Question de M. KAROUTCHI Roger (Hauts-de-Seine - Les Républicains) publiée le 21/02/2019

M. Roger Karoutchi interroge M. le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse suite aux annonces du ministre de l'intérieur, le lundi 11 février 2019, que les actes antisémites ont bondi de 74 % en France en 2018.

Il note que le profil des auteurs, ainsi que leurs réelles motivations ou leur parcours idéologique, sont difficiles à déterminer. Il s'agit en réalité d'un antisémitisme sans visage, car le pouvoir judiciaire reste rarement saisi des faits.

Ayant en mémoire la citation de Condorcet, à savoir que « l'ignorance toujours mène à la servitude », notamment celle des extrémismes en tout genre, il lui demande s'il est prévu par son ministère de revoir les programmes concernant les discriminations. Lutter contre l'indifférence ou la banalisation et éveiller les consciences, par les valeurs de la République, sont des enjeux primordiaux.

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Transmise au Ministère de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports


Réponse du Ministère de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports publiée le 08/04/2021

La lutte contre le racisme et les discriminations sous leurs différentes formes est une priorité réaffirmée dans le cadre du plan national de lutte contre le racisme et l'antisémitisme (2018-2020) présenté par le Premier ministre le 19 mars 2018 et piloté par la Délégation interministérielle à la lutte contre le racisme, l'antisémitisme et la haine anti-LGBT (DILCRAH). Il prolonge et renforce la mobilisation de l'éducation nationale engagée avec le plan interministériel 2015-2017, notamment dans le champ de l'éducation et de la formation. L'axe 2 du plan, intitulé « Éduquer contre les préjugés », vise à améliorer les réponses de l'institution et à développer les ressources consacrées à l'éducation contre le racisme et l'antisémitisme tout en renforçant les politiques mémorielles. Les notions de racisme et d'antisémitisme sont des points importants des programmes d'enseignement moral et civique, et ce dès le cycle 2. À travers le thème « respecter autrui », la dimension morale de cet enseignement prend son sens avec la prise de conscience par les élèves de la dignité et de l'intégrité de toute personne humaine ainsi que des atteintes à la personne d'autrui (racisme, antisémitisme, sexisme, xénophobie, homophobie, handicap, harcèlement, etc.). L'étude des stéréotypes à partir de situations concrètes permet de « construire l'esprit critique ». Au cycle 3, les élèves abordent à nouveau le racisme et l'antisémitisme dans le thème « respecter autrui », autour du respect des différences et de l'intégrité de la personne par la réflexion sur les préjugés et les stéréotypes. À partir de situations concrètes de racisme et d'antisémitisme notamment, les élèves sont amenés à accepter et respecter les différences par rapport à l'altérité et à l'autre ainsi qu'à manifester le respect des autres dans leur langage et leur attitude, pour aborder la notion de tolérance dans le cadre de débats construits. Cette construction est poursuivie dans le cycle 4 par l'analyse des différentes formes de discrimination : « raciales, antisémites, religieuses, xénophobes, sexistes, transphobes, etc. ». La distinction entre inégalité et discrimination permet de comprendre le rôle de la loi et la complexité de son application, en particulier dans la lutte contre le racisme et l'antisémitisme, posant la nécessité de bien identifier les différentes formes de discrimination. Tout ceci permet, tout au long de la scolarité obligatoire, de travailler à acquérir et partager les valeurs de la République par l'acceptation et le respect de la diversité des croyances et des convictions, et de comprendre sa responsabilité de citoyen pour garantir ces valeurs, par exemple par différentes formes d'engagement. Les programmes d'enseignement moral et civique pour le lycée poursuivent ces objectifs de lutte contre le racisme et l'antisémitisme. Dans le programme de seconde générale et technologique, l'axe 1 « Des libertés pour la liberté » a pour but de développer l'intériorisation de la liberté de l'autre, ce qui permet de remobiliser la notion