Question de M. MARIE Didier (Seine-Maritime - SOCR) publiée le 05/12/2019

M. Didier Marie souhaite rappeler l'attention de Mme la ministre des solidarités et de la santé sur la situation particulièrement préoccupante dans laquelle se trouve le centre hospitalier du Rouvray à Sotteville-lès-Rouen depuis 2018. Cela fait déjà des semaines que la contrôleure des lieux de privation de liberté a adressé au Gouvernement ses recommandations après avoir constaté une violation grave des droits fondamentaux des personnes dans le centre hospitalier du Rouvray. Elle attend, tout comme les patients, les familles, et les élus une réponse.

Ce centre hospitalier vit une période de crise durable qui ne cesse de s'aggraver à tous les points de vue.

Tout d'abord les locaux d'hospitalisation ne sont plus capables de permettre un accueil digne des personnes. L'occupation des lits dépasse largement la capacité de l'établissement. Ainsi certains patients se retrouvent à dormir dans la salle de visite des familles ou dans des bureaux, d'autres sont obligés de cohabiter dans des chambres très exiguës à un nombre trois fois plus élevé que l'unité prévue. Parallèlement les conditions matérielles d'habitation sont déplorables : absence systématique de lunettes sur les cuvettes des toilettes, pas de sanitaires individuels dans les chambres de plus de trois unités, présence de sceaux hygiéniques constatée dans certaines chambres… Les patients n'ont pas d'intimité : absence de serrure aux portes des chambres, porte avec des fenêtres transparentes, absence de fermeture des placards…
En deuxième lieu, la liberté fondamentale d'aller et venir des patients est constamment bafouée. La libre circulation des patients en soins libres est soumise à la disponibilité des soignants, ils donc sont très souvent contraints à un enfermement injustifiable. Les patients en soins sans consentement sont privés de leurs droits ipso facto bien que les textes indiquent que toute restriction individuelle doit être décidée en fonction de l'état clinique, après évaluation médicale du patient. Devant de telles offenses aux libertés fondamentales, il est inutile de mentionner qu'aucune activité n'est organisée par les soignants laissant alors régner l'ennui et le désœuvrement.
Troisièmement, les pratiques d'isolement sont complètements illégales, l'isolement doit constituer une pratique de dernier recours : or, dans de nombreux cas la contention est la règle et la liberté l'exception. Les conditions de rétention des patients sont particulièrement avilissantes : sans accès aux sanitaires les patients sont contraints de respirer l'air vicié par leurs propres excréments contenu dans le sceau hygiénique dans leur chambre, sans accès aux personnels soignants, ils sont condamnés à se blesser physiquement en frappant à la porte autant de temps que nécessaire…
Quatrièmement, les patients sont délaissés de leur statut d'hospitalisation et de leurs droits. Ils ne disposent d'aucune information de la part des soignants sur l'offre de soins et les conditions de vie pendant leurs séjours.
Enfin, et il faut y insister : les droits des enfants sont foulés au pied consciemment et cette situation ne peut plus durer. Il n'est pas explicable que des enfants de moins de 12 ans soient enfermés dans la même chambre que des adultes. Selon le rapport de la contrôleure, ces enfants ont pu être violentés, parfois en rapport avec la consommation de stupéfiants, ou encore victimes de sévices sexuelles…
Cette situation est inadmissible et injustifiable. Les plaintes et les patients en souffrance ne peuvent plus être ignorés. Il est de la responsabilité du Gouvernement d'agir. Il lui demande ainsi comment elle entend restaurer une situation d'accueil des patients digne.

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Réponse du Secrétariat d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé publiée le 15/01/2020

Réponse apportée en séance publique le 14/01/2020

Mme Marie-Françoise Perol-Dumont. Avant de commencer, madame la présidente, je me permets de préciser que, si M. Didier Marie est absent, c'est parce qu'il est retenu dans les transports.

Je le remplace donc au débotté pour poser une question à laquelle il est très attaché. Elle porte sur la situation particulièrement préoccupante dans laquelle se trouve le centre hospitalier du Rouvray à Sotteville-lès-Rouen depuis 2018.

Ce centre hospitalier vit effectivement une période de crise durable qui ne cesse de s'aggraver à tous les points de vue.

Tout d'abord, les locaux ne permettent plus d'assurer un accueil digne des personnes. L'occupation des lits dépasse largement la capacité de l'établissement. Ainsi, certains patients se retrouvent à dormir dans la salle de visite des familles ou dans des bureaux ; d'autres sont obligés de cohabiter dans des chambres très exiguës, le nombre de patients étant parfois trois fois plus élevé que l'unité prévue.

