Question de M. KARAM Antoine (Guyane - LaREM-A) publiée le 05/07/2019

Question posée en séance publique le 04/07/2019

M. Antoine Karam. Ma question s'adresse à Mme la ministre des outre-mer.

Madame la ministre, à 8 000 kilomètres de Paris, sur une terre guyanaise qui porte les exploits européens de la conquête spatiale, c'est un drame glaçant, récurrent et indigne d'un pays développé qui se joue.

En effet, depuis le début des années 2000, la population amérindienne est touchée par une série dramatique de suicides. Voilà quelques semaines seulement, une jeune documentaliste de 26 ans du collège Gran Mandifou de Maripasoula s'est donné la mort. Il s'agit de rien de moins que du dixième suicide depuis septembre dernier, le sixième depuis janvier 2019.

Le plus souvent, ces actes suicidaires sont le fait de jeunes adolescents, parfois même d'enfants, pour qui la mort devient l'ultime solution à un mal-être et à un désarroi profonds.

Ils sont Wayampis, Wayanas, Tékos, ou encore Kali'na, Palikur et Arawack, tous Amérindiens et Français. Pour eux, le taux de suicide est huit à dix fois supérieur à la moyenne nationale.

Notre responsabilité est de dire que cette situation insupportable doit cesser. Vous le savez, madame la ministre, l'appel que je lance aujourd'hui n'est pas le premier. À la fin de 2015, un rapport parlementaire proposait déjà trente-sept recommandations pour lutter contre ce phénomène. Force est néanmoins de constater que peu d'entre elles ont été suivies d'effets.

En filigrane, nous le savons, c'est la question de la reconnaissance des droits des peuples autochtones – notamment de la ratification de la convention 169 de 1'OIT – qui est posée. Elle est en effet un préalable à la reconnaissance de leur identité et à la restauration de l'estime de soi.

Dans ce contexte, madame la ministre, quel engagement le Gouvernement entend-il prendre en faveur des Amérindiens de Guyane, pour les aider à enrayer ces vagues de suicides, mais aussi pour les accompagner dans la reconnaissance légitime de leurs droits fondamentaux ? (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)

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Réponse du Ministère des outre-mer publiée le 05/07/2019

Réponse apportée en séance publique le 04/07/2019

Mme Annick Girardin, ministre des outre-mer. Oui, monsieur Karam, les suicides d'Amérindiens dans les communes reculées de Guyane sont vingt-cinq fois plus nombreux que dans l'Hexagone.

Il s'agit d'un véritable drame. Avec mon collègue Jean-Michel Blanquer, j'ai décidé l'envoi, sans délai, d'une mission d'inspection, accompagnée d'un psychologue, pour identifier les dysfonctionnements et y remédier, notamment dans ce collège, et accompagner la communauté éducative, qui en a grand besoin.

Depuis deux ans, l'État a envoyé des équipes spécialisées pour renforcer le pôle santé dédié à ces questions. Par ailleurs, au début de 2019, le rectorat a mis en place une cellule d'écoute qui a également été renforcée. Les moyens humains sont donc là.

Comme vous le savez, les changements sociétaux qui bouleversent profondément et très rapidement la société amérindienne sont très certainement à l'origine d'une partie de ces gestes de désespoir.

En ce qui concerne la convention 169 de l'Organisation internationale du travail, vous savez que notre droit national fait obstacle à la reconnaissance de droits particuliers à des groupes spécifiques.

Pour autant, la France applique largement les grands principes de cette convention. Dans le cadre du plan d'urgence Guyane, le Gouvernement s'est engagé à transférer 400 000 hectares de foncier en faveur des populations amérindiennes.

Je veux que l'on puisse rapidement, avec les peuples autochtones et la collectivité, mettre ces transferts en place, notamment via la création d'un établissement public dédié.

La question amérindienne fait pleinement partie de l'identité guyanaise. La France compte deux peuples premiers et doit en être fière. Nous devons nous impliquer à leurs côtés, tenir compte de leurs spécificités et comprendre leur besoin d'accompagnement.

M. le président. Veuillez conclure, madame la ministre.

Mme Annick Girardin, ministre. Toutefois, il serait aussi intéressant de travailler avec d'autres pays, qui ont déjà largement avancé sur ces sujets, comme le Canada. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)

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