Question de Mme SCHILLINGER Patricia (Haut-Rhin - LaREM) publiée le 28/11/2019

Mme Patricia Schillinger attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur la situation des demandeurs d'asile et, plus particulièrement sur les inquiétudes que suscite la modification du moyen de paiement mis à leur disposition.

En effet, pour disposer de leur allocation, les demandeurs disposent en effet d'une carte d'allocation pour demandeur d'asile (ADA). Alors qu'il s'agissait initialement d'une simple carte de retrait, il a été décidé de la remplacer par une carte n'exécutant que les fonctions dématérialisées de paiement sans possibilité de retrait.

Différentes associations rapportent que ce type de carte est totalement inadapté à ce public. Ne disposant que de peu de ressources, les demandeurs d'asile se procurent de nombreux biens et services auprès de ces associations qui ne disposent pas de terminaux de paiement électronique. Par ailleurs, pour les demandeurs d'asile accueillis en zone rurale, comme à Ferrette, petite ville située dans le département du Haut-Rhin, il est difficile de trouver des commerces où il est possible de régler par carte bancaire, ou alors seulement au-delà d'un certain montant, incompatible avec les faibles ressources dont disposent les demandeurs d'asile.

Aussi, les associations craignent qu'à terme cette mesure ne pousse les demandeurs d'asile vers la mendicité, voire la délinquance et ne nuise en définitive à la paix sociale et à un vivre-ensemble déjà fragiles.

En conséquence, elle lui demande s'il est prêt à envisager la possibilité de laisser aux demandeurs d'asile la possibilité de disposer d'au moins une partie de leur allocation sous forme de liquidités et ce afin de préserver les solidarités fragiles durement construites au sein des territoires.

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Réponse du Secrétariat d'État auprès du ministre de l'intérieur publiée le 27/05/2020

Réponse apportée en séance publique le 26/05/2020

M. le président. La parole est à Mme Patricia Schillinger, auteur de la question n° 1020, adressée à M. le ministre de l'intérieur.

Mme Patricia Schillinger. J'attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur la modification du moyen de paiement des demandeurs d'asile et ses conséquences sur la couverture de leurs besoins de base.

Depuis le 5 novembre 2019, la carte ADA, qui permet aux demandeurs d'asile de bénéficier de l'allocation pour demandeur d'asile (ADA), est devenue une simple carte de paiement sans possibilité de retrait d'argent liquide ni d'achat en ligne.

Selon différentes associations, cette nouvelle carte est totalement inadaptée à la situation des demandeurs d'asile. Privés de liquidités, ils verraient se multiplier de nombreux obstacles, et ce plus particulièrement en zone rurale, comme à Ferrette, dans le département du Haut-Rhin.

En effet, il n'est pas toujours aisé de trouver des commerces où il est possible de régler par carte bancaire, ou sinon seulement au-delà de montants incompatibles avec les faibles ressources dont disposent les demandeurs d'asile.

De nombreux commerces de proximité tels que les boulangeries, La Poste, les transports, mais aussi les cantines scolaires leur sont ainsi rendus inaccessibles.

Leur accès au réseau solidaire et d'entraide est également fragilisé, puisque ces acteurs ne sont généralement pas équipés de terminaux de paiement électronique.

Le mécanisme du cashback, censé pallier le défaut d'accès à des liquidités, semble, lui, ne pas fonctionner, et, quand il fonctionne, il produirait des effets stigmatisants.

La Commission nationale consultative des droits de l'homme considère que le fait de ne pas permettre aux demandeurs d'asile de disposer librement des ressources qui leur sont allouées porte atteinte à leur dignité. Elle rappelle que l'État doit leur assurer un niveau de vie digne qui garantisse leur subsistance et protège leur santé physique et mentale.

En conséquence, quelles mesures envisagez-vous pour permettre aux demandeurs d'asile de disposer d'un minimum de liquidités et préserver ainsi les solidarités fragiles durement construites au sein des territoires ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Laurent Nunez, secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur. Madame la sénatrice, la mise en place d'une carte de paiement permet, en limitant la circulation d'argent liquide, d'éviter que l'allocation pour demandeur d'asile serve à d'autres fins que celles d'assurer des conditions de vie décentes aux demandeurs d'asile. C'était bien l'objet de cette carte de paiement lorsqu'elle a été mise en place.

D'ailleurs, avant sa généralisation au territoire métropolitain, cette mesure a fait l'objet d'une expérimentation durant plusieurs mois en Guyane. Aucune difficulté majeure n'a été relevée. Les retours, en particulier ceux des acteurs économiques, ont été positifs et ont montré que la mise en place d'une carte de paiement en lieu et place d'une carte de retrait ne dégradait en rien les conditions de vie des demandeurs d'asile.

Dans le cas de Ferrette, la localité que vous évoquez, je tiens à vous informer que le gestionnaire des deux structures d'hébergement pour demandeur d'asile implantées localement s'est engagé à équiper ses résidences de terminaux de paiement, les fameux TPE.

En outre, un aménagement important du dispositif a été consenti avec le déplafonnement total du nombre de transactions autorisées. De la sorte, quel que soit le montant de leur transaction, les demandeurs d'asile peuvent continuer à acheter leurs produits de première nécessité dans les supermarchés et les commerces dotés de TPE.

Le bilan réalisé par l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a d'ailleurs confirmé la possibilité pour les demandeurs d'asile de procéder à de petits achats avec une carte 100 % paiement, 44 % des transactions ayant ainsi porté sur un montant inférieur à 10 euros en novembre 2019.

De la même manière, alors que les associations craignaient que les demandeurs d'asile hébergés dans des zones rurales moins bien pourvues en commerces ne puissent disposer librement de leur allocation, il ressort de ce bilan que la carte de paiement a été largement utilisée sur l'ensemble du territoire métropolitain, selon une répartition régionale correspondant à celle des allocataires.

La mise en œuvre de cette mesure continuera de faire l'objet d'un suivi attentif par mes services – je puis vous rassurer, madame la sénatrice –, en lien évidemment avec les associations accompagnant les demandeurs d'asile.

Nous veillerons, le cas échéant, à adapter le dispositif de façon à résoudre les difficultés concrètes qui seraient avérées.

M. le président. La parole est à Mme Patricia Schillinger, pour la réplique.

Mme Patricia Schillinger. Monsieur le secrétaire d'État, je vous remercie.

Ferrette est une petite commune rurale qui accueille quand même plus d'une centaine de demandeurs d'asile. Il est donc important qu'on les suive, et je reviendrai vers vous à ce sujet. Après le Covid-19, on ne sait pas vraiment quels commerces de proximité seront encore présents sur ce territoire. En outre, pour les associations, il s'agit de faciliter l'encadrement des demandeurs d'asile.

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