Question de Mme GERBAUD Frédérique (Indre - Les Républicains) publiée le 04/07/2019

Mme Frédérique Gerbaud interroge M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation sur la promotion de l'agriculture de conservation. Filière agricole alternative parallèle à l'agriculture biologique, avec laquelle elle n'est pas en concurrence, l'agriculture de conservation est née il y a plusieurs décennies du constat des excès et des travers des modes de culture intensive : appauvrissement et érosion accélérés des sols, perte de terres arables, fragilisation des espèces végétales par la monoculture exclusive et son corollaire, le recours massif aux engrais et pesticides, mécanisation à outrance des modes d'exploitation, amoindrissement préoccupant de la biodiversité des agroécosystèmes… En réaction, l'agriculture de conservation repose sur une logique de respect et d'accompagnement des processus productifs naturels et met en œuvre des techniques simples et éprouvées de conservation et de régénération des sols : non-labour (le labour étant préjudiciable à la fertilité des sols), diversification dans la rotation des cultures et multiplication des associations végétales en culture simultanée sur les mêmes parcelles, recours aux couverts végétaux d'interculture entre une récolte donnée et la mise en culture suivante (afin de ne pas laisser le sol à nu et de le nourrir). Ces procédés ont apporté la preuve de leur efficacité : mobilisation renforcée des éléments nutritifs des sols, stimulation avérée de la biodiversité, résistance accrue des végétaux cultivés aux maladies et aux ravageurs – autorisant une nette diminution du recours aux intrants chimiques – service rendu aux insectes pollinisateurs par la variété des espèces végétales se côtoyant. Après plusieurs décennies d'expérimentation et d'un développement lent mais sûr, l'agriculture de conservation se diffuse de manière significative et commence à gagner des secteurs tels que la viticulture, l'arboriculture et le maraîchage. En Europe, la France fait figure de pionnière de l'agriculture de conservation, 12 à 15 % de ses agriculteurs s'y adonnant à titre exclusif ou principal, et les vertus économiques, écologiques et sociales ce cette filière sont établies : par rapport à l'agriculture « productiviste » classique, accroissement spectaculaire de la biodiversité des sols cultivés et des agroécosystèmes en général, un tiers de moins de consommation de carburant, un tiers à moitié moins de pesticides, des rendements moyens au moins équivalents et une augmentation d'au moins un tiers de la marge possible à l'hectare. Pour l'ensemble de ces motifs, elle lui demande quelles sont sa position et ses intentions quant à la mise en place d'une politique de soutien public actif à l'agriculture de conservation, mode de développement agricole alternatif promu par l'organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture.

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Réponse du Ministère de l'agriculture et de l'alimentation publiée le 29/08/2019

