Question de M. REGNARD Damien (Français établis hors de France - Les Républicains) publiée le 25/07/2019

M. Damien Regnard interroge M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères sur la lutte contre le financement du terrorisme.

Le 26 avril 2018, la France s'honorait d'avoir rassemblé, dans le cadre de la conférence « No money for terror », près de soixante-dix pays et une vingtaine d'organisations internationales, dans ce qu'il est désormais convenu d'appeler la « coalition de Paris ». Celle-ci s'est depuis résolument engagée dans la lutte contre le financement de Daesh et d'Al Qaïda.

Cette réussite diplomatique sans précédent s'inscrivait ainsi dans une mobilisation, déjà ancienne quoique croissante, de la communauté internationale contre le financement du terrorisme et ce, depuis les attentats qui ont frappé l'Espagne en mars 2004, la Grande-Bretagne en juillet 2005, et la France en janvier et novembre 2015.

Il y avait, en effet, urgence : la convention internationale pour la répression du financement du terrorisme remontait à 1999 ! La résolution des Nations unies 1373, adoptée en septembre 2001, faisait déjà référence au financement du terrorisme comme étant une infraction, ouvrant la voie à des gels d'avoirs et à des sanctions à l'encontre d'organisations terroristes et leurs membres, mais sans réelle capacité de mise en œuvre.

L'organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) engageait - dès 2010 - des mesures pour lutter contre la fraude fiscale et le blanchiment d'argent en lien avec le terrorisme.

Pourtant, comme l'indiquaient deux députés dans leur rapport n° 1833 (Assemblée nationale, XVe législature) portant sur le financement du terrorisme international (avril 2019), il semble y avoir un certain hiatus voire une ambiguïté certaine dans la responsabilité jouée par certains États.

Le discours de clôture du Président de la République à l'issue de la conférence « No money for terror » avait, du reste, pointé du doigt, le « rôle ambigu que la majorité des États ont pu jouer, notamment en Syrie, en apportant leur soutien à certains groupes terroristes ». Alors que les Émirats arabes unis (EAU) avaient été retirés en 2017 par la Commission européenne de la liste des quinze pays défaillants dans la lutte contre la fraude fiscale et le blanchiment, les EAU et notamment sa place financière, Dubaï, y revenaient le 12 mars 2019.

Le département du trésor américain est venu confirmer, par le bais de l'« office for foreign assets control » (OFAC) cette affirmation, notamment depuis la divulgation de ce qu'il est convenu d'appeler les « Dubaï papers ». Alors que dans le même temps, l'Arabie saoudite, impliquée dans l'affaire Kashoghi était, quant à elle, retirée purement et simplement de la liste des seize États dont les « juridictions présentent des carences dans leurs régimes de lutte contre le blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme ».

Au regard de cette réalité nouvelle, il souhaite savoir comment la France, qui dispose d'un puissant outil de contrôle et de prévention sur son territoire, tel que le groupe d'action financière (GAFI), organisme intergouvernemental sis au siège de l'OCDE, entend veiller à ce que l'ensemble des membres de la « coalition de Paris » s'engage sans ambiguïté dans la lutte contre le terrorisme, en asséchant les circuits financiers et en luttant concrètement sur un plan militaire et sécuritaire tout comme sémantique et religieux.

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Réponse du Ministère de l'Europe et des affaires étrangères publiée le 12/09/2019

Les 25 et 26 avril 2018, la France a organisé la conférence "No Money for Terror", qui a réuni 70 Etats et plus de 15 organisations régionales et internationales. Cette conférence s'est conclue par l'adoption de l'Agenda de Paris, sous la forme d'une série de dix engagements concrets visant à assécher les sources de financement de Daech et d'Al Qaeda. La France travaille actuellement avec l'Australie pour assurer une transition réussie vers l'organisation de la seconde édition de la conférence No Money for Terror, qui aura lieu à Melbourne les 7 et 8 novembre prochains. Celle-ci sera l'occasion de faire un bilan de la mise en œuvre des engagements pris à Paris et de rappeler les attentes pesant à cet égard sur l'ensemble des Etats les ayant souscrits. Dans le prolongement de la conférence de Paris et dans la perspective de celle de Melbourne, pour entretenir la dynamique de mobilisation de la communauté internationale en matière de lutte contre le financement du terrorisme, la France a proposé l'adoption d'une résolution dédiée du Conseil de sécurité des Nations unies, destinée en premier lieu à universaliser certains acquis de l'Agenda de Paris en les érigeant en normes ainsi qu'à disposer d'une vision d'ensemble du cadre international devant guider les efforts des Etats. Cette résolution, qui a été adoptée le 28 mars dernier, a permis, en rassemblant les dispositions existantes et en les complétant, de mettre en place un cadre politique de référence et de définir une stratégie globale en matière de lutte contre le financement du terrorisme autour de cinq axes : réaffirmer les obligations des Etats, notamment la pénalisation du financement des organisations, des actes et individus terroristes ; amplifier l'emploi et l'efficacité de l'outil des mesures de gel des avoirs dans la lutte contre le terrorisme ; évaluer et anticiper les risques de financement du terrorisme ; promouvoir une approche cohérente au niveau national et renforcer la coopération internationale pour prendre en compte les menaces existantes et à venir ; renforcer l'engagement du système onusien dans la lutte contre le financement du terrorisme, en complément de l'action menée par le Groupe d'action financière (GAFI) dont le rôle central en matière de définition des normes et standards internationaux dans ce domaine est souligné et appelé à être renforcé. Cette dynamique d'ensemble a d'ores et déjà amené certains Etats à prendre des mesures vertueuses. L'Arabie saoudite (dont le processus d'adhésion au GAFI en tant que membre à part entière est particulièrement avancé) et d'autres Etats du Golfe (qui, sans être membres du GAFI, sont néanmoins partie à une organisation régionale liée au GAFI) ont ainsi souscrit aux engagements pris à Paris comme à la mise en œuvre des dispositions de la résolution 2462 adoptée le 28 mars dernier et entrepris d'assurer un contrôle plus efficace des transferts financiers, y compris en matière de financement du prosélytisme religieux. Il reste que tous les Etats de la région ne sont pas au même niveau d'avancement et un effort accru est notamment nécessaire de la part de certains d'entre eux pour asseoir un meilleur contrôle du financement privé destiné notamment à des actions de prosélytisme, notamment en Afrique, en Asie, mais aussi en Europe. La France les y encourage.

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