Question de M. KANNER Patrick (Nord - SOCR) publiée le 10/10/2019

M. Patrick Kanner attire l'attention de M. le Premier ministre sur le devenir de la mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (MIVILUDES).

De nombreuses informations convergentes lui font craindre une disparition pure et simple de la MIVILUDES. Cette disparition prendrait la forme d'une diminution conséquente du personnel affilié spécifiquement à la lutte contre les dérives sectaires et d'une absorption du personnel restant par différents services du ministère de l'intérieur.

Les nombreux acteurs associatifs qui l'ont saisi de ce sujet font état de mutations du phénomène sectaire en Frances ces dernières années qui rendent nécessaires une hausse des moyens et une réorganisation de la mission. Or, il regrette que les seules actions par lesquelles le Gouvernement se distingue en matière de lutte contre les phénomènes sectaires soient une baisse du budget alloué à la MIVILUDES, un non-remplacement de son président depuis plus d'un an et, pour finir, une éventuelle disparition de la mission dès janvier 2020.

Il rappelle que le nombre de groupe sectaire en France est estimé à 500, qu'il y a environ 500 000 adeptes et que le nombre d'enfants élevés dans un contexte sectaire est estimé entre 60 000 et 80 000. Mouvantes dans leurs formes, structurées à dimension internationales sous des masques parfois difficiles à repérer, les sectes, si elles sont moins visibles, sont de plus en plus présentes dans un contexte de recrudescence des mouvements ésotériques. Ces éléments de contexte lui font craindre que la destruction du modèle français de lutte contre les phénomènes sectaires qui allie l'existence de la MIVILUDES à une législation spécifique que constitue l'article 223-15-2 du code pénal n'aient des conséquences catastrophiques pour les personnes sous emprise sectaire, leur famille et plus globalement la société.

Pour contrecarrer la puissance des sectes, en particulier à l'échelle internationale, il serait nécessaire de renforcer la MIVILUDES avec plus de moyens humains et financiers. Si la décision de la disparition de la MIVILUDES était actée, les motivations relatives à cette décision, qu'elles soient d'ordre comptables ou idéologiques, méconnaîtraient fortement la réalité du terrain.

En conséquence, il souhaite connaître le réel devenir de la MIVILUDES.

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Réponse du Premier ministre publiée le 21/11/2019

Depuis 2002, la MIVILUDES joue un rôle essentiel d'analyse des phénomènes sectaires et de coordination de l'action préventive et répressive face aux dérives sectaires. Ce rôle est essentiel et le Gouvernement entend le confirmer. Le Gouvernement confirme l'importance accordée à la prévention et à la lutte contre les dérives sectaires, sous toutes leurs formes, et dans les différents secteurs d'activité et de la vie sociale au sein desquels celles-ci peuvent aujourd'hui se manifester : certaines formes religieuses mais aussi, par exemple, des dérives dans les domaines de la santé, de la formation, du développement personnel, etc. Il est possible, à la fois de garder un degré d'ambition inchangé en la matière, et de moderniser l'organisation administrative pour tenir compte des évolutions récentes. Une part de l'activité de la MIVILUDES pose aujourd'hui des questions de synergies et de partages de compétences avec d'autres organismes qui n'existaient pas en 2002, comme par exemple le secrétariat général du comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation (SG CIPDR). Par ailleurs, la Cour des comptes avait formulé en 2017 des observations sur l'organisation et le fonctionnement de la MIVILUDES. Elle suggérait déjà que le rattachement au ministère de l'intérieur permettrait d'en renforcer le caractère opérationnel. Dans ce contexte, le Gouvernement a décidé de rattacher la MIVILUDES au ministère de l'intérieur. Cette nouvelle organisation est envisagée pour le début de l'année 2020. Ce nouveau rattachement s'explique par trois raisons principales : rattachée au ministère de l'intérieur, la MIVILUDES pourra exercer ses missions en pleine articulation avec SG CIPDR : les champs d'intervention de ces deux organismes ne se recouvrent pas totalement mais ils ont pour important point commun la lutte contre les nouvelles formes de radicalité et certains phénomènes d'emprise et d'enfermement ; le ministère de l'intérieur a, traditionnellement, une vocation d'animation interministérielle dans ses champs de compétences ; cette nouvelle organisation ne compromet pas, au contraire, la bonne prise en compte de la variété des problématiques liées aux dérives sectaires ; il est de bonne administration que l'action publique relève des ministères : cela permet au Premier ministre et à ses services de se concentrer sur leur rôle d'impulsion, de coordination et d'arbitrage. La nouvelle organisation est donc respectueuse de la répartition des rôles au sein du Gouvernement. D'ici le début de l'année 2020, les modalités pratiques de ce nouveau rattachement seront précisées. Sur ce sujet, le Gouvernement considère évidemment qu'il n'est pas question de laisser se perdre un bilan de vingt ans d'action publique contre les dérives sectaires : la MIVILUDES continuera d'assurer son travail de recueil des signalements et d'identification de réponses appropriées. La nouvelle organisation préservera la bonne prise en compte de la spécificité des phénomènes sectaires.

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