Question de Mme LOISIER Anne-Catherine (Côte-d'Or - UC-R) publiée le 17/10/2019

Mme Anne-Catherine Loisier attire l'attention de M. le ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ville et du logement, sur les difficultés rencontrées par les industriels du bois et de la construction concernant la réglementation environnementale 2020.

La directive 2010/31/UE du Parlement européen et du Conseil du 19 mai 2010 sur la performance énergétique des bâtiments a fixé à 2020 l'échéance à laquelle tout nouveau bâtiment, public comme privé, devra être à consommation d'énergie quasi-nulle.

Afin de transposer cette directive, une future réglementation environnementale (RE 2020) pour les bâtiments neufs est en cours d'élaboration : elle s'inscrira dans la lignée de l'accord de Paris et fera suite à l'actuelle réglementation thermique (RT 2012). Au-delà de la révision des exigences énergétiques des bâtiments, la RE 2020 introduira un nouveau critère lié à la captation et à la séquestration de carbone.

Pour préparer la RE 2020, la direction de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages (DHUP), placée sous la double autorité du ministère de la transition écologique et solidaire et de celle du ministère de la cohésion des territoires, a lancé, en 2017, l'expérimentation de bâtiment énergie positive et bas carbone (E+C-) puis une phase de concertation fin 2018 sur l'indicateur en matière de stockage de carbone.

La loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique a modifié le code de la construction et de l'habitation et impose de définir des exigences en matière de stockage du carbone dans les matériaux et de séquestration pendant le cycle de vie du bâtiment.

À l'issue de la concertation, le conseil supérieur de la construction et de l'efficacité énergétique (CSCEE) recommande une empreinte carbone et un indicateur spécifique pour le carbone dans le bâtiment, sans niveau d'exigence pour le stockage.

Or, les matériaux bois et bio-sourcés ont la spécificité de séquestrer du carbone pendant toute la vie du bâtiment (stockage de longue durée qui participe à limiter la présence de CO2 dans l'atmosphère).

Les professionnels du bois construction, non représentés au sein du CSCEE, demandent la mise en place d'un indicateur « consolidé », prenant en compte l'empreinte carbone globale, c'est-à-dire liée à la construction mais également à la capacité ou non de stocker du carbone dans le bâtiment, et ce en fixant des exigences minimales.

Si la CSCEE était suivie, la RE 2020 passerait à côté de l'opportunité de décarboner le secteur de la construction pourtant à l'origine de plus de 20 % des émissions de gaz à effet de serre en France.

Elle souhaite donc connaître l'ambition du Gouvernement en matière de construction et de lutte contre le réchauffement climatique et lui demande les suites que le Gouvernement envisage de donner à la recommandation minimaliste du CSCEE.

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Réponse du Ministère de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales – Ville et logement publiée le 27/05/2020

Réponse apportée en séance publique le 26/05/2020

M. le président. La parole est à Mme Anne-Catherine Loisier, auteure de la question n° 955, adressée à M. le ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ville et du logement.

Mme Anne-Catherine Loisier. Monsieur le ministre, ma question porte sur la nouvelle réglementation environnementale 2020, ou RE 2020, qui, au-delà de la révision des exigences énergétiques des bâtiments, doit introduire un nouveau critère lié à la captation et à la séquestration de carbone.

À l'issue de la concertation menée, le Conseil supérieur de la construction et de l'efficacité énergétique (CSCEE) recommande une empreinte carbone et un indicateur spécifique pour le carbone dans le bâtiment, mais sans niveau d'exigence pour le stockage. Or, nous le savons, les matériaux bois et biosourcés ont la particularité de séquestrer du carbone pendant toute la vie du bâtiment.

De leur côté, les professionnels de la filière de la construction, qui ne sont pas représentés au sein de ce conseil, demandent la mise en place d'un indicateur consolidé prenant en compte l'empreinte carbone globale, c'est-à-dire liée à la construction et à la capacité de stocker, ou non, du carbone dans le bâtiment, et la fixation d'exigences minimales.

