Question de Mme CONWAY-MOURET Hélène (Français établis hors de France - SOCR) publiée le 24/10/2019

Mme Hélène Conway-Mouret attire l'attention de M. le secrétaire d'État, auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, sur les baisses budgétaires affectant son administration. En août 2018, le Premier ministre annonçait une baisse de 10 % de la masse salariale à l'étranger soit la suppression de 2 000 postes au sein du réseau français sur la période 2018-2022. Cela représente la plus grande économie jamais imposée au quai d'Orsay et affecte considérablement les services publics dédiés à nos compatriotes déjà touchés depuis plusieurs décennies par les demandes d'économie. La réforme appelée « action publique 2022 » consiste à donner à l'ambassadeur les moyens de gérer son ambassade et à le placer au coeur de l'organisation interministérielle de l'État dans sa projection internationale. Les chefs de postes du réseau diplomatique français ont ainsi été saisis afin de faire des propositions de réorganisation du personnel à l'administration centrale. Malheureusement celles-ci n'ont pas toujours été retenues.

Par exemple au Brésil, la suppression du poste de chargé des affaires sociales à l'ambassade qui veille à la bonne application de la convention sur les pensions de retraite, pose de nombreux problèmes. Les retraités ont en effet le plus grand mal à percevoir leur pension de la part des autorités brésiliennes qui comprennent mal le fonctionnement français et n'obtiennent parfois que très tardivement voire une année plus tard la libération des paiements autorisés par la caisse nationale d'assurance vieillesse (CNAV).

La dématérialisation laisse croire à tort à ceux qui imposent des économies au ministère de l'Europe et des affaires étrangères (MEAE) qu'elle peut compenser les suppressions de poste du MEAE. Quand elle simplifie souvent la vie de nos compatriotes à l'étranger, elle ne peut être bénéfique que si elle est accompagnée de moyens humains. Le MEAE est et sera toujours un ministère de contact. Pour leurs démarches administratives, les citoyens français ont souvent du mal à identifier le bon interlocuteur et ont besoin d'être accompagnés face aux spécificités de leur dossier non par un écran mais par un agent formé, compétent et dont l'expérience leur apportera les réponses attendues.

Elle lui demande comment il compte accompagner la dématérialisation tout en préservant les services dédiés aux Français établis hors de France.

- page 5336


Réponse du Secrétariat d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargé des affaires européennes publiée le 04/12/2019

Réponse apportée en séance publique le 03/12/2019

Mme Hélène Conway-Mouret. Madame la secrétaire d'État, votre ministère est très profondément touché par les économies qui lui sont demandées. Vous me direz que ce n'est pas nouveau, et que votre budget est stabilisé pour l'année qui vient. Je ne vous fais pas les questions et les réponses, mais, si je précise ce point, c'est que nous avons débattu pas plus tard que vendredi dernier du budget de la mission « Action extérieure de l'État ».

Les coupes de 2017 ont considérablement affecté la qualité du service public rendu par nos consulats, déjà exsangues, à la suite de demandes récurrentes d'économies.

Les augmentations budgétaires annoncées ne nous replacent toujours pas au niveau du budget de 2016, et le manque à gagner est toujours de plusieurs millions d'euros sur chaque ligne budgétaire. Le Gouvernement a lancé la réforme dite Action publique 2022, dont je soutiens complètement le concept, qui consiste non seulement à demander à l'ambassadeur de gérer les moyens de son ambassade, mais à placer celui-ci au cœur de l'organisation interministérielle de l'État dans sa projection internationale.

Les chefs de postes ont ainsi été saisis afin qu'ils fassent des propositions à l'administration centrale en matière de réorganisation et de mutualisation du personnel, l'objectif étant de répartir sur l'ensemble des services les 81 nouvelles suppressions de postes, qui s'ajouteront aux 160 décidées l'année dernière, soit 241 suppressions de postes en deux ans.

Malgré le sérieux avec lequel les ambassadeurs se sont prêtés à l'exercice, il faut regretter que les propositions faites par les chefs de postes n'aient pas toujours été retenues et que d'autres décisions de suppression aient été prises, comme à Oslo ou à Moncton, sur lesquelles le ministre entend revenir – c'est heureux. Je me demande maintenant, néanmoins, sur quels postes diplomatiques les équivalents temps plein concernés seront récupérés.

Autre exemple de suppression malheureuse : celle du poste de chargé des affaires sociales à l'ambassade du Brésil, dont le titulaire veille à la bonne application de la convention sur les pensions de retraite. Cette suppression posera de graves problèmes ; les retraités n'obtiennent en effet que très tardivement, voire avec une année de retard, la libération des paiements autorisés par la Caisse nationale d'assurance vieillesse (CNAV).

