Question de M. YUNG Richard (Français établis hors de France - LaREM) publiée le 01/08/2019

M. Richard Yung appelle l'attention de M. le ministre de l'économie et des finances sur les difficultés bancaires et fiscales auxquelles sont confrontés les Français binationaux dits « Américains accidentels » depuis l'entrée en vigueur de l'accord franco-américain du 14 novembre 2013 relatif à la mise en œuvre de la loi américaine « Foreign Account Tax Compliance Act » dite « FATCA » (refus d'ouverture de compte, fermeture de compte, moindre accès à certains services financiers, régularisation de la situation fiscale auprès de « l'internal revenue service » (IRS), etc.). Il lui rappelle que le Sénat a adopté, le 15 mai 2018, une résolution encourageant le Gouvernement à poursuivre son action diplomatique auprès des autorités américaines en vue d'« obtenir un traitement dérogatoire pour les « Américains accidentels » leur permettant, soit de renoncer à la citoyenneté américaine par une procédure simple et gratuite, soit d'être exonérés d'obligations fiscales américaines ». Lors de l'examen du texte, le secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères avait exprimé la volonté du Gouvernement de : premièrement, « poursuivre le dialogue engagé avec le département d'État et les services fiscaux américains en vue de l'obtention d'une procédure facilitée de renonciation » à la nationalité américaine ; deuxièmement, demander aux autorités américaines la « création de services dédiés, à l'ambassade des États-Unis en France comme au sein des services fiscaux américains » ; troisièmement, travailler à « identifier avec l'IRS plusieurs aménagements possibles, pour que les citoyens français concernés puissent bénéficier d'une obtention et d'une transmission simplifiée du numéro d'identification fiscale américain » ; quatrièmement, faire en sorte que les « Américains accidentels » « puissent pleinement bénéficier des possibilités de régularisation rapide de la situation fiscale offertes par le droit américain, sans pour autant devoir acquitter une taxe de renonciation » ; cinquièmement, voir la contribution sociale généralisée (CSG) et la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS) « prises en compte comme des impositions de toute nature en vue d'éliminer toute double imposition au regard des stipulations de la convention fiscale bilatérale ». Pour ce qui concerne la CSG et la CRDS, la France a récemment obtenu gain de cause, l'administration fiscale américaine ayant décidé de modifier sa doctrine. En revanche, il semble qu'aucune avancée n'ait été enregistrée s'agissant de la transmission du numéro d'identification fiscale (NIF) américain. Or, craignant de faire l'objet de « sanctions financières et réputationnelles très importantes » aux États-Unis, à compter du 1er janvier 2020, les banques françaises ont fait savoir qu'elles pourraient être contraintes de mettre fin aux relations commerciales qu'elles entretiennent avec des « personnes américaines » se trouvant dans l'impossibilité de fournir un NIF américain. Quelque 40 000 comptes bancaires seraient concernés. Au regard de ce constat très inquiétant, il lui demande si les démarches entreprises par le Gouvernement auprès des autorités de Washington ont des chances d'aboutir rapidement à des mesures concrètes.

- page 4057


Réponse du Secrétariat d'État auprès du ministre de l'économie et des finances publiée le 13/11/2019

Réponse apportée en séance publique le 12/11/2019

M. Richard Yung. Ma question concerne ceux que l'on appelle les « Américains accidentels », c'est-à-dire ceux qui ont eu la mauvaise chance de naître sur le territoire des États-Unis et qui sont des victimes collatérales de l'accord fiscal dit Fatca, le Foreign Account Tax Compliance Act.

Cet accord, qui implique une transmission de données de la France vers les États-Unis, mais non dans l'autre sens – les États-Unis ne fournissent pas les données analogues –, a pour conséquence de mettre ces Américains accidentels dans une position difficile.

Le Gouvernement avait envisagé, l'an dernier, une procédure de renonciation facilitée à la citoyenneté américaine, qui faisait l'objet de négociations avec le gouvernement américain. Où en est cette négociation ?

Nous avions également proposé que la transmission du numéro d'identification fiscale américain soit simplifiée, et que ces Américains accidentels puissent pleinement bénéficier des possibilités de régularisation rapide de la situation fiscale qu'offre le droit américain. La question de la contribution sociale généralisée (CSG) et de la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS) avait été finalement réglée par un accord entre les deux administrations fiscales.

