Question de M. MALHURET Claude (Allier - Les Indépendants) publiée le 01/05/2019

Question posée en séance publique le 30/04/2019

M. Claude Malhuret. L'actualité est marquée par l'effroyable attentat du 21 avril dernier au Sri Lanka, la vidéo menaçante du calife Abou Bakr Al-Baghdadi, la multiplication des attaques terroristes au Sahel et leur extension préoccupante dans plusieurs pays d'Asie. Elle confirme, comme l'avaient annoncé de nombreux spécialistes du renseignement, que la défaite sur le terrain de l'État islamique en Syrie et en Irak ne signe pas la fin du terrorisme international, mais qu'elle pourrait bien au contraire préluder à sa recrudescence et à une nouvelle stratégie de globalisation.

La France, nous le savons tous pour l'avoir chèrement payé, est une des cibles principales, d'abord parce qu'elle est une terre occidentale de liberté, mais aussi en raison de son action contre le terrorisme dans le monde entier. Notre pays est en première ligne dans la zone stratégique constituée par plusieurs pays sahéliens : il a activement combattu les djihadistes au Moyen-Orient. La visite du président du Sénat et de sa délégation, qui rencontreront aujourd'hui ou demain les militaires de l'opération Chammal pour les remercier et les féliciter, en est l'illustration.

En France même, les forces de l'ordre continuent d'être l'une des cibles privilégiées du terrorisme, comme en témoigne l'attentat préparé contre elles et déjoué vendredi dernier. Je voudrais à mon tour saluer le dévouement et l'efficacité de nos services de sécurité. Mais elles ne sont pas bien sûr les seules visées.

Compte tenu des signes convergents que semblent indiquer ces actualités, pouvez-vous, monsieur le Premier ministre, faire le point sur la situation de la menace terroriste et nous dire si elle appelle de la part du Gouvernement des mesures particulières, en France bien sûr, mais aussi à l'étranger. Faut-il en particulier adapter notre soutien aux pays du Sahel, dont certains sont dans une situation critique ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires, ainsi que sur des travées du groupe La République En Marche et du groupe Union Centriste.)

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Réponse du Premier ministre publiée le 01/05/2019

Réponse apportée en séance publique le 30/04/2019

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Nous avons tous été choqués par la violence des attentats de Pâques au Sri Lanka. Pour avoir vu dans notre pays, et parfois connu directement, de tels attentats, pour avoir vécu de telles scènes, nous nous faisons une représentation très claire de l'horreur qui s'est déchaînée au Sri Lanka, et nous adressons évidemment toute notre sympathie et notre amitié aux autorités et, plus largement, au peuple sri-lankais confronté à cette vague de violences terribles.

Vous évoquez, monsieur le président Malhuret, la menace terroriste à l'étranger et sur notre territoire. Cette menace, vous avez raison, se caractérise par sa permanence et sa prégnance. Il est singulier de constater que, dans les périodes de calme – il y en a parfois –, le rappel du caractère imminent de cette menace terroriste donne parfois le sentiment à certains que l'on voudrait jouer sur les peurs. Mais lorsque, malheureusement, un attentat se produit ou que, heureusement, un attentat est déjoué, on se rend compte que cette menace est puissante et permanente.

À l'étranger, nous pouvons aider un certain nombre d'États à lutter contre la menace terroriste, laquelle ne manquerait pas d'avoir des répercussions dans notre propre pays. Nous le faisons par des politiques d'échange d'informations entre services de renseignement avec un très grand nombre d'États dans le monde. Cette capacité à travailler en confiance avec d'autres services de renseignement sur ces aspects est absolument cruciale, les services français le font avec beaucoup de rigueur et de sérieux, et c'est un élément très important de notre défense collective.

