche - Les Républicains) publiée le 07/02/2019

M. Jacques Genest attire l'attention de Mme la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales au sujet de l'avenir des aides versées par les agences de l'eau aux communes qui ont fait le choix du maintien communal de l'exercice des compétences « eau » et « assainissement » entre 2020 et 2026.

Dans le cadre du onzième programme des agences de l'eau, de nouveaux critères d'éligibilité à ces aides sont définis par chaque comité de bassin. Les conseils d'administration de certaines agences de bassin ont décidé d'exclure du système d'aides les communes qui n'ont pas transféré ces compétences à la communauté de communes.

Pourtant, la loi n° 2018-702 du 3 août 2018 relative à la mise en œuvre du transfert des compétences eau et assainissement aux communautés de communes accorde une possibilité de report de ce transfert jusqu'au 1er janvier 2026, si une minorité de blocage (25 % des communes membres représentant plus de 20 % de la population) s'exprime en ce sens, d'ici le 1er juillet 2019.
Cette décision des agences de l'eau est incompréhensible alors même que les programmes d'action de ces agences sont alimentés par des redevances auprès des usagers de l'eau.

Au regard de la recherche de l'équité, il souhaite donc connaître les mesures concrètes que le Gouvernement envisage de mettre en place pour que les agences de l'eau continuent à soutenir financièrement les communes qui ont choisi un maintien communal de l'exercice des compétences « eau » et « assainissement » dans la réalisation de travaux de rénovation des réseaux d'eau potable et d'assainissement des eaux usées.

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Transmise au Ministère de la transition écologique et solidaire


Réponse du Secrétariat d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire publiée le 10/04/2019

Réponse apportée en séance publique le 09/04/2019

M. Jacques Genest. Madame la secrétaire d'État, certaines communes ont fait le choix du maintien communal de l'exercice des compétences eau et assainissement entre 2020 et 2026, comme la loi le leur permet.

Or, dans le cadre du onzième programme des agences de l'eau, la quasi-totalité des agences ont profité de cette opportunité pour décider d'exclure du système d'aides les communes qui n'ont pas transféré ces compétences à la communauté de communes ou, plus hypocrite, qui n'ont pas de projets intercommunaux.

Il s'agit le plus souvent de communes isolées, dont la situation géographique ne rendait pas ce transfert pertinent.

En application de la loi du 3 août 2018, les communes qui n'ont pas transféré ces compétences sont dans leur plein droit et n'ont donc nulle raison de s'en trouver pénalisées.

Les décisions de ce genre prises par certaines agences de l'eau sont d'autant plus iniques que leurs programmes d'action sont alimentés par des redevances acquittées par tous les usagers de l'eau, même les ruraux.

Lors du vote de la loi du 3 août 2018, je déclarais : « Laisser la compétence aux communes qui le désirent est indispensable, mais à condition qu'elles en aient les moyens. […] Sinon, sans moyens financiers, le transfert deviendra obligatoire. » C'est ce que la technostructure est en train de réaliser, car elle n'a pas digéré la dérogation imposée par les représentants du peuple !

Peut-être est-ce d'ailleurs aussi l'occasion de nous interroger sur la raison d'être des agences de bassin, qui ne soutiennent plus les communes, en particulier les plus petites. Elles font partie de ces agences dites « indépendantes » qui coûtent très cher au budget national.

Je souhaite donc connaître, madame la secrétaire d'État, les mesures que vous envisagez de mettre en place pour que les agences de l'eau continuent à soutenir financièrement les communes concernées, lesquelles sont bien souvent les plus isolées mais n'ont pas moins besoin que les autres de réaliser des travaux pour distribuer une eau saine à leurs habitants. (MM. Jérôme Bascher, Laurent Duplomb, Ronan Le Gleut et Loïc Hervé applaudissent.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur le sénateur Genest, la loi du 3 août 2018 relative à la mise en œuvre du transfert de compétences eau et assainissement aux communautés de communes ne remet pas en cause le principe du transfert de ces compétences, prévu notamment par la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite loi NOTRe. Elle prévoit, vous l'avez dit, d'assouplir la mise en œuvre de ce transfert, ce qui peut conduire, dans certains cas, à n'opérer le transfert de compétences que le 1er janvier 2026 au plus tard.

Il est cohérent que les modalités d'attribution des aides publiques accompagnent ce transfert de compétences. En ce sens, des critères de priorisation et non d'exclusion des dossiers ont été mis en place en octobre 2018 par les comités de bassin, où siègent des élus, dans les onzièmes programmes d'intervention des agences de l'eau, pour accompagner cette structuration des compétences.

Les agences font vivre des solidarités : solidarité territoriale entre zones urbaines et zones rurales (M. Laurent Duplomb ironise.) ; solidarité au sein des établissements publics de coopération intercommunale, les EPCI ; solidarité amont-aval à l'échelle du bassin versant et avec les façades littorales en accompagnant les collectivités dans la structuration des compétences eau potable, assainissement et gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations, ou Gemapi ; solidarité internationale en aidant des projets en faveur de pays moins favorisés en matière d'accès à la ressource en eau et d'assainissement.

Néanmoins, je vous rassurer en vous disant que les onzièmes programmes n'interdisent aucunement l'attribution de subventions directement aux communes. Celles qui, à ce jour, ont conservé les compétences eau et assainissement ne sont donc pas exclues de tout dispositif d'aides, et ce d'autant moins que la loi du 3 août 2018 permet un transfert progressif de ces compétences vers les EPCI.

Il convient enfin de rappeler que ce sont avant tout les communes rurales qui sont éligibles, au titre de la solidarité territoriale, aux aides des agences de l'eau dédiées à l'entretien de leurs réseaux d'eau potable et d'assainissement, et ce indépendamment du transfert de ces compétences aux EPCI.

M. le président. La parole est à M. Jacques Genest, pour la réplique.

M. Jacques Genest. Madame la secrétaire d'État, quelle belle réponse technocratique !

Pour revenir sur terre, je citerai quelques exemples : en Ardèche, interviennent deux agences de l'eau différentes, Loire-Bretagne et Rhône-Méditerranée-Corse, qui n'ont pas du tout les mêmes règlements.

Autre exemple, la petite commune de Lachapelle-Graillouse doit renouveler ses canalisations d'eau qui datent de 1940. Loire-Bretagne ne finance pas, alors que Rhône-Méditerranée-Corse l'aurait fait.

M. Laurent Duplomb. Exactement !

M. Jacques Genest. Pas d'aide pour les stations d'épuration inférieures à 180 habitants, comme à Saint-Étienne-de-Lugdarès. Ces Français n'ont pas les mêmes droits que ceux des grandes villes !

Toutes les communes rurales, je pourrais en citer beaucoup, par exemple, Borée ou Saint-Prix, ne peuvent réaliser des travaux sans aide de l'agence, car la préfecture ne veut pas financer l'eau et l'assainissement dans le cadre de la dotation d'équipement des territoires ruraux, la DETR, ou de la dotation de soutien à l'investissement local, la DSIL. Il ne reste plus que le département, aux moyens très limités.

Ouvrez les yeux ! Il y a deux France : la vôtre, celle des grandes métropoles, et la mienne, celle des ruraux et des oubliés ! (Mme Corinne Imbert, MM. Laurent Duplomb, Ronan Le Gleut et Cyril Pellevat applaudissent.)

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