Question de M. LAURENT Daniel (Charente-Maritime - Les Républicains) publiée le 17/10/2019

M. Daniel Laurent attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation sur les préoccupations de la profession viticole, à la suite de la décision de l'organisation mondiale du commerce (OMC) permettant aux États-Unis de prendre des sanctions sur les biens européens, dans le cadre du conflit sur les subventions accordées à Airbus. Ainsi, le gouvernement étatsunien s'apprêterait à imposer une taxe sur les vins français. Il s'agirait de droits ad valorem de l'ordre de 25 % sur les vins tranquilles sans distinction de couleurs, présentant un titre alcoométrique volumique (TAV) acquis inférieur ou égal à 14 % et conditionné dans des contenants inférieurs à deux litres. Les conséquences pour les secteurs viticoles et l'ensemble du vignoble français seraient très importantes. En effet, le chiffre d'affaires réalisé sur le marché américain par ces produits s'est élevé à un milliard d'euros en 2018 pour près de 14 millions de caisses de neuf litres. Sur les six premiers mois de 2019, ces exportations sont en hausse de 10 % en valeur et de 2 % en volume. À titre d'exemples : les Etats-Unis sont le premier marché en volume et en valeur pour les vins de Bourgogne, le deuxième marché en volume et en valeur pour les vins de Bordeaux, le premier marché en valeur pour les appellations d'origine contrôlée (AOC) du Languedoc et du Roussillon etc. Si les exportateurs envisagent de réduire leurs marges, dans un premier temps, ils redoutent de perdre des parts de marchés, qui seront difficiles à reconquérir. En conséquence, il lui demande quelles sont les actions prises par le gouvernement français pour éviter la mise en place de cette taxation, qui va entraîner des distorsions de concurrence au niveau européen et international, avec une augmentation des prix au détail de l'ordre de 30 %.

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Réponse du Secrétariat d'État auprès du ministre de l'économie et des finances publiée le 15/01/2020

Réponse apportée en séance publique le 14/01/2020

M. Daniel Laurent. Madame la secrétaire d'État, en octobre dernier, l'Organisation mondiale du commerce (OMC) permettait aux États-Unis de prendre des sanctions contre des biens européens, dans le cadre du conflit sur les subventions accordées à Airbus.

Début décembre, les États-Unis ont formulé de nouvelles menaces, à savoir des sanctions visant à imposer de nouveaux droits de douane additionnels jusqu'à 100 %. Était en cause le projet de taxe sur les géants du numérique. Les vins pétillants, dont le champagne, épargnés par les premières sanctions, seraient également concernés, ce qui représente 700 millions d'euros supplémentaires.

Le chiffre d'affaires réalisé sur le marché américain s'est élevé à un milliard d'euros en 2018. Sur les six premiers mois de 2019, les exportations étaient en hausse de 10 % en valeur et de 2 % en volume. Or, depuis bientôt trois mois, la profession enregistre une chute drastique des importations américaines, de l'ordre de 30 % en valeur, sur les vins en bouteilles, par comparaison avec le mois de novembre 2018.

Les exportateurs ont réduit leurs marges, mais ils redoutent de perdre des parts de marchés qui seront difficiles à reconquérir, d'autant que ces mesures entraîneront des distorsions de concurrence.

Le 16 décembre dernier, lors du Conseil Agriculture et pêche à Bruxelles, le ministre de l'agriculture a demandé à la Commission de renforcer les soutiens à la filière vitivinicole. Si les mesures proposées vont dans le bon sens, elles demeurent insuffisantes pour faire face aux conséquences directes pour la filière.

En conséquence, qu'en est-il de la mise en œuvre d'un fonds de compensation des mesures d'aides à la promotion ou de la résolution du conflit avec les États-Unis ? Le 6 janvier dernier, M. Bruno Le Maire a une nouvelle fois appelé les États-Unis à la raison. Toutefois, pour l'heure, on ne constate aucun effet.

Madame la secrétaire d'État, il y a urgence à agir, afin de ne pas fragiliser l'ensemble de la filière, victime d'un conflit qui ne la concerne pas. (M. Antoine Lefèvre applaudit.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances. Monsieur le sénateur Daniel Laurent, dans le conflit opposant les États-Unis et l'Union européenne au sujet des subventions accordées à Airbus, l'OMC a tranché et autorisé les États-Unis à appliquer des sanctions à l'encontre de biens européens importés sur leur territoire.

Dans la mesure où il est vraisemblable que l'OMC sanctionne aussi, dans quelques semaines, les produits américains importés en Europe, pour des subventions accordées à Boeing, l'Union européenne a d'abord tenté de négocier avec les États-Unis, pour éviter une escalade de sanctions qui mette à mal l'économie de nos territoires respectifs.

Ces négociations continuent d'être menées de manière intense, pour limiter au maximum dans le temps l'application de ces taxes sanctions. Néanmoins, depuis le 18 octobre dernier, les États-Unis ont effectivement appliqué, ce que nous regrettons vivement, leur droit de sanctions.

Pour la France, les produits les plus touchés sont les vins tranquilles en deçà de 14 degrés conditionnés dans des contenants de moins de 2 litres, auxquels est imposée une taxe additionnelle de 25 %.

Toutes les régions viticoles françaises sont visées, à hauteur de 306 millions d'euros annuels. Les exportations françaises aux États-Unis des vins taxés ont représenté 25 % de l'ensemble des exportations européennes de vins vers les États-Unis.

Pour aider au plus vite la filière, injustement frappée et en difficulté, le Gouvernement a immédiatement mis en œuvre des mesures de soutien : doublement du budget de la promotion business to consumer des vins français développés aux États-Unis et dans plusieurs autres pays stratégiques, notamment en Asie, dans le cadre de la concession de service public Sopexa ; renforcement des actions de promotion business to business conduites par Business France, notamment sur les indications géographiques et les appellations d'origine contrôlée ; opérations collectives de promotion à l'export sur 38 marchés à potentiel en 2020 ; mise en œuvre de mesures de bienveillance concernant des délais de paiement ou des remises et de l'assurance prospection portée par Bpifrance.

Au-delà des mesures nationales, c'est bien sûr au niveau européen que doit se porter le soutien le plus fort. Ainsi, à notre demande, l'Union européenne a déjà accordé diverses mesures de souplesse et de simplification des fonds de promotion. Mais la France, notamment par la voix de Didier Guillaume, continue de solliciter, lors de chaque Conseil européen de l'agriculture, la mise en place d'un mécanisme européen de compensation de pertes constatées, et demande la levée des barrières non tarifaires pour faciliter l'export vers d'autres pays tiers, notamment le Canada, le Japon et la Corée du Sud.

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Laurent, pour la réplique.

M. Daniel Laurent. Je vous remercie, madame la secrétaire d'État, de votre réponse, ainsi que des mesures de soutien à la filière. Certes, nous sommes favorables à la négociation. Pour autant, vous n'êtes pas sans savoir que, si on perd des marchés, on ne les retrouve pas toujours. Vous n'êtes pas non plus sans savoir combien pèsent, positivement, dans la balance du commerce extérieur, les vins et spiritueux.

Il est donc urgent de trouver une solution, faute de quoi la situation deviendra dramatique pour cette filière économique française.

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