Nous nous sommes également engagés militairement dans la lutte contre le terrorisme en Syrie, où Daech a été vaincu, et nous devons nous en réjouir. Toutefois, vous avez raison de le souligner, monsieur le président Malhuret, la défaite militaire de Daech en Syrie ne fait pas disparaître la menace terroriste à l'étranger, et encore moins en France. D'autres zones dans le monde sont ou deviennent des réservoirs et des lieux de non-droit qui peuvent voir tel ou tel groupe se développer, telle ou telle alliance se reconstituer, telle ou telle cellule se former. C'est la raison pour laquelle, après l'intervention décidée par le précédent Président de la République, François Hollande, au Mali, nous sommes restés sur place pour accompagner la lutte contre les mouvements terroristes et éviter la recomposition de cellules ou de routes qui viendraient nous impacter directement.

Sur le plan national, nous sommes confrontés à une menace endogène. Certes, le califat a disparu, mais nous savons que, partout en France, il peut y avoir des basculements, des passages à l'acte – nous l'avons constaté à Strasbourg en décembre dernier – et qu'il est très difficile de les prévenir ou de les identifier. Nous savons aussi que les services français se livrent à un travail remarquable de concentration, de sérieux et de vigilance. Depuis 2015, près de cinquante-huit attentats ont été déjoués. Ce sont des victoires silencieuses, mais de réelles victoires, dont nous devons nous féliciter. Saluons le remarquable travail de ceux qui, souvent dans l'ombre, nous protègent efficacement en investissant le meilleur d'eux-mêmes dans une lutte quotidienne, sans pour autant nous faire d'illusions sur la possibilité d'atteindre un hypothétique risque zéro, qui n'existe pas.

Nous accompagnons ce travail, juridiquement, financièrement et sur le plan organisationnel. Mesurons bien l'effort !

Juridiquement, ce sont la loi SILT et la sortie de l'état d'urgence. Ce texte nous a permis de disposer d'un dispositif juridique armé en dehors d'une loi d'exception datant de 1955.

Financièrement, nous accordons plus de moyens, notamment à la DGSI : 1 900 recrutements supplémentaires sur la durée du quinquennat. Ce sont plus d'hommes et de femmes, plus de compétences, plus de capacités pour bloquer des évolutions vers la radicalisation ou le passage à l'acte.

Nous œuvrons également à une plus grande efficacité opérationnelle en créant le coordonnateur national du renseignement et de la lutte contre le terrorisme et en confiant à la DGSI le rôle de coordination opérationnelle. Cela peut sembler être des mots, mais cette coordination a effectivement donné des résultats dans la lutte contre le terrorisme. Les mesures sur le renseignement pénitentiaire sont également décisives et la création du Parquet national antiterroriste permettra, du point de vue judiciaire, une meilleure coordination des procédures.

Enfin, monsieur le président Malhuret, on ne combat pas la menace terroriste simplement par des mesures sécuritaires ou judiciaires. Nous en avons parfaitement conscience. Cela passe aussi, pour la menace externe, par des politiques de coopération et d'aide au développement. Le soutien à des politiques locales de développement économique et culturel pourrait ne pas sembler à la hauteur de la tâche, mais c'est en réalité le seul moyen de lutter efficacement contre cette menace dans la durée.

Sur le territoire national, nous voulons nous livrer à une lutte sans merci contre tous ceux qui veulent remettre en cause le pacte républicain. Depuis février 2018, nous avons fermé quatre écoles hors contrat où nous avions des raisons de penser que des thèses pouvant conduire à la radicalisation étaient développées. Nous avons fermé sept lieux de culte, huit établissements culturels ou associatifs et quatre-vingt-neuf débits de boisson pour les mêmes raisons.

La loi d'avril 2018, adoptée sur l'initiative d'une de vos collègues, Mme Gatel, a permis d'engager quinze procédures d'opposition à des écoles dont nous avions des raisons de penser qu'elles ne respecteraient pas le pacte républicain et qu'elles pourraient constituer des lieux de radicalisation.

Autrement dit, oui, la menace est permanente. Je ne dis pas cela pour faire peur, mais parce que je vous mentirais si j'affirmais le contraire. Soyez néanmoins assurés, mesdames, messieurs les sénateurs, de la totale détermination des forces de sécurité et de tous ceux qui concourent à la sécurité de notre pays : ils entendent être à la hauteur des enjeux et offrir le plus haut niveau de sécurité possible à nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe Les Indépendants – République et Territoires, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste et du groupe socialiste et républicain.)

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