Question de M. FRASSA Christophe-André (Français établis hors de France - Les Républicains) publiée le 19/09/2019

M. Christophe-André Frassa attire l'attention de M. le ministre de la culture sur la revendication, par le Guatemala, d'une pièce d'une vente aux enchères, programmée à Paris le 18 septembre 2019, qui ne serait autre qu'un fragment de la partie supérieure de la stèle n° 9 du site archéologique de Piedras Negras, situé dans le département de Petén, au nord-ouest du pays, à la frontière mexicaine. Cette stèle est en effet répertoriée sur le site www.traffickingculture.org, comme ayant été inventoriée par l'explorateur Teobert Maler à la fin du XIXème siècle et pillée par des contrebandiers au début des années 60.
Il lui indique que depuis le début du mois d'août 2019, tant le ministère guatémaltèque des affaires étrangères, que les associations guatémaltèque d'archéologie, France-Amérique latine (LATFRAN) et la presse ont, d'une part relayé cette affaire et, d'autre part, entrepris des démarches auprès du gouvernement français pour que cette pièce d'archéologie soit retirée de la vente dans l'attente de vérifications nécessaires.
Il lui précise que, un mois après les premières démarches du Guatemala et une semaine avant la date de cette vente publique, il faut constater que le fragment de la stèle maya en question est toujours inscrit au catalogue de la vente sous le numéro 55.
Il souligne que, relayant les craintes du gouvernement guatémaltèque, l'Association LATFRAN s'inquiète de voir s'approcher le jour de la vente et, avec celui-ci, le risque de disparition définitive de cette pièce archéologique.
Il lui demande que soit appliquée la convention de l'organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture (UNESCO) de 1970 sur le trafic illicite des biens culturels en faisant saisir, à titre conservatoire, la pièce archéologique afin d'en vérifier l'origine, comme le permettent le code du patrimoine et le code de procédure pénale et si les analyses de ce fragment confirment qu'il provient bien de la stèle du site de Piedras Negras, alors la France devra entreprendre les procédures de restitution de cette pièce au Guatemala.

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Transmise au Ministère de la culture


Réponse du Ministère de la culture publiée le 15/10/2020

Le ministère de la culture, alerté par divers canaux (note verbale de l'Ambassade du Guatemala en France transmise par le ministère de l'Europe et des affaires étrangères - MEAE, intervention directe d'universitaires spécialisés, etc.), a joué un rôle d'intermédiation entre les autorités guatémaltèques, via le MEAE, et la maison de ventes concernée pour parvenir à obtenir le retrait de la vente publique de cette stèle. En prenant connaissance du fait que celle-ci provenait du site de Piedras Negras, la détentrice de cette pièce, qui figurait au sein de la collection d'objets précolombiens constituée avec son mari à partir des années 1960, dont la dispersion en ventes aux enchères était prévue le 18 septembre 2019, a accepté, à titre conservatoire, le retrait de la vacation de ce lot acquis sur le marché français dans les années 1970. Elle a également souscrit au principe d'une restitution au Guatemala sous réserve d'en discuter précisément les modalités avec la partie guatémaltèque. Cependant, comme dans beaucoup de situations similaires, la possession de bonne foi de la détentrice française, qui ignorait le pillage originel de la stèle et l'avait acquise à un moment où l'attention portée aux provenances était une préoccupation moins répandue, s'oppose à une automaticité de restitution. Par ailleurs, il n'existe pas d'interdiction légale de mise en vente de ce type de pièces, qui sont sorties de leur pays d'origine avant que le cadre de la Convention UNESCO de 1970 ne s'applique entre États ayant ratifié cet instrument international, ce qui est le cas pour la France depuis 1997. En l'état du droit en vigueur en France, leur restitution repose donc sur la volonté du possesseur privé français. À la connaissance du ministère de la culture, un an après, aucune suite concrète pour récupérer l'œuvre n'a encore été donnée par les autorités guatémaltèques et la stèle se trouve toujours en France. Cette revendication illustre les difficultés rencontrées dans l'articulation des législations, mais aussi la délicate conciliation entre la protection des patrimoines nationaux et le respect de la propriété privée et de la liberté de commerce quand les faits remontent à une période antérieure à l'entrée en vigueur de normes internationales. Il n'en reste pas moins que le ministère de la culture, très engagé dans la prévention et la lutte contre ce trafic illicite, ne peut que recommander fortement à tous les acteurs concernés, professionnels du marché de l'art ou particuliers, de veiller à procéder à la vérification approfondie de l'origine de provenance des biens culturels avant d'envisager leur mise en vente ou leur achat. Les services compétents du ministère de la culture sont, de plus, disponibles non seulement pour favoriser un dialogue constructif entre les parties dans ce type de litiges ponctuels mais aussi mobilisés, d'une manière plus générale, dans la poursuite du renforcement de l'application de la Convention UNESCO de 1970.

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