Question de M. LECONTE Jean-Yves (Français établis hors de France - SOCR) publiée le 24/10/2019

Question posée en séance publique le 23/10/2019

M. Jean-Yves Leconte. « Je compte sur vous » : c'est ainsi, monsieur le ministre des affaires étrangères, qu'Emmanuel Macron, en septembre 2018, appelait le peuple macédonien à ratifier le difficile accord de Prespa. Le peuple macédonien l'a fait. Un an plus tard, la France refuse à ce pays l'ouverture de négociations d'adhésion à l'Union européenne.

Cette position française illustre un manque de confiance dans la force du projet européen. Elle retire à l'Union européenne une part significative de la crédibilité du processus d'élargissement, donc de son efficacité. Elle ouvre la porte, à nos frontières, à d'autres puissances, qui s'installent parce que nous sommes absents.

L'Europe reste un projet, une promesse d'être plus forts ensemble, plus efficacement, solidairement, en affirmant des droits individuels et sociaux. Voilà trente ans, nous avons vu la victoire de peuples européens combattant pour leur liberté et leur indépendance. Cette victoire a permis la réunification de l'Europe. Elle était aussi celle de Charles de Gaulle, de Willy Brandt, de François Mitterrand, qui n'avaient jamais accepté la division, la mise sous tutelle de l'Europe. Nous ne saurions aujourd'hui nous inscrire en rupture de cette vision !

Monsieur le ministre, l'incertitude sur le Brexit est certes inconfortable, mais une sortie qui gommerait des droits, casserait des règles essentielles à nos libertés, à nos économies, à nos droits sociaux et, vu d'Irlande, à la paix n'est pas acceptable.

L'Union européenne peut-elle refuser à Westminster, qui a tant inspiré la tradition parlementaire, un report permettant d'éviter un saut dans l'inconnu ? En le faisant, elle oublierait son rôle essentiel de protection des citoyens. Pourtant, la position française semble aujourd'hui se limiter à l'impatience de tourner la page du Brexit : ce n'est pas convenable.

Monsieur le ministre, l'action de la France en Europe vise-t-elle à renforcer une Europe des nations au service exclusif des États membres et de leurs égoïsmes ou une Europe souveraine au service de tous ses citoyens et protégeant leurs droits ? (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR. – Mme Joëlle Garriaud-Maylam applaudit également.)


Réponse du Secrétariat d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargé des affaires européennes publiée le 24/10/2019

Réponse apportée en séance publique le 23/10/2019

Mme Amélie de Montchalin, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes. Monsieur le sénateur Leconte, la politique européenne de la France – le Président de la République le démontre à chacune de ses interventions et au Conseil européen – vise à rendre l'Europe puissante, à lui permettre de peser, de porter une voix dans le monde : bref, pour reprendre votre terme, à la rendre souveraine.

Cette politique, c'est aussi l'engagement pris devant les citoyens français et européens d'obtenir des résultats concrets, que les projets européens deviennent réalité, pour que nos concitoyens, tous les cinq ans, puissent voter non sur des promesses, mais sur des résultats. C'est pour cela que la France a travaillé, qu'elle a mis beaucoup d'elle-même dans l'agenda stratégique de la Commission européenne et que nous avons essayé d'œuvrer, au Conseil européen, pour mettre en œuvre ce projet.

Nous assumons d'avoir un discours et une stratégie clairs sur le Brexit, parce que nous voulons faire cesser l'incertitude actuelle, extrêmement pénalisante pour des millions de citoyens et de familles : nous voulons les protéger contre cette incertitude qui mine aujourd'hui leurs projets.

C'est aussi pour cela que nous avons une position forte en matière d'élargissement, parce que nous voulons que toutes les étapes soient respectées, que les conditions posées voilà dix-huit mois soient respectées. Nous voulons que le processus de négociation soit plus utile, plus transparent, que les populations en bénéficient et stoppent leur émigration massive. Nous voulons une Union européenne qui fonctionne mieux, car, aujourd'hui, à 27 ou à 28, nos décisions sont lentes : nous voulons nous réformer avant de nous élargir. (Applaudissements sur des travées du groupe LaREM.)

M. Ladislas Poniatowski. Qu'est-ce que cela a à voir avec la question ?

Mme Amélie de Montchalin, secrétaire d'État. C'est pour cela, enfin, que nous assumons, avec la Commission européenne, un engagement fort en faveur d'un budget européen qui prenne à bras-le-corps l'enjeu climatique et la transformation de l'agriculture, pour une Europe qui fasse la différence, qui crée de la souveraineté et de la solidarité.

Nous assumons d'avoir une voix en Europe, de dire des choses fortes pour faire des choses fortes. Nous ne renoncerons pas à cette ambition, parce que nous pensons que le plus petit dominateur commun autour d'un consensus mou n'est pas une option. Nous voulons créer le consensus autour de notre ambition : voilà pourquoi le Président de la République, Jean-Yves Le Drian et moi-même défendons auprès de tous les États membres, sujet par sujet, l'ambition de créer de nouvelles majorités ! (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM. – Mme Véronique Guillotin applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour la réplique.

M. Jean-Yves Leconte. Madame la secrétaire d'État, si l'action de la France était conforme à ses paroles, crédible et comprise, nous n'aurions probablement pas eu à subir le camouflet du refus de la candidature de Sylvie Goulard à la Commission européenne… (M. François Patriat s'exclame.) Voilà pourquoi nous sommes inquiets à la veille de la finalisation du prochain cadre financier pluriannuel, qui devra, en particulier, préparer la transition écologique. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.)

- page 14435

Page mise à jour le