Question de Mme LHERBIER Brigitte (Nord - Les Républicains) publiée le 28/02/2019

Mme Brigitte Lherbier attire l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse sur la mise en œuvre de la scolarité obligatoire à trois ans.

L'intention de scolariser les enfants très jeunes paraît louable. En effet, une fois arrivés au CP, ceux-ci disposeront ainsi du savoir-être nécessaire à l'assimilation des apprentissages. Cependant, cette scolarisation obligatoire dès trois ans doit se faire en respectant l'horloge biologique des enfants. On ne peut faire subir à un enfant de trois ans le même rythme qu'à un enfant de six ans.
Si l'école devient obligatoire à trois ans, il est plus que nécessaire de l'adapter aux enfants qui ont encore souvent besoin de dormir l'après-midi. Il faut par conséquent des conditions matérielles d'accueil, notamment pour la sieste. La scolarisation des enfants de moins de trois ans nécessite un local adapté, ou une adaptation des locaux et un équipement en matériel spécifique, définis en accord avec la collectivité compétente. Il faut aussi des enseignants formés à l'accueil des tout-petits, en nombre suffisant. L'effet de la taille des classes sur le niveau scolaire joue un rôle déterminant en matière de conditions d'accueil. En crèche, la loi impose au moins un éducateur pour huit enfants de deux ans, encadrement trois fois plus important qu'à l'école maternelle.
Enfin, les coûts liés à cette nouvelle obligation devraient être pris en charge par les communes dès la rentrée 2019, alors que les gouvernements précédents ont grevé leur budget en se désengageant et que ce Gouvernement a supprimé leur autonomie budgétaire par la suppression de la taxe d'habitation. De plus, rendre l'instruction obligatoire dès trois ans risque d'avoir un effet direct et important sur le financement des écoles privées par les communes.

Elle lui demande par conséquent si le Gouvernement entend bien assurer une juste compensation aux communes des dépenses induites par le passage de l'instruction obligatoire à trois ans, et si son ministère sera suffisamment souple dans l'application de cette nouvelle obligation pour s'adapter au rythme des enfants de trois ans dans le cadre d'un dialogue avec la famille et la direction d'école.

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Réponse du Secrétariat d'État auprès du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse publiée le 20/03/2019

Réponse apportée en séance publique le 19/03/2019

Mme Brigitte Lherbier. Monsieur le secrétaire d'État, le projet de loi, intitulé « pour une école de la confiance », qui vient d'être débattu à l'Assemblée nationale, va rendre obligatoire l'école dès l'âge de 3 ans. Il soulève de nombreuses questions chez les parents, dans le corps enseignant et parmi les maires.

Dans ma ville de Tourcoing – où vous êtes venu récemment, monsieur le secrétaire d'État –, de nombreux enfants sont scolarisés tardivement pour la première fois. Cette scolarisation d'enfants avancés en âge pose évidemment des difficultés d'adaptation.

Le cadre éducatif de ces enfants est souvent dépourvu de stimulants intellectuels, limités à la sphère de l'appartement de zone urbaine, n'ayant que la télévision pour seul horizon.

Nous comprenons parfaitement l'intention louable de scolariser les enfants très jeunes, pour qu'une fois arrivés au CP ceux-ci disposent du savoir-être nécessaire à l'assimilation des apprentissages et éviter le décrochage scolaire si fréquent dans les secteurs économiquement difficiles.

Cependant, cette scolarisation obligatoire dès 3 ans doit se faire en respectant l'horloge biologique des enfants. On ne peut pas faire subir à un enfant de 3 ans le même rythme qu'à un enfant de 6 ans. De très nombreux parents choisissent de garder leurs enfants l'après-midi : ces derniers vont à l'école maternelle le matin et font la sieste à la maison l'après-midi. Si l'école devient obligatoire à 3 ans, il est plus que nécessaire de l'adapter aux tout-petits.

Vous fermez des classes en milieu rural. Les maires de nos circonscriptions sont inquiets des restrictions budgétaires de votre ministère.

La scolarisation dès 3 ans a un coût pour assurer de bonnes conditions matérielles d'accueil, telles qu'un local adéquat ou une adaptation des locaux et un équipement en matériel spécifique pour la sieste, définies en accord avec la collectivité compétente.