Parallèlement, les conditions matérielles d'habitation sont déplorables : absence systématique de lunettes sur les cuvettes des toilettes, pas de sanitaires individuels. Les patients n'ont pas d'intimité : absence de serrure aux portes des chambres, portes avec des fenêtres transparentes, pas de dispositif de fermeture des placards.

Par ailleurs, la liberté fondamentale d'aller et venir des patients est bafouée. La libre circulation des patients en soins libres dépend de la disponibilité des soignants : ils sont donc très souvent soumis à un enfermement injustifiable. Les patients en soins sans consentement sont privés de leurs droits ipso facto, bien que les textes prévoient que toute restriction individuelle doit être décidée en fonction de l'état clinique du patient, après évaluation médicale.

En outre, les pratiques d'isolement sont complètement illégales. L'isolement doit être une procédure de dernier recours. Or, dans de nombreux cas, la contention est la règle, et la liberté l'exception. Les conditions de rétention de ces patients sont particulièrement avilissantes : sans accès aux sanitaires, vous imaginez comment les choses se passent ! Sans accès aux personnels soignants, ils sont condamnés à se blesser physiquement en frappant à la porte autant de temps que nécessaire.

Les patients sont également dessaisis de leur statut d'hospitalisation et de leurs droits. Ils ne disposent d'aucune information de la part des soignants sur l'offre de soins et les conditions de vie pendant leur séjour.

Enfin, il faut y insister, les droits des enfants sont constamment et consciemment foulés au pied. Cette situation ne peut plus durer. Il est incompréhensible que des enfants de moins de 12 ans soient enfermés dans la même chambre que des adultes. Selon le rapport de la contrôleure générale des lieux de privation de liberté, ces enfants ont pu être violentés, parfois sous l'emprise de stupéfiants, ou encore victimes de sévices sexuels.

Cette situation est inadmissible et injustifiable. Les plaintes et les patients en souffrance ne peuvent plus être ignorés. Il est de la responsabilité du Gouvernement d'agir. Aussi, madame la secrétaire d'État, M. Marie vous demande comment le Gouvernement entend-il restaurer une situation d'accueil des patients digne de ce nom.

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé. Madame la sénatrice, cette visite de la contrôleure générale des lieux de privation de liberté s'est déroulée dix-huit mois après le conflit social intervenu en 2018.

Comme vous le savez, le protocole d'accord signé entre la direction et les syndicats en juin 2018 prévoyait la création en priorité de trente nouveaux postes de soignants, dont le déploiement était prévu sur une année. La création de ces postes a fait l'objet d'un accord de financement intégral avec l'ARS Normandie pour un montant de 1,35 million d'euros.

Conformément au protocole, les crédits correspondant aux vingt premiers postes ont été délégués et les recrutements intégralement effectués entre juin 2018 et juin 2019. L'ARS a délégué les crédits relatifs aux dix derniers postes en octobre 2019. Les professionnels concernés sont en cours de recrutement.

Au-delà de ces moyens supplémentaires, le protocole prévoyait également la mobilisation des équipes médicale et soignante pour formaliser des projets en vue de l'amélioration des prises en charge.

Ainsi, le projet de création d'une unité dédiée à la prise en charge des adolescents a été transmis par l'établissement à l'ARS au début du mois d'octobre 2019. Cette unité devrait voir le jour dans des locaux adaptés et rénovés en novembre 2020, à l'issue des travaux nécessaires à son installation.

Dès la communication des recommandations de la contrôleure générale des lieux de privation de liberté, une réunion de travail entre le directoire de l'établissement et l'ARS s'est tenue. Elle a permis d'identifier les premières actions à mettre en œuvre en urgence.

Tout d'abord, il faut une accélération du plan de rénovation de l'établissement visant l'humanisation des conditions d'hébergement. Le plan actuel, prévu sur cinq ans, sera adapté pour permettre sa mise en œuvre complète d'ici à douze mois. Les surcoûts liés à la mise en place de ce plan feront l'objet d'un accompagnement budgétaire à hauteur de 1 million d'euros : ces crédits viennent d'être délégués par l'ARS.

Il faut également accélérer le déploiement de nouveaux dispositifs de réhabilitation psychosociale selon un calendrier à définir.

Enfin, il faut une actualisation du projet médical : l'établissement engagera dès le mois de janvier une révision de son projet médical avec l'appui d'un conseil extérieur, dans l'objectif de limiter strictement les restrictions à la libre circulation des patients à la mise en œuvre du traitement requis.

Soyez assurée, madame la sénatrice, que le ministère, comme l'ARS, suit avec beaucoup d'attention la situation de cet établissement et accordera les moyens nécessaires.

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