Question de Mme de LA PROVÔTÉ Sonia (Calvados - UC) publiée le 14/02/2019

Mme Sonia de la Provôté attire l'attention de Mme la ministre des solidarités et de la santé sur le décompte des cas de cancer en France.

Alors qu'un nombre croissant de pays européens ouvre des registres des cancers ayant une couverture nationale, la France ne compte ses cancers que dans 22 départements. Pour le reste du territoire, il n'y a aucune donnée.

En effet, les fichiers de l'Assurance maladie alimentés par les cartes Vitale ne contiennent pas le diagnostic des patients, seulement le nom des médicaments à rembourser. Or, comme une même molécule thérapeutique peut être prescrite pour plusieurs pathologies, ils ne permettent pas vraiment de déduire un diagnostic.

De fait, pour repérer et dénombrer les cancers, il faut croiser plusieurs sources d'informations, celles des hôpitaux, des laboratoires d'analyses ou d'imagerie médicales et du registre des décès. Il s'agit d'un travail complexe réalisé par les registres des cancers, des structures soit associatives, ou d'équipes de recherche, montées à l'échelle départementale et qui permettent de calculer l'incidence des cancers sur le reste du territoire.

Pour 78 % de la population française, il n'y a pas de registre. Il est impossible d'obtenir des chiffres crédibles sans croiser davantage d'informations issues des hôpitaux ou des laboratoires d'analyses.

La France présente pourtant l'un des taux de cancers les plus forts du monde. Selon l'Institut national du cancer (INCa), on estime aujourd'hui à 400 000 le nombre de nouveaux cas de cancer en 2017 en France métropolitaine.

La connaissance exhaustive des cancers permet à la fois d'en analyser les éventuels éléments de causalité, mais aussi de pouvoir préciser leur évolution dans le temps ou dans l'espace. Seul un registre peut mettre en évidence de façon fiable une relation de cause à effet en cas d'exposition, ou un cluster inhabituel et anormal.

La mise en place d'un registre national des cancers est donc essentielle et relève d'une obligation de santé publique.

Aussi, elle demande si le ministère compte prendre des mesures pour pallier le déficit actuel de données et assurer la mise en place d'un registre national des cancers.

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Réponse du Ministère des solidarités et de la santé publiée le 16/01/2020

Les registres de cancers permettent de connaître, globalement et selon les organes concernés, le nombre et le taux de cancers, la durée de survie, et les évolutions de ces paramètres dans le temps, par l'enregistrement de tous les nouveaux cas de cancers sur une zone géographique donnée. Ils sont indispensables pour le suivi épidémiologique et la programmation des besoins en structures de soins. Ce sont des initiatives locales qui ont conduit à la création des registres et ont donc déterminé initialement les zones géographiques couvertes. Les plans cancers successifs ont évalué cette couverture, ce qui a conduit à la création de deux registres en zone à forte densité de population (registres des cancers de la Gironde et de Lille et sa métropole) afin d'avoir une meilleure représentativité de la population (20 %). Le travail d'enregistrement des cas de cancers par les registres est long et complexe. Il nécessite de consulter toutes les sources d'informations permettant d'identifier les cas (dossiers médicaux, bases médico-administratives…). Or, la France est un territoire étendu (incluant les départements d'outre-mer) avec une offre de soins décentralisée. Plus de 900 établissements disposent d'une autorisation pour traiter des personnes atteintes d'un cancer (chirurgie, chimiothérapie ou radiothérapie). S'y ajoutent les différents centres d'anatomo-cytopathologie, les établissements de soins non autorisés qui peuvent accueillir des personnes en soins palliatifs. En limitant la zone géographique, on réduit le nombre de sources à contacter. Le fait de ne pas avoir un registre national n'empêche pas d'avoir des estimations scientifiquement valides à un niveau infranational si une couverture de 20 % est obtenue. La récente publication des incidences des cancers au niveau départemental en témoigne (sites de l'INCa [http://lesdonnees.e-cancer.fr/Themes/Incidence-et-mortalite-regionales-et-departementales] et de Santé Publique France [http://invs.santepubliquefrance.fr/Publications-et-outils/Rapports-et-syntheses] ). Pour ce faire, les données des registres sont croisées avec d'autres sources d'informations comme le programme de médicalisation des systèmes d'information, les affections de longue durée ou les données de mortalité. Ainsi, pour permettre de répondre aux questions posées en santé publique sur les cancers, la France dispose d'une multiplicité d'outils. Les registres sont un de ces outils. Les cohortes, les études d'expositions, les études cas-témoins, le Système national des données de santé (SNDS)… en sont d'autres. Chaque outil a ses avantages et ses inconvénients. Ainsi, pour les registres : il existe une identification exhaustive des cas dans une population clairement identifiée mais en revanche il y a peu d'informations sur chaque cas. Ceci permet d'avoir des données épidémiologiques (incidence, survie), mais ne permet pas par exemple de faire des enquêtes d'exposition. Mutualiser les données issues de différents outils, permet de répondre à davantage de questions. Par exemple, des travaux sont en cours afin d'associer les données des registres des cancers avec celles du système national des données de santé (SNDS). Les données des registres viennent ainsi améliorer la qualité de l'information présente dans le SNDS (qui est souvent insuffisante) et le SNDS permet d'avoir des informations plus nombreuses sur le suivi des personnes. La couverture du registre des cancers pédiatriques est nationale et inclut les départements d'outre-mer ce qui est rendu possible par le faible nombre de cas de cancers chez les enfants et de la centralisation des centres de soins. Enfin, le coût d'un registre est important. À titre d'exemple, pour les registres des cancers qui couvrent environ 20 % de la population, 8 millions d'euros sont dépensés chaque année pour le seul recueil des cas. À ceci viennent s'ajouter les coûts d'exploitation des données et des études portant sur celles-ci.

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