Question de M. LEFÈVRE Antoine (Aisne - Les Républicains) publiée le 13/06/2019

M. Antoine Lefèvre attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, au sujet des violences commises par des agents pénitentiaires sur les personnes détenues.
Cette question écrite fait suite au rapport publié le 3 juin 2019 par l'observatoire international des prisons. Ce dernier a reçu ces deux dernières années plus de deux cents témoignages de détenus ayant subi des violences par le personnel pénitencier. L'état des lieux de ces violences est très hétérogène, néanmoins les principales causes de cette situation sont la grande rigidité de l'administration pénitentiaire, le rapport de force constant entre agents et détenus et la formation insuffisante du personnel pénitencier qui exécute parfois mal les techniques d'immobilisation. De plus, il faut souligner que la procédure pour porter plainte est beaucoup plus compliquée pour un détenu. Entre les connaissances insuffisantes en matière de droit, le coût de la procédure de justice et sa complexité, cela s'apparente à un véritable parcours du combattant. Au vu de la part des classements sans suite dans ce type d'affaires, il faut reconnaître que même une fois la plainte déposée, il existe une certaine impunité. Ce climat de violence qui cause également du tort aux agents pénitenciers, ainsi que l'opacité de cette situation sont à déplorer. Au delà d'une formation plus poussée des agents pénitentiaires, de la mise en place de caméras de surveillance et d'un élargissement des délais de sauvegarde des vidéos de surveillance, il faut avant tout régler le problème de la surpopulation carcérale. Le taux moyen d'occupation de nos prisons s'élève à 140 % et constitue la source principale du problème.
En conséquence, et en sa qualité de rapporteur spécial de la commission des finances en charge de la mission justice, il souhaiterait être informé des mesures qu'elle propose pour mettre fin à ces violences envers les détenus et plus généralement afin de rétablir le calme dans nos prisons.

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Transmise au Ministère de la justice


