Question de M. MARCHAND Frédéric (Nord - LaREM) publiée le 07/11/2019

M. Frédéric Marchand attire l'attention de M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères sur la fermeture annoncée du consulat de France à Moncton.
La fermeture du consulat de France à Moncton au Nouveau-Brunswick (Canada) est prévue pour 2022, à la fin du mandat de l'actuel consul.

Cette annonce, si elle en a surpris plus d'un, reste dans la continuité des mesures prises par le passé. En 2015, il y avait déjà eu une réduction d'effectifs, le consulat passant de sept à cinq employés.

Il s'agit d'alerter le Gouvernement des conséquences néfastes d'une telle mesure, tant pour les ressortissants de Saint-Pierre-et-Miquelon que pour la présence française en Acadie et dans la région des provinces atlantiques canadiennes.
Fermer ce consulat serait complètement contradictoire avec les impératifs économiques, mais aussi historiques et culturels, dans cette région spécifique de langue française.
En effet, l'organisation provinciale propre au Canada est source de grandes disparités administratives. Au-delà des questions liées à l'échelle géographique considérable, il est essentiel que la France maintienne une présence consulaire pleine et entière, dotée de toutes les compétences et des moyens correspondants, dans les provinces atlantiques canadiennes. La gestion à partir du consulat de France à Montréal a en effet déjà montré toutes ses limites.
De plus, à l'heure de la diplomatie économique et de l'entrée en vigueur de l'accord de libre-échange entre le Canada et l'Europe, cette décision semble incohérente .
Le consulat de France à Moncton fut créé à la demande du général de Gaule pour rétablir les liens abîmés lorsque la France avait laissé les Acadiens à leur sort lors du Grand Dérangement de 1755. Sa fermeture serait alors ressentie comme un second abandon de la France par les Acadiens, pays qu'ils appellent encore souvent « la mère patrie ».
Pour toutes ces raisons, il lui demande de bien vouloir tout mettre en œuvre pour maintenir, voire renforcer la présence consulaire de la France dans les provinces atlantiques canadiennes, qui est aujourd'hui basée à Moncton.

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Réponse du Secrétariat d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargé des affaires européennes publiée le 04/12/2019

Réponse apportée en séance publique le 03/12/2019

M. Frédéric Marchand. La France avait pris la décision de fermer son consulat dans les provinces de l'Atlantique du Canada en 2022. Au lendemain de la diffusion de cette décision, l'émotion était à son comble dans la communauté française, mais aussi et surtout dans toute la communauté acadienne.

En octobre 2018, le Président de la République affirmait pourtant aux représentants de 84 nations réunis à l'occasion du sommet de la francophonie, à Erevan, que « la francophonie sera une force dans la mondialisation » et qu'« il faudra utiliser tous les outils pour cela ».

Madame la secrétaire d'État, comment la France pouvait-elle prétendre vouloir être solidaire du fait français en Amérique du Nord et, d'un même mouvement, tourner le dos aux Acadiennes et aux Acadiens en imaginant fermer ce consulat ?

Le consulat général de France dans les provinces de l'Atlantique est un outil formidable de création de richesses. Son impact a été grand, en Acadie, depuis son ouverture. Sa présence a permis de confirmer le caractère privilégié des relations entre le peuple acadien et le gouvernement français et a été à l'origine, comme vous l'avez dit, du développement de plusieurs ententes de coopération entre la France et l'Acadie.

Ce consulat a également facilité de nombreuses initiatives entre l'Acadie et la France : partage d'expertise, développement de liens économiques, mobilité des jeunes, avec la mise en œuvre de bourses, développement d'ententes entre institutions postsecondaires, mobilité et promotion d'artistes.

Le consulat est aussi un acteur clé dans le développement des relations triangulaires entre la France, l'Acadie et le Québec, tant sur le plan économique que sur le plan culturel.

Alors qu'une vingtaine de collectivités françaises entendent renouveler leurs jumelages existants avec des communautés acadiennes ou travaillent à en faire naître de nouveaux, alors que de nouvelles perspectives d'échanges apparaissent, la pertinence de cette présence consulaire est plus qu'avérée.

Si le consulat était appelé à fermer ses portes, le flux d'immigration française dans les provinces de l'Atlantique risquerait également de décliner, au moment où chacun voudrait le voir augmenter.

Les acteurs politiques, économiques, associatifs des provinces atlantiques ont donc décrété la mobilisation générale pour appeler la France à revenir sur cette décision qui aurait eu des conséquences catastrophiques et aurait été vécue comme un nouvel abandon après le tragique épisode de 1755.

Prix Goncourt 1979, Antonine Maillet a pris la plume pour rappeler au Président de la République « la ferme volonté d'une communauté de poursuivre la lutte qui dure depuis quatre siècles pour garder vivant l'un des fleurons de la France doublement millénaire transplanté en Amérique ».

Madame la secrétaire d'État, l'appel de tout un peuple pour qui l'amour de la France transcende tous les clivages a été entendu, et nous pouvons, collectivement, nous en réjouir.

Vous avez confirmé cette décision annoncée ici même par M. le ministre des affaires étrangères. Mais pouvez-vous préciser les intentions de la France, là où il s'agit de donner un nouvel élan à la coopération avec les provinces canadiennes atlantiques et de réaffirmer le lien étroit de notre pays avec l'Acadie ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Amélie de Montchalin, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes. Monsieur le sénateur, s'agissant du consulat lui-même, j'ai déjà pu en parler avec votre collègue – nous maintenons cette présence.

Je tiens à dire que les consulats ont des rôles multiples. Ils peuvent avoir un rôle d'enregistrement des actes d'état civil, ou un rôle de proximité auprès d'une communauté française importante ; leur rôle est parfois culturel, parfois économique, parfois scientifique. Il nous importe avant tout de définir quels sont les besoins et quelle forme doit prendre la présence de la France, l'objectif étant qu'elle soit la meilleure possible.

Vous m'interrogez également sur les relations que nous cherchons à tisser avec l'Acadie et les Acadiens, ce peuple bilingue très attaché à la francophonie, avec lequel nous avons, depuis des siècles – vous l'avez rappel頖, une relation très privilégiée.

Que cherchent à faire le Président de la République et le ministre des affaires étrangères, avec les ambassadeurs et tous ceux qui portent la voix de la France à l'étranger et la représentent ? Nous devons soutenir ceux qui veulent se rapprocher de la France. Les provinces dont il est question ont à affronter des enjeux majeurs : protection de l'océan, du climat, de la biodiversité. Notre agenda diplomatique sur ces sujets est très clair et très affirmé. Il y a donc là des domaines de partenariat naturels sur lesquels nous pourrons progresser ensemble.

La Société nationale d'Acadie est, quant à elle, également très active ici, en France. Nous avons en commun une palette d'ambitions, et la feuille de route que nous partageons, autour de la promotion de la francophonie notamment, porte de nombreux fruits. Nous pourrons évidemment la compléter. Sur les grands sujets que j'ai rappelés – climat, protection des océans, protection de la biodiversit頖, nous avons des choses potentiellement nouvelles à construire ; l'agenda économique et l'agenda de mobilité ne sont pas tout. Ces grands sujets ont très fortement partie liée avec ce peuple, ses engagements, son histoire.

De ce point de vue, il est aussi extrêmement important de renforcer les liens avec Saint-Pierre-et-Miquelon, ce petit bout de France présent aux portes de l'Acadie – les relations qu'entretient ce territoire français situé à des milliers de kilomètres de chez nous avec cette région du Canada sont des relations de proximité et même de voisinage.

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