Cela dit, je voudrais centrer ma question sur la dématérialisation. Il me semble que certains pensent, à tort, qu'elle peut compenser les suppressions de postes. Elle simplifie souvent la vie de nos compatriotes à l'étranger, mais ne peut être bénéfique que si elle est accompagnée de moyens humains.

Votre ministère est et sera toujours un ministère de contact. Pour leurs démarches administratives, les citoyens français ont besoin d'identifier le bon interlocuteur et d'être accompagnés, non par un écran, mais par un agent formé, compétent et dont l'expérience leur apportera les réponses attendues.

Le 28 septembre 2019, un décret précisant les modalités de mise en œuvre de l'expérimentation de la dématérialisation des actes de l'état civil était publié ; son application touchera l'ensemble de nos compatriotes résidant à l'étranger. Il me semble primordial, vu l'ampleur du changement, que des agents soient affectés au suivi de ces demandes administratives.

Madame la secrétaire d'État, comment allez-vous accompagner la dématérialisation tout en préservant la qualité des services rendus aux Français de passage ou établis hors de France, surtout dans les pays ou internet est peu accessible ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Amélie de Montchalin, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes. Madame la sénatrice, nous sommes tous invités à la fois à moderniser l'action publique et à faire en sorte que les services rendus aux citoyens soient adaptés à leurs besoins.

La dématérialisation d'une partie des activités consulaires n'est pas conçue pour remplacer et supprimer des emplois ni pour déshumaniser le service : elle est, nous semble-t-il, bénéfique tant aux usagers qu'aux agents.

Il s'agit là, en effet, d'une possibilité supplémentaire offerte aux usagers dans leurs relations avec les services consulaires, qui ne supprime pas l'accueil au guichet.

La possibilité de s'inscrire en ligne au registre des Français résidant à l'étranger a été utilisée par 31 % de nos compatriotes inscrits en 2018, et par 44 % d'entre eux pour les onze premiers mois de l'année 2019, ce qui représente autant de nouveaux inscrits au registre qui n'auraient certainement pas tous pris le temps de se déplacer ou de prendre un rendez-vous pour se faire connaître, sachant que beaucoup d'entre eux résident à plusieurs centaines de kilomètres du premier consulat. Or nous savons combien est importante une telle inscription, notamment dans les situations de crise.

Le vote électronique, qui sera proposé l'an prochain, en plus des bureaux de vote, à l'occasion des élections consulaires, est un progrès pour la représentation des Français de l'étranger ; il facilitera la participation aux élections. Quant à France-visas, ce site améliore la vie de l'usager, l'accès à l'information, le suivi des dossiers. Nous mettrons en place également, demain, le registre d'état civil électronique pour déclarer en ligne la naissance d'un enfant ou demander la transcription d'un acte d'état civil étranger. Pour avoir moi-même été inscrite plusieurs fois auprès de consulats à l'étranger, mon expérience me laisse penser qu'il y a là des démarches positives, qui faciliteront la vie quotidienne de nos concitoyens.

Pour les agents, ces projets sont également l'occasion de bénéficier d'outils rénovés. Nous le savons : l'activité augmente dans tous nos consulats, puisqu'elle a en gros, à l'échelle du globe, doublé depuis dix ans. La dématérialisation permet aux agents de faire face à des volumes croissants d'activité. La suppression de certaines étapes leur permet de se libérer de tâches fastidieuses, notamment de la gestion du papier, et de se recentrer sur ce qui fait leur véritable valeur ajoutée, en exerçant notamment une protection consulaire – vous avez parlé de l'action sociale, qui reste pour nous une priorité. Ainsi sera offert à nos compatriotes établis hors de France un service public de proximité plus humain.

En outre – je tiens à le rappeler –, nous exerçons des fonctions régaliennes ; et aucun système informatique ou d'intelligence artificielle ne prendra de décisions régaliennes. Nous aurons toujours besoin de l'expertise poussée de nos agents, ce qui veut dire que nous continuons à investir dans leur formation. Nous avons besoin d'étudier les dossiers ; ces dossiers, d'ailleurs, ne sont pas des dossiers, mais des vies humaines, des projets, qui, à ce titre, méritent d'avoir pour interlocuteur un autre être humain. Nous ne prendrons pas de décisions par algorithmes ; ni France-visas ni le registre d'état civil ne seront remplacés par des algorithmes.

Mme la présidente. Il faut conclure, madame la secrétaire d'État.

Mme Amélie de Montchalin, secrétaire d'État. Cette dématérialisation n'a donc aucune conséquence en termes d'effectifs ; elle en a, en revanche, sur la vie quotidienne de nos agents et des Français qui résident loin de nos frontières.

- page 17694

Page mise à jour le