Réponse du Ministère de la justice publiée le 05/08/2021

La direction de l'administration pénitentiaire a engagé, depuis 2017, une politique globale de lutte contre les violences dont l'objectif est de prévenir le passage à l'acte violent et de prendre en charge les auteurs de violences en détention. Plusieurs mesures concrètes ont été mises en œuvre à cette fin. Ainsi, un dispositif, développé au sein de l'outil d'informations GENESIS, permettant d'objectiver et d'évaluer les causes premières du passage à l'acte, a été mis en place à l'issue d'une phase d'expérimentation menée entre juin 2018 et février 2019 au sein de 11 établissements. Cet outil a été généralisé à l'ensemble des établissements pénitentiaires à compter de septembre 2019. Afin d'informer et de sensibiliser les personnels, les personnes détenues et leurs familles au phénomène des violences en détention, une note du 24 juin 2019 a été diffusée à toutes les directions interrégionales des services pénitentiaires. Des affiches ont été apposées en détention et des fascicules distribués dans le cadre du parcours arrivant. Elles précisent les comportements prescrits et proscrits en détention ainsi que les risques auxquels s'exposent les auteurs en cas de transgression. Par ailleurs, la loi du 23 mars 2019 permet désormais d'affecter dans un quartier spécifique une personne détenue majeure, soumise à un régime de détention impliquant notamment des mesures de sécurité renforcée, pour bénéficier d'un programme adapté de prise en charge (article 726-2 du code de procédure pénale). Toute personne détenue prévenue ou condamnée peut être affectée en unité pour détenus violents (UDV). La doctrine relative à ces unités a été diffusée en novembre 2018 et la première a ouvert en avril 2019. Elles sont aujourd'hui au nombre de 7. Le type de public ayant vocation à être orienté en UDV est constitué principalement de détenus violents récidivistes ou au fort potentiel de passage à l'acte. A l'issue d'une phase d'observation, un programme est mis en place durant plusieurs mois dans ces unités dont la compétence est interrégionale. En outre, l'expérimentation des caméras individuelles en détention, prévue par la loi n° 2018 697 du 3 août 2018 relative à l'harmonisation de l'utilisation des caméras mobiles par les autorités de sécurité publique, est en cours depuis le 15 septembre 2020. Des indicateurs quantitatifs et de performance ont été mis en place et sont suivis dans le cadre du système d'information développé à cette fin. Un comité de pilotage s'est déjà réuni à plusieurs reprises et toutes les formations ont été réalisées. La question des violences commises sur les personnes détenues par le personnel de l'administration pénitentiaire constitue un axe important de cette politique de lutte contre les violences. L'administration pénitentiaire s'est organisée afin de garantir la traçabilité de tout usage de la force par un agent, quelles qu'en soient les circonstances. Ce suivi peut être établi par les comptes-rendus d'incident et professionnel des agents, le rapport du chef d'établissement, ou les images issues des caméras de vidéosurveillance. L'ensemble de ces éléments, à vocation probatoire, est utilisé lors des procédures disciplinaires et judiciaires. S'agissant plus précisément des images issues des caméras de surveillance, elles sont conservées sur support numérique pendant un délai ne pouvant excéder un mois, en vertu de l'article 3 de l'arrêté du 13 mai 2013 portant autorisation unique de mise en œuvre de traitements de données à caractère personnel relatifs à la vidéosurveillance au sein des locaux et des établissements de l'administration pénitentiaire. Ce délai est équivalent à la durée de conservation légale de la vidéosurveillance sur la voie publique. Au-delà d'un mois, les enregistrements n'ayant pas été transmis à l'autorité judiciaire ou n'ayant pas fait l'objet d'une enquête administrative sont détruits. De plus, il convient de souligner qu'une personne détenue dispose de plusieurs voies de recours pour faire valoir ses droits lorsqu'elle dénonce des faits de violences. Elle peut saisir l'administration pénitentiaire, l'autorité judiciaire (d'un courrier protégé qui ne peut être ouvert par l'administration pénitentiaire), les autorités administratives indépendantes : le Défenseur des droits et le Contrôleur général des lieux de privations de liberté (par un courrier également protégé) à qui l'administration pénitentiaire est tenue de répondre, et tout organisme extérieur (association, Observatoire international des prisons). Par ailleurs, la formation initiale et continue des surveillants pénitentiaires a connu des évolutions significatives ces dernières années, afin d'assurer une plus grande maîtrise des gestes professionnels et de satisfaire aux exigences professionnelles spécifiques à la fonction de surveillance de personnes détenues. La prévention des phénomènes de violences en détention fait partie intégrante de leur formation. Le contenu pédagogique de la formation initiale, revu en 2018, permet l'acquisition et le développement de compétences propres à l'exercice du métier de surveillant dans un cadre réglementaire strict. L'accent est porté sur la sensibilisation à la déontologie pénitentiaire et les connaissances nécessaires à la mise en place de bonnes pratiques professionnelles. Il est ainsi attendu des agents nouvellement recrutés qu'ils intègrent les valeurs du service public pénitentiaire et qu'ils adoptent une posture professionnelle adaptée permettant d'instaurer une relation d'autorité positive avec les personnes détenues tout en garantissant l'ordre et la sécurité au sein de la détention. A cette fin, l'Ecole nationale d'administration pénitentiaire (ENAP) a développé des modules qui encouragent le développement de relations positives entre personnels pénitentiaires et détenus. La formation continue est également l'occasion de rappeler aux agents les pratiques professionnelles attendues ainsi que les limites imposées par les lois et règlements. Elle offre aux personnels la possibilité de mettre à jour leurs connaissances afin de prévenir ou de faire cesser d'éventuels relâchements. L'ENAP a également développé, au début de l'année 2019, une mallette pédagogique à destination des personnels affectés en UDV leur permettant de renforcer leurs compétences et leurs savoirs théoriques en lien avec la prévention des violences en détention. En outre, l'article 13 du code de déontologie du service pénitentiaire, qui impose à chaque personnel pénitentiaire qui serait témoin d'agissements prohibés de tout faire pour mettre fin à ces situations et d'en informer sans délai sa hiérarchie, fait l'objet de rappels réguliers. En cas de non-dénonciation, l'agent s'expose à des poursuites disciplinaires, dont le conseil de discipline national est effectivement saisi. Enfin, afin d'améliorer les conditions de détention des personnes détenues et les conditions de travail des personnels pénitentiaires, et de lutter efficacement contre les violences en détention, le ministère de la justice est fortement mobilisé en faveur d'une réduction de la surpopulation carcérale, source indiscutable de tensions au sein des détentions. Ainsi, le ministère de la justice a également un programme immobilier pénitentiaire qui prévoit l'engagement de 7 000 places nettes d'ici 2022 et la livraison de 8 000 places supplémentaires d'ici 2027. Les nouveaux établissements sont construits sur les territoires où les besoins sont les plus importants au regard du nombre actuel de places de détention et de la projection à dix ans de la population pénale. L'ensemble de ces mesures permet à l'administration pénitentiaire d'assurer de meilleures conditions de détention aux personnes détenues et de travail aux personnels pénitentiaires, gage d'une baisse des tensions en détention.

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