Question de M. SUEUR Jean-Pierre (Loiret - SOCR) publiée le 30/05/2019

M. Jean-Pierre Sueur appelle l'attention de Mme la ministre des outre-mer sur les conditions dans lesquelles s'effectuera au cours des prochaines années l'indemnisation des victimes des essais nucléaires. Il apparaît en effet que seuls 10 % environ des 1 245 victimes ayant déposé un dossier auprès du comité d'indemnisation des victimes des essais nucléaires (CIVEN) entre 2010 et 2017 ont obtenu une indemnisation ce qui est notoirement insuffisant, mais que, comme elle l'a déclaré le 13 février 2019 au Sénat, soixante-quinze demandes d'indemnisation ont été acceptées par le CIVEN, ce qui représente une augmentation significative par rapport aux années précédentes. Sa déclaration, lors de la même séance, selon laquelle « tout laisse à penser qu'il en sera de même dans les années à venir » peut toutefois laisser craindre que, eu égard au nombre de demandes en instance, il faille attendre une quinzaine d'années environ pour qu'à ce rythme l'ensemble des dossiers soit examiné. Il lui demande, en conséquence, eu égard au fait qu'elle a annoncé le même jour au Sénat que « le budget du CIVEN a d'ailleurs été augmenté », les dispositions précises qu'elle compte prendre pour que ces demandes soient examinées dans des délais nettement plus rapprochés.

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Réponse du Ministère des outre-mer publiée le 16/01/2020

La loi n° 2010-2 du 5 janvier 2010 relative à la reconnaissance et à l'indemnisation des victimes des essais nucléaires français a prévu la réparation intégrale des préjudices subis par les personnes ayant résidé dans certaines zones pendant les périodes des essais et dont la maladie a été provoquée par les rayonnements ionisants dus à ces essais, « à moins qu'au regard de la nature de la maladie et des conditions de son exposition, le risque attribuable aux essais nucléaires puisse être considéré comme négligeable ». L'article 232 de la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019 a modifié la loi du 5 janvier 2010 pour prévoir la possibilité de renverser la présomption si la dose reçue est inférieure à 1 millisievert, limite de dose internationalement reconnue et inscrite dans le code de la santé publique. Ces nouvelles dispositions, validant la pratique du CIVEN au cours de l'année 2018, a placé le CIVEN dans une nouvelle dynamique en matière de procédure d'indemnisation des victimes des essais nucléaires. L'examen des demandes a pu ainsi reprendre à un rythme soutenu en 2018 et la proportion des demandes admises augmenter considérablement. 1 572 demandes ont été enregistrées au 20 novembre 2019. 427 ont reçu une réponse favorable, dont seulement 96 de 2010 à 2017 inclus et 331 pour l'année 2018 et l'année 2019 en cours. Le taux d'acceptation des demandes par le CIVEN, qui n'atteignait pas 10 % jusqu'en 2017 est désormais de l'ordre de 50 %. Pour les seuls demandeurs résidant en Polynésie française, alors que seulement 11 demandes avaient été acceptées de 2010 à 2017 inclus, 110 ont été accueillies favorablement du 1er janvier 2018 au 20 novembre 2019.  Le nombre de demandes restant à examiner est de 225 à ce jour. Le nombre des demandes reçues annuellement est de l'ordre de 150 depuis 2017. L'article 232 de la loi du 28 décembre 2019 a rouvert les délais de dépôt des demandes pour les ayants droit des personnes décédées avant la promulgation de cette loi jusqu'au 31 décembre 2021 et prévu que les demandes pour les personnes décédées après cette date devaient être déposées avant le 31 décembre de la troisième année suivant le décès. En outre, le délai pour demander le réexamen des demandes ayant fait l'objet d'un rejet avant la promulgation de la loi « EROM » a été rouvert jusqu'au 31 décembre 2020. Du fait de ces dispositions, de nouvelles demandes pourront s'ajouter au flux régulier des demandes déposées à la suite de l'apparition d'une maladie. Les demandes pouvant être présentées par des personnes dès lorsqu'elles ont séjourné au Sahara entre 1960 et 1967 et en Polynésie entre 1966 et 1998 et le délai d'apparition des maladies radio-induites à partir de l'exposition pouvant être de plus de 50 ans, il est difficile de prévoir pendant combien de temps des demandes parviendront au CIVEN. L'objectif du CIVEN est de traiter les demandes le plus rapidement possible, en respectant le délai de 8 mois fixé par la loi entre le dépôt d'un dossier complet de demande et la décision sur la demande et en faisant en sorte que le délai entre la décision d'acceptation et le versement de l'indemnisation, après expertise médicale des préjudices, soit de l'ordre de 6 mois. Pour aboutir à ce résultat, le CIVEN, se fondant sur les 14 recommandations formulées dans le cadre de l'audit réalisé en 2018 à sa demande par la Mission d'organisation des Services du Premier ministre en 2018 et portant sur son organisation, ses procédures, son fonctionnement et son dimensionnement, a pris des mesures pour adapter les processus et son organisation aux exigences de sa mission et ainsi pouvoir résorber le stock de demandes et absorber le nouveau flux induit par les réexamens de demandes. Le CIVEN a notamment modifié son règlement intérieur, adopté une nouvelle méthodologie, validé un nouveau barème d'indemnisation, augmenté la durée et la fréquence de ses séances, recruté deux médecins pour l'instruction médicale des demandes, augmenté le vivier des médecins experts pour les expertises médicales, recouru aux visioconférences et audioconférences. En termes budgétaires, le CIVEN a pu disposer d'une dotation de 8,8 millions d'euros pour 2018. La dotation totale pour 2019 dépasse 11 millions d'euros.   Le président du CIVEN conclut la présentation du rapport d'activité 2018 en constatant que : « La stabilisation du régime légal et réglementaire de reconnaissance des victimes des essais nucléaires, la mise à niveau des ressources budgétaires du CIVEN et les réorganisations, réalisées et à venir, de son fonctionnement doivent permettre au CIVEN, comme la loi le lui impose, de reconnaître, dans des délais rapides, toutes les victimes des essais nucléaires, au sens de la loi. » Dans ces conditions, le Gouvernement s'attachera à veiller à ce que le CIVEN dispose des moyens nécessaires pour lui permettre d'accomplir sa mission dans les meilleurs délais possibles et soutiendra les initiatives du CIVEN en ce sens.

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