Le fisc américain a par ailleurs décidé d'accorder un dégrèvement aux personnes ayant renoncé à leur citoyenneté américaine depuis le 18 mars 2010, sous certaines conditions.

En revanche, il semble qu'aucune avancée n'ait été enregistrée s'agissant de la transmission du numéro d'identification fiscale (NIF) américain. Craignant des sanctions, les banques françaises ont fait savoir qu'elles pourraient être contraintes de mettre fin aux relations commerciales qu'elles entretiennent avec des « personnes américaines », autrement dit de fermer les comptes qu'ont ces Franco-Américains dans les banques françaises, souvent depuis 20 ans ou 30 ans, dès lors qu'ils sont dans l'impossibilité de fournir un NIF.

Ce constat est particulièrement inquiétant ; il concerne 40 000 de nos concitoyens.

Je souhaite donc savoir si les démarches entreprises par le gouvernement français auprès des autorités de Washington ont des chances d'aboutir d'ici au 31 décembre.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances. Monsieur le sénateur Yung, vous avez raison : nous sommes particulièrement impliqués, avec les Pays-Bas, dans la résolution de ce problème des Américains par accident, qui ont la nationalité américaine, sans pour autant travailler aux États-Unis ou entretenir de relations courantes avec ce pays, et sont néanmoins soumis à une législation extraterritoriale qui peut conduire à l'interruption de leurs comptes bancaires au nom du Fatca.

Vous avez souligné que nous avons obtenu, cet été, une décision juridique sur la position que nous défendions, selon laquelle la CSG et la CRDS constituent des impôts, couverts à ce titre par la convention fiscale qui lie nos deux États. Cette inflexion permet de résoudre des situations préjudiciables de double imposition. Par ailleurs, l'Internal Revenue Service (IRS) a présenté le 6 septembre dernier une nouvelle procédure d'amnistie fiscale.

Celle-ci constitue une avancée significative qui, compte tenu des seuils de référence élevés, permettra de résoudre la situation fiscale de nombreux binationaux ayant décidé de renoncer à leur nationalité américaine.

S'agissant des problématiques rencontrées par les clients de nationalité américaine dans leurs relations avec les établissements bancaires, consécutives aux difficultés de délivrance, par les autorités américaines, d'un numéro de sécurité sociale qui fait également fonction de numéro d'identification fiscale – le Tax Identification Number (TIN) –, nous avons continué d'approfondir les discussions avec les autorités américaines, puisque – vous l'avez signal頖 il existe en la matière un enjeu de court terme lié à l'expiration prochaine de la dérogation accordée jusqu'au 1er janvier 2020 en matière d'obligation de collecte de ce numéro.

Les citoyens concernés doivent avoir ce numéro pour que leur compte en banque soit maintenu ; or, pour obtenir ce numéro, l'Américain né par hasard sur le territoire américain doit demander un document à l'administration fiscale américaine, laquelle ne le lui délivre pas. La situation dans laquelle nous sommes est donc invraisemblable.

Les représentants parlementaires ont été amenés à insister auprès des responsables du Trésor américain sur l'urgente nécessité de résoudre ces difficultés. Nous avons nous-mêmes beaucoup échangé avec l'administration américaine et ces initiatives viennent d'aboutir à la publication par l'IRS, le 15 octobre dernier, de compléments aux instructions existantes qui précisent les obligations des institutions financières en matière de collecte et de transmission du TIN. Or ces instructions amendées reconnaissent désormais expressément que, après l'échéance du 31 décembre 2019, le défaut de transmission d'un TIN par les banques n'emporte nullement pour conséquence immédiate la caractérisation d'un manquement significatif de leur part.

Les services de l'IRS prendront en considération les circonstances particulières ayant conduit à cette carence, ainsi que les procédures internes mises en place et les diligences accomplies par les institutions financières pour collecter cette information.

Théoriquement, à compter du 1er janvier 2020, les citoyens américains qui le sont par hasard pourront voir leurs comptes en banque maintenus ; mais nous continuons à mettre la pression sur les autorités américaines – j'ai refait le point la semaine dernière avec mon homologue néerlandais pour que nous cosignions un courrier demandant que cette réglementation soit encore précisée, de façon à ce que les banques françaises puissent maintenir en toute sécurité leurs relations avec ces Américains particuliers.

- page 15097

Page mise à jour le