L'agriculture de conservation des sols (ACS) est un système de production à part entière. Il s'appuie sur la mise en œuvre de trois pratiques agricoles en synergie : la non perturbation du sol, ou du moins une perturbation minimale, la couverture permanente du sol au moyen notamment de couverts d'intercultures, et la diversité des cultures avec l'allongement des rotations et l'association des cultures sur une même parcelle. Cette définition technique de l'ACS a le mérite de clarifier ce qu'est l'ACS, et par conséquent d'en exclure certaines pratiques qui s'en réclament parfois, telle que le simple non labour. En effet, si l'absence de labour, pour des raisons de main d'œuvre le plus souvent (manque de temps), est assez répandu en France, l'ACS reste le fait d'agriculteurs pionniers. L'absence de labour, sans couvert d'intercultures et sans allongement et diversification des rotations, ne fournit pas les services agronomiques et écosystémiques rendus par l'ACS. Aussi, à cette définition technique, il paraît nécessaire d'adjoindre les avantages agronomiques et les services écosystémiques rendus par l'ACS tels que : concernant les services écosystémiques : la non lixiviation des minéraux en solution dans le sol (exemple : les nitrates) « pompés » par les systèmes racinaires des plantes de couverture et donc la protection de la qualité de l'eau, l'économie de ressources non renouvelables (moindre consommation d'hydrocarbures, de phosphates naturelles…), la séquestration du carbone dans le sol, la limitation des phénomènes érosifs (exemple : coulées de boues), l'économie d'eau pour l'irrigation (gestion quantitative de l'eau), la détoxification des sols grâce à l'accroissement de l'activité biologique nourrie par les couverts… ; concernant les avantages agronomiques : le renforcement de la structure du sol, l'augmentation de la rétention d'eau et du drainage du sol, la protection contre l'érosion et le phénomène de battance, l'augmentation des réserves du sol en éléments nutritifs pour les plantes… Compte tenu des services écosystémiques rendus par l'ACS, le développement de cette dernière est inscrit dans le « Plan Biodiversité » de la France, et notamment dans son action 49. Cette dernière vise la promotion de « l'agriculture de conservation des sols, qui, en limitant le travail du sol, en diversifiant les rotations et en assurant une couverture permanente des sols, préserve l'activité biologique des sols. » Plus concrètement, afin de développer l'ACS, le ministère chargé de l'agriculture a créé en mai 2017 une mesure agro-environnementale et climatique (MAEC) spécifique : la MAEC SOL_01 « semis direct sous couvert ». Cette dernière permet aux agriculteurs désireux de se lancer dans l'ACS d'en bénéficier, à condition toutefois que la région ait ouvert la mesure dans le cadre du programme de développement rural régional 2014-2020 dont elle est autorité de gestion - fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER). Outre la MAEC, le ministère chargé de l'agriculture soutient depuis quelques années une des principales associations regroupant les agriculteurs pratiquant l'ACS dans leurs fermes, à savoir l'association pour la promotion d'une agriculture durable. Dans ce cadre, diverses actions de communication ont été mises en œuvre, telles que les « Journées du patrimoine sol » qui se tiennent en septembre, en même temps que les « Journées du patrimoine ». Lors de ces Journées, des agriculteurs accueillent le public sur leurs fermes afin d'expliquer ce qu'est l'ACS et ce qu'elle apporte. S'ajoute à ces actions, le projet « Réseau Rural ACS » qui a démarré le 1er septembre 2018, suite à un appel à projets national lancé au titre du programme spécifique du réseau rural national 2014-2020 (FEADER). Il durera trois ans avec un budget total de 621 000 euros environ. L'objectif du projet est de lever les freins au développement de l'ACS. Les moyens fournis permettront de créer des groupes d'agriculteurs, pour la mise en place de l'ACS dans leurs exploitations, dans les régions où il n'en existe pas (exemple : en Bretagne), et de consolider le travail des groupes existants grâce à une animation dédiée ou mutualisée entre plusieurs groupes. Un autre objectif réside dans la mutualisation des bonnes pratiques agricoles au sein des groupes et entre les groupes locaux, avec la production de documents de synthèse, ainsi que dans la mutualisation des bonnes pratiques d'animation et de conduite de groupe. Le projet « Réseau Rural ACS » est fondamental dans la mesure où les groupes d'agriculteurs permettent aux exploitants désireux de mettre en place l'ACS dans leurs fermes de bénéficier de l'expérience des plus anciens, de mutualiser les tests pratiqués par chacun dans les champs, de rompre l'isolement et de se soutenir mutuellement… En effet, l'ACS étant un système de production récent en France, plusieurs défis techniques restent à résoudre, tels que la maîtrise de certains ravageurs des cultures (exemple : les limaces) et le contrôle des adventices (ou mauvaises herbes) avec un faible recours aux produits phytosanitaires. Aussi, le ministère chargé de l'agriculture soutient, avec le ministère chargé de l'écologie, les efforts des agriculteurs afin d'optimiser la gestion de l'enherbement avec un recours minimal aux produits phytosanitaires à travers le projet « Phytosol » dans le cadre d'« Ecophyto ». Démarré cette année, ce projet a pour but de tester en conditions réelles divers modes de gestion des adventices, en optimisant le recours aux produits phytosanitaires. Les résultats seront mutualisés pour fournir aux agriculteurs des clefs de gestion des adventices, tout en contrôlant le niveau de traitements phytosanitaires atteint. Conscient des enjeux environnementaux et économiques au cœur des activités agricoles, le ministère chargé de l'agriculture soutient donc les formes de production alliant les performances environnementale et économique, et en particulier l'agriculture de conservation des sols.

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