Question de Mme PEROL-DUMONT Marie-Françoise (Haute-Vienne - SOCR) publiée le 26/12/2019

Mme Marie-Françoise Perol-Dumont interroge Mme la secrétaire d'État, auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées sur les inquiétudes des associations représentantes des personnes en situation de handicap, dans la perspective de la création du revenu universel d'activité (RUA).
Elles considèrent qu'intégrer l'allocation aux adultes handicapés (AAH) dans le RUA est absolument contraire à la logique qui a présidée à la loi n° 75-534 du 30 juin 1975 d'orientation en faveur des personnes handicapées, qui tendait au contraire à détacher la question des ressources des personnes handicapées du contexte législatif de l'aide sociale du début du siècle, en visant à l'inscrire dans le cadre de la sécurité sociale.
Elle demande donc au Gouvernement comment il entend intégrer les légitimes demandes des personnes en situation de handicap.

- page 6312


Réponse du Secrétariat d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé publiée le 15/01/2020

Réponse apportée en séance publique le 14/01/2020

Mme Marie-Françoise Perol-Dumont. Madame la secrétaire d'État, la grande majorité des associations représentatives des personnes handicapées est très défavorable à l'intégration de l'allocation aux adultes handicapés (AAH) dans le revenu universel d'activité (RUA) annoncée par le Gouvernement.

Ces associations estiment à bon droit que l'AAH est non pas un minimum social, mais une prestation sociale liée à la reconnaissance d'une incapacité spécifique souvent, hélas, pérenne.

Intégrer l'AAH dans le RUA serait non seulement une remise en cause fondamentale des droits des handicapés et du cadre législatif acté en 1975 et en 2005, mais entraînerait de surcroît très vraisemblablement une dégradation des droits des bénéficiaires de cette prestation, alors même que, dans le cas d'une politique réellement inclusive, le montant actuel de l'AAH mériterait grandement d'être réévalué au regard des besoins des personnes handicapées.

Entendez-vous prendre en compte ces inquiétudes et renoncer à l'intégration de l'AAH dans le RUA ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé. Madame la sénatrice, je vous remercie de me donner l'occasion de m'exprimer sur cette question importante du revenu universel d'activité et de l'inscription de l'allocation aux adultes handicapés au sein des concertations ouvertes en juin dernier sur le revenu universel d'activité.

Ce minimum social, témoin de la solidarité nationale, a été très fortement revalorisé par le Gouvernement. Comme vous le savez, la hausse s'élève à plus de 11 %.

L'AAH étant un minimum social, elle fait logiquement partie de la réflexion sur le revenu universel d'activité, qui vise à simplifier le système de prestations sociales afin de renforcer sa cohérence, son accessibilité, son équité et sa lisibilité. Il a également pour objet de procurer systématiquement un gain lors de la reprise d'un emploi pour encourager le retour à l'activité.

Cette réforme fait l'objet d'une concertation institutionnelle et citoyenne afin de permettre une large consultation de l'ensemble des personnes intéressées. La concertation institutionnelle s'appuie sur différents collèges. Le 4 juillet dernier, Sophie Cluzel a lancé les travaux du collège thématique dédié aux personnes en situation de handicap. Ce n'est qu'à l'issue de cette concertation que le périmètre de la réforme sera arrêté. Aucune décision n'est donc prise concernant l'AAH.

L'objectif du revenu universel d'activité étant de lutter contre la pauvreté et de la faire reculer, le Gouvernement ne portera en conséquence aucune réforme qui pénaliserait les plus vulnérables.

Cependant, exclure de cette réflexion transversale à l'ensemble des bénéficiaires des minima sociaux le champ du handicap fermerait a priori le dialogue sur les questions de la pauvreté et de l'accompagnement des personnes en situation de handicap, privant notamment les jeunes d'un accompagnement vers l'activité.

Je rappelle que le revenu universel d'activité vise deux objectifs très clairs : l'accompagnement vers l'activité et l'assurance qu'une reprise d'activité se traduira par un gain. Il n'a pas vocation à précariser davantage ceux qui sont les plus fragiles et qui se trouveraient temporairement ou durablement très éloignés de l'emploi.

À cet égard, Sophie Cluzel et moi-même avons pris des engagements, notamment dans le cadre des concertations. Les allocataires de l'AAH ne s'inscrivent pas dans une conditionnalité de reprise d'activité. Le bénéfice du revenu universel d'activité ne sera donc pas attaché à une obligation de recherche et de reprise d'activité pour les personnes en situation de handicap.

Concernant l'accompagnement vers l'activité, un groupe de travail complémentaire est en cours depuis le début de l'année. Cette réforme tiendra compte évidemment de ces travaux. Je me suis également engagée à ce que l'ensemble de l'enveloppe allouée au handicap demeure consacré aux personnes en situation de handicap.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Françoise Perol-Dumont, pour la réplique.

Mme Marie-Françoise Perol-Dumont. Madame la secrétaire d'État, j'aimerais savoir chanter pour vous faire des gammes !

Non, l'AAH n'est pas un minimum social, c'est une prestation spécifique définie dans la loi de 1975 et dans celle de 2005, que je vous invite à relire !

Les bénéficiaires de l'AAH perçoivent cette allocation au regard de critères médicaux objectifs, qui établissent un taux d'incapacité les éloignant durablement de l'emploi, voire, hélas, très durablement pour beaucoup d'entre eux.

Vous n'ignorez pas que 20 % seulement des bénéficiaires de l'AAH travaillent, majoritairement dans des établissements et services d'aide par le travail, car ils ont besoin de ces structures.

La société inclusive dont le Gouvernement parle très souvent, madame la secrétaire d'État, ce n'est pas seulement une belle formule pour des effets de tribune. Une société inclusive, c'est une société qui s'adapte aux besoins spécifiques des personnes en situation de handicap que la vie n'a pas épargnées. Elle met en place pour chacune et pour chacun les mesures adaptées pour tendre vers l'équité. Telle n'est pas, à l'évidence, la philosophie du RUA. On verra d'ailleurs bien ce qu'il en adviendra.

Quoi qu'il en soit, je vous en conjure : l'AAH ne peut pas et ne doit pas disparaître au profit du RUA, car – je le répète – l'AAH n'est pas un minimum social !

- page 170

Page mise à jour le