Si nous n'introduisons pas une telle disposition dans la RE 2020, nous risquons de laisser passer une belle occasion de décarboner le secteur de la construction, lequel est pourtant à l'origine de plus de 20 % des émissions de gaz à effet de serre en France.

Le document de méthode publié le 21 avril dernier appelle, de ma part, deux questions précises.

La première concerne l'indicateur déterminant par rapport aux matériaux, à savoir les émissions de gaz à effet de serre des produits de construction et des équipements sur l'ensemble du cycle de vie du bâtiment. L'option de calcul la plus favorable aux matériaux bois et biosourcés n'apparaît plus : est-elle écartée ?

La seconde concerne l'indicateur de stock de carbone, qui correspond à la masse totale de carbone stockée dans le bâtiment : sera-t-il bien un indicateur réglementaire, assorti d'un seuil ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Julien Denormandie, ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ville et du logement. Madame la sénatrice, il s'agit là d'une question fondamentale. Aujourd'hui, le bâtiment représente près de 20 % des émissions de gaz à effet de serre, parfois même plus. Or, par le truchement de la réglementation dite « RE 2020 », nous pouvons d'ores et déjà agir pour que les futurs bâtiments soient extrêmement protecteurs de l'environnement.

En tant qu'ingénieur des eaux et forêts, je suis, depuis le premier jour, profondément attaché à la filière bois. Je crois beaucoup en la construction en bois, dont nous pourrions parler des heures ! Certes, cette filière doit faire face à de nombreuses difficultés, y compris en amont ; mais l'aval, c'est-à-dire la construction, permettra aussi de soutenir l'amont.

Je vous le dis très clairement : pour moi, la RE 2020 est une occasion historique d'accroître, demain, la place des matériaux biosourcés, et notamment du bois. Sur ce point, je serai intransigeant.

Cela étant, le diable se cache dans les détails, notamment dans la technicité de l'élaboration des indicateurs de la RE 2020. À cet égard, j'attire votre attention sur deux points.

Premièrement, en vertu de la loi portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique, dite loi ÉLAN, on prendra dorénavant en compte, dans le cadre de la RE 2020, l'ensemble du cycle de vie du matériau.

Ainsi, le matériau biosourcé n'émet pas au moment de la production, même si, selon certains, il dégage des émissions à terme, lorsque la poudre se pétrifie, pour ainsi dire. Quoi qu'il en soit, son bilan global est bien meilleur que celui des autres matériaux.

C'est ce critère qui manquait : j'y insiste, avec la RE 2020, on prend en compte le bilan global, de la production jusqu'à la mort du matériau. Sur ce point aussi, je serai intransigeant : il faut couvrir l'ensemble du cycle de vie du matériau.

Deuxièmement, vous vous demandez si, en définitive, il faut prévoir une obligation de résultat ou une obligation de moyens. En d'autres termes, faut-il imposer le type de matériau en amont ou faut-il fixer un plafond d'émissions ?

À mon sens, il faut imposer le résultat, mais pas le moyen. Vous l'avez compris, je suis tout acquis à la production bois – ma vision est même un peu biaisée par mes premières amours –, mais, de son côté, la filière du BTP fait aujourd'hui des efforts considérables d'innovation, et il faut aussi la soutenir.

M. le président. La parole est à Mme Anne-Catherine Loisier, pour la réplique.

Mme Anne-Catherine Loisier. Me voilà rassurée, monsieur le ministre, d'autant que je connais votre attachement au matériau bois.

Reste que, comme vous l'avez souligné, le diable se cache dans les détails… Or c'est bien sur ces détails qu'un certain nombre de professionnels s'interrogent : indicateurs de stockage effectif du bois et prise en compte de l'ensemble du cycle de production.

Il me semble que nous nous sommes bien compris. En tout cas, nous attendons avec impatience les mesures à venir, que nous examinerons avec vigilance !

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