Question de M. MASSON Jean Louis (Moselle - NI) publiée le 28/11/2019

M. Jean Louis Masson attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur le fait que le mode de scrutin pour l'élection des conseillers départementaux (ex conseillers généraux) a été modifié et que les cantons ont été redécoupés. Le système actuel avec des binômes homme-femme présente de nombreux inconvénients car il arrive qu'il n'y ait plus d'entente au sein du binôme, les rapports devenant alors conflictuels. Par ailleurs, le redécoupage des cantons a été arbitraire et ceux-ci n'ont plus aucune cohérence territoriale. Il lui demande donc s'il serait possible d'instaurer pour les élections départementales un mode de scrutin proportionnel avec prime majoritaire. Cela pourrait d'ailleurs faciliter par la suite des rapprochements conduisant à terme au rétablissement du conseiller territorial, exerçant à la fois les fonctions de conseiller départemental et de conseiller régional. Une loi en ce sens avait été proposée en 2003 et votée par le Parlement, mais le gouvernement suivant l'avait malheureusement abrogée avant qu'elle ait été appliquée.

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Réponse du Secrétariat d'État auprès du ministre de l'intérieur publiée le 04/12/2019

Réponse apportée en séance publique le 03/12/2019

M. Jean Louis Masson. Le mode d'élection des conseillers généraux, rebaptisés « départementaux », a été modifié avant le renouvellement de 2015. Or le nouveau système, qui comprend des binômes homme-femme, présente de nombreux inconvénients.

D'une part, il arrive souvent qu'au sein d'un binôme les rapports soient très conflictuels. D'autre part, le redécoupage des cantons a été arbitraire et ceux-ci n'ont plus aucune cohérence territoriale. Enfin, ce mode de scrutin doublement majoritaire est encore plus incompatible que le précédent avec un minimum de représentation du pluralisme politique.

Afin de remédier à ces problèmes tout en garantissant des majorités de gestion, ne serait-il pas possible d'instaurer pour les élections départementales un mode de scrutin proportionnel avec prime majoritaire ?

Cela pourrait ensuite faciliter des rapprochements conduisant, à terme, au rétablissement du conseiller territorial, exerçant à la fois les fonctions de conseiller départemental et celles de conseiller régional.

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Laurent Nunez, secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur. Monsieur le sénateur, la loi du 17 mai 2013 relative à l'élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des conseillers communautaires, et modifiant le calendrier électoral a modifié le mode de scrutin pour l'élection des conseillers départementaux en instaurant un scrutin binominal paritaire majoritaire à deux tours, afin, d'une part, de conserver le lien étroit entre l'élu et son territoire, et, d'autre part, de favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux fonctions électives.

La part des femmes siégeant au sein des conseils départementaux est ainsi passée de 13,5 %, en 2013, à 50 %, lors du renouvellement général de mars 2015.

Le scrutin binominal ne lie les candidats qu'au moment de leur élection. Une fois élu, chacun des membres du binôme exerce son mandat de façon indépendante. Une mésentente n'affecte donc pas le fonctionnement du conseil départemental.

Le redécoupage de l'ensemble des cantons a obéi à des critères démographiques, seuls garants de l'égalité de la représentation des citoyens. Les quelques dérogations au respect de l'équilibre démographique entre les cantons d'un même département ont été justifiées par un motif d'intérêt général, en respectant la jurisprudence du Conseil constitutionnel et du Conseil d'État. Ce redécoupage n'a nullement revêtu le moindre caractère arbitraire ; du reste, plus de 2 600 recours ont été déposés pour contester les décrets de 2014 délimitant les nouveaux cantons et aucun d'eux n'a prospéré.

Vous souhaitez savoir si les conseillers départementaux pourraient être élus au scrutin proportionnel avec une prime majoritaire. Après de nombreuses discussions, en 2013, le choix de la lisibilité du mode de scrutin pour l'ensemble des électeurs l'a emporté, au travers du maintien d'un mode de scrutin majoritaire dans le cadre d'un canton.

Quant au rétablissement du conseiller territorial, que vous avez d'ailleurs proposé dans le cadre d'une proposition de loi déposée en 2019, il pose trois difficultés majeures.

D'abord, le cadre cantonal permet d'instaurer un lien avec la population qui n'est pas aussi étroit lorsque le scrutin est proportionnel.

Ensuite, du point de vue de la gouvernance, une élection des conseillers territoriaux à la proportionnelle avec attribution d'une prime majoritaire à l'échelle départementale ne garantirait nullement l'émergence d'une majorité au conseil régional, ce qui ferait courir un risque important de blocage institutionnel.

Enfin et surtout, pour respecter l'égalité démographique entre les départements au sein de chaque région, désormais plus vaste, le nombre de conseillers territoriaux à élire pourrait rendre certaines assemblées pléthoriques.

Pour ces raisons, le Gouvernement ne souhaite pas engager de réflexion relative au rétablissement du conseiller territorial.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Louis Masson, pour la réplique.

M. Jean Louis Masson. Monsieur le secrétaire d'État, le président Macron a annoncé qu'il voulait instaurer une dose de proportionnelle pour l'élection des députés, en soulignant que le mode de scrutin uninominal majoritaire était une distorsion inacceptable par rapport à la légitime représentation démocratique des suffrages.

Or, en l'occurrence, il s'agit non pas d'un suffrage majoritaire uninominal, mais d'un suffrage majoritaire binominal, ce qui veut dire que c'est deux fois plus injuste pour l'expression du pluralisme politique.

Par ailleurs, permettez-moi de ne pas partager votre point de vue sur la cohérence des découpages des cantons. Vous le savez très bien, le Conseil d'État ne s'est prononcé que sur l'équilibre démographique du découpage, non sur les problèmes de charcutage. Certains cantons sont démesurément étirés et n'ont aucune cohérence territoriale. La seule justification de ce scrutin par grands cantons avec binômes résiderait dans la représentation des territoires.

Or il n'y en a plus, monsieur le secrétaire d'État ! Tout a été fait pour satisfaire des arbitrages politiques, ce qui est de bonne guerre – le gouvernement de M. Sarkozy avait fait pire au moment des législatives –, mais il n'y a plus aucune cohérence territoriale des cantons, c'est incontestable. Dès lors, il n'y a plus de raison de garder ce mode de scrutin. La seule justification de celui-ci réside dans la représentation des territoires, mais, je le répète, les cantons ne sont plus des territoires ; ce sont des sortes de magmas étirés, des moutons non pas à cinq, mais à neuf pattes.

Il faudrait, monsieur le secrétaire d'État, que, dans la cohérence de ce qu'a dit le président Macron…

Mme la présidente. Il faut conclure, monsieur Masson.

M. Jean Louis Masson. … sur la représentation démocratique…

Mme la présidente. Monsieur Masson !

M. Jean Louis Masson. … au travers du scrutin majoritaire,…

Mme la présidente. Il faut conclure !

M. Jean Louis Masson. … vous envisagiez cette question.

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