Les coûts liés à cette nouvelle obligation devraient être pris en charge par les communes dès la rentrée 2019, lesquelles vont logiquement devoir mettre la main à la poche. Les gouvernements précédents ont grevé lourdement leur budget en se désengageant. Le Gouvernement a supprimé leur autonomie budgétaire en faisant disparaître la taxe d'habitation. Dans ce contexte, rendre l'instruction obligatoire dès 3 ans risque d'avoir un effet direct et important sur le financement des écoles privées par les communes.

Monsieur le secrétaire d'État, l'école obligatoire à 3 ans ne sera un succès qu'à la double condition de mettre les moyens nécessaires pour pouvoir accueillir dignement les enfants tout en s'adaptant à leur rythme et de tolérer une assiduité adaptée au jeune âge de l'enfant.

Pouvez-vous nous dire quelles sont les intentions du Gouvernement à ce sujet ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Gabriel Attal, secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse. Madame la sénatrice Brigitte Lherbier, vous posez une question extrêmement importante, celle de l'instruction à l'âge de 3 ans, mesure qui a été votée. Pour vous avoir rencontrée dans votre département du Nord, je sais votre mobilisation sur ces sujets d'éducation.

On peut d'abord s'accorder sur le fait que c'est un grand progrès d'abaisser l'instruction obligatoire à l'âge de 3 ans, un progrès qui s'inscrit dans la lignée des mesures républicaines successives prises en faveur de l'école depuis la fin du XIXe siècle, afin de garantir à chaque enfant un égal droit d'accès à l'instruction.

L'article 2 du projet de loi pour une école de la confiance, qui viendra prochainement en discussion devant le Sénat, vise donc à rendre l'instruction obligatoire dès 3 ans. C'est la concrétisation de notre ambition pour l'école et d'un engagement de campagne du Président de la République visant à élever le niveau général des élèves et à améliorer la justice sociale.

L'école maternelle est le lieu où épanouissement et premiers apprentissages font alliance.

La qualité de vie de l'enfant à l'école – quel que soit le nombre d'heures qu'il y passe – est un sujet essentiel, d'ores et déjà consacré par le code de l'éducation dans ses grands principes. L'école maternelle sait s'adapter aux possibilités cognitives des élèves et à leurs besoins physiologiques afin de créer les meilleures conditions d'apprentissage. Les emplois du temps des élèves sont pensés par les équipes enseignantes dans une progression qui ménage les temps de repos et les temps d'apprentissage et rend ainsi possible une fréquentation de tous les élèves sur la totalité du temps scolaire dès 3 ans.

Dans de nombreuses écoles, l'organisation de la sieste se fait déjà avec toute la souplesse nécessaire à la prise en compte des besoins de chaque enfant. Des aménagements seront prévus dans l'organisation de la scolarité, pour répondre à votre préoccupation.

La formation des professeurs des écoles sera renforcée pour une meilleure prise en compte des besoins des élèves à l'école maternelle, notamment avec la mise en place de conditions scolaires sécurisantes, si nécessaires à leur épanouissement.

Les conditions de l'abaissement de l'âge de l'instruction obligatoire sont donc réunies afin d'accueillir, dans les meilleures conditions, chaque enfant de la République.

Vous posez également la question du coût pour les collectivités locales.

L'abaissement de l'âge de l'instruction obligatoire à 3 ans correspond à une extension de compétence des collectivités territoriales. En vertu de l'article 72-2 de la Constitution, une telle extension doit faire l'objet d'un accompagnement financier de l'État, dont les modalités seront prochainement précisées par un décret en Conseil d'État.

Pour les communes qui connaîtront une augmentation de leurs charges au titre de l'enseignement primaire pour l'année scolaire 2019-2020, les dépenses supplémentaires qui auront été générées par la présente mesure et qui seront constatées à l'issue de la rentrée scolaire feront l'objet d'un accompagnement financier de l'État avec un versement annuel pérenne.

Il sera versé, selon les situations locales, soit à la commune, soit à un syndicat intercommunal ou à une intercommunalité, à qui la compétence de scolarisation a été confiée. J'espère vous avoir rassurée sur ce point.

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