de discrimination. Cette réflexion se concrétise dans l'axe 2 « Garantir les libertés, étendre les libertés : des libertés en débat », où la lutte contre le racisme et l'antisémitisme est explicitement mentionnée dans le cadre de l'étude de la conception et de l'exercice des libertés, autour des notions de tolérance et de respect de la personne humaine. Pour la classe de première, l'étude des « fondements et fragilités du lien social » est abordée sous l'angle de la montée du repli sur soi, mais aussi du complotisme et du révisionnisme. Ces thématiques se retrouvent dans les programmes de lycée professionnel, en particulier dans le thème de première « Égaux et fraternels », où la loi relative à la lutte contre le racisme de 1972 et la loi Gayssot de 1990 sont des repères à étudier obligatoirement. Les programmes d'histoire reviennent également régulièrement sur les questions de racisme et d'antisémitisme. Au cycle 3, les génocides juif et tzigane sont abordés pour la première fois, en lien avec les autres persécutions, en CM2 dans le thème 3 : « La France, des guerres mondiales à l'Union européenne ». Au cycle 4, la structuration de l'antisémitisme autour de l'affaire Dreyfus et son rôle dans le renforcement de la culture républicaine est étudiée dans le thème 3 « Société, culture et politique dans la France du XIXe siècle » en classe de quatrième. En classe de troisième, l'antisémitisme et le génocide juif sont traités à l'échelle européenne et en plusieurs temps dans le thème 1 « L'Europe, un théâtre majeur des guerres totales (1914-1945) » : dans la partie sur la Première Guerre mondiale, l'étude du génocide arménien permet une première approche de la logique génocidaire comme prolongement de la violence de guerre. Ensuite, par l'étude des « Démocraties fragilisées et expériences totalitaires dans l'Europe de l'entre-deux-guerres », la montée de l'antisémitisme permet de mettre en évidence les ressorts de la fragilisation des démocraties et de l'émergence du nazisme. Ensuite, dans la partie consacrée à la Deuxième Guerre mondiale, les élèves voient par l'étude des génocides juif et tzigane l'aboutissement de cette logique raciste dans le contexte d'une guerre totale. Au lycée général et technologique, l'affaire Dreyfus est intégrée à l'étude de la mise en œuvre du projet républicain. Le génocide arménien est étudié en première générale dans le chapitre 2 du thème 4, « La Première Guerre mondiale : le suicide de l'Europe et la fin des empires européens », ainsi que dans le thème 4 du programme de première technologique, ainsi que dans le thème 2 du programme de première professionnelle. Dans le programme de terminale générale, ces questions sont étudiées dans le thème 1 « Fragilités des démocraties, totalitarismes et Seconde Guerre mondiale » : le chapitre 2 sur les régimes totalitaires amène à mettre en avant les caractéristiques du nazisme, en particulier avec un point de passage et d'ouverture obligatoire consacré à la nuit de Cristal qui permet de mettre en perspective la construction de l'antisémitisme d'État nazi. Le chapitre 3 sur la Seconde Guerre mondiale met en avant la Shoah et le génocide des tsiganes, avec un point de passage obligatoire sur le front de l'Est et la guerre d'anéantissement, conduisant à analyser les différentes politiques d'élimination et la mise en place de la logique d'extermination. Dans le thème 2, le chapitre 1 sur « La fin de la Seconde Guerre mondiale et les débuts d'un nouvel ordre mondial » fait étudier les procès de Nuremberg et de Tokyo. En terminale technologique, « La guerre d'anéantissement à l'Est et le génocide des Juifs » est un des sujets d'étude proposés dans le cadre du thème 1 « Totalitarismes et Seconde Guerre mondiale ». Dans le programme de spécialité de première, deux axes abordent l'antisémitisme : l'axe 2 « Liberté ou contrôle de l'information », issu du thème 4 « s'informer : un regard critique sur les sources et modes de communication : l'information dépendante de l'opinion ? », analyse l'affaire Dreyfus à travers son traitement dans la presse, posant la question des limites de la liberté d'expression. L'objet de travail conclusif intitulé « L'information à l'heure d'Internet - Les théories du complot : comment trouvent-elles une nouvelle jeunesse sur Internet ? » permet également de revenir sur les grands traits de l'antisémitisme contemporain. Dans le programme de spécialité de terminale, le thème 3 « Histoire et mémoire », porte en introduction sur les notions de crime contre l'humanité et de génocide, notamment le contexte de leur élaboration. L'objet de travail conclusif est consacré à l'histoire et aux mémoires du génocide des juifs et des tsiganes, à travers les lieux de mémoire, le jugement des crimes nazis après Nuremberg ainsi que le génocide dans la littérature et le cinéma, mais aussi en lien avec l'axe 2 sur le génocide des Tutsis et la construction d'une justice internationale. Ceci permet de compléter et d'historiciser l'étude en tronc commun. Le ministère de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports (MENJS) mobilise de nombreuses classes autour d'actions éducatives d'envergure pour compléter le travail en classe. La sensibilisation des élèves à l'histoire de la Shoah et ses aspects mémoriels se fait également par le biais d'actions éducatives revêtant des formes diverses. Ainsi, chaque année, la communauté éducative est encouragée à se mobiliser à l'occasion de la journée de la mémoire des génocides et de la prévention des crimes contre l'humanité impliquant la mise à disposition de nombreuses ressources (ouvrages, documents audiovisuels, supports multimédias…) pour les élèves du CM2 à la terminale et la tenue de projets très variés dans les écoles et les établissements (rencontres, conférences, débats autour d'un film, d'une exposition ou d'une représentation théâtrale, etc.). Par ailleurs, le MENJS organise chaque année, avec ses partenaires (dont les principales fondations mémorielles), le Concours national de la Résistance et de la Déportation, concours scolaire le plus fédérateur (47 300 collégiens et lycéens en 2018) qui suscite depuis près de 60 ans l'intervention dans les classes d'anciens résistants et d'anciens déportés ainsi que d'associations mémorielles. Un partenariat très étroit du MENJS avec des acteurs mémoriels tels que le Mémorial de la Shoah, à Paris, ou le Camp des Milles, à Aix-en-Provence, permet la visite de plus de 100 000 élèves par an sur ces lieux de mémoire, la formation continue annuelle de plus de 10 000 enseignants ainsi que l'organisation de voyages scolaires vers les anciens centres de mise à mort nazis réunissant plus de 5 000 participants par an. La « semaine d'éducation et d'action contre le racisme et l'antisémitisme », qui se déroulera cette année scolaire du 21 au 28 mars 2021 est un temps fort de la mobilisation contre le racisme et l'antisémitisme. Elle associe l'ensemble de la communauté éducative et pédagogique, dont les parents d'élèves et les personnels des établissements scolaires, les organisations étudiantes et lycéennes, ainsi que les associations complémentaires de l'éducation. Enfin, de nombreuses ressources pédagogiques institutionnelles sont à la disposition des enseignants, des formateurs et des cadres en académie. Le MENJS, conjointement avec la DILCRAH et Réseau Canopé, a développé depuis 2015 une plateforme de ressources intitulée « Éduquer contre le racisme et l'antisémitisme », qui propose à la fois des éclairages scientifiques et des analyses de questions faisant débat dans la société et pouvant susciter de questions d'élèves (par exemple « racisme et antisémitisme », « le racisme, la liberté d'expression et la loi », « la concurrence mémorielle » ou encore « la science et le racisme »), des pistes pédagogiques et une banque de ressources, ainsi que des pistes de travail avec les principaux partenaires de l'éducation nationale. Ce portail propose par ailleurs le contenu d'un MOOC de la Fondation Maison des sciences de l'homme, intitulé « Le racisme et l'antisémitisme ». L'ensemble des éléments décrits, tant sur le plan des contenus d'enseignement, des ressources pédagogiques que des actions éducatives, signale l'importance accordée par le MENJS à la lutte contre l'indifférence et les discriminations, dans l'objectif d'éduquer les citoyens de demain aux valeurs de la République qui fondent le socle de l'École républicaine.

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