Question de Mme HARRIBEY Laurence (Gironde - SOCR) publiée le 16/01/2020

Mme Laurence Harribey attire l'attention de Mme la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales sur les pouvoirs de police des maires dans les petites communes. L'augmentation des pouvoirs de police des maires issue de la loi n° 2019-1461 du 27 décembre 2019 relative à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique soulève des questions dans les petites communes. Sans les moyens financiers et humains nécessaires, les maires la perçoivent comme un accroissement de leurs responsabilités qu'ils ne sont pas matériellement en mesure d'assumer.

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Réponse du Ministère de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales – Collectivités territoriales publiée le 19/02/2020

Réponse apportée en séance publique le 18/02/2020

Mme Laurence Harribey. Monsieur le ministre, la loi du 27 décembre 2019 relative à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique vise notamment à raffermir les pouvoirs de police du maire et à développer les mutualisations entre intercommunalités et communes. À mon avis, cela va dans le bon sens.

Cependant, mes contacts et les réunions auxquelles je participe sur le terrain m'amènent à vous poser deux questions relatives aux petites communes.

Premièrement, en l'absence de moyens financiers et humains, les maires perçoivent une telle augmentation de leurs pouvoirs de police comme une forme d'injonction contradictoire. La mutualisation entre intercommunalités et communes ou les conventions entre communes sont un début de solution. Mais la mise en œuvre demeure quelque peu problématique s'agissant de la gouvernance, de la répartition des moyens et de la péréquation entre les communes ayant engagé des investissements et les autres. La mutualisation appelle une politique plus partagée. Cela renvoie à la question des compétences.

Deuxièmement, en matière de prévention de la délinquance – je pense en particulier à la petite délinquance, qui touche de plus en plus les communes rurales –, la réponse ne saurait résider dans la seule augmentation des pouvoirs de police ; il faut des moyens et une approche territoriale partagée. Or les élus soulignent un manque de coordination des différents acteurs à cet égard. Cela renvoie au problème de la coopération territoriale. Nous l'avons d'ailleurs évoqué hier lors de la réunion de concertation relative au futur texte « 3D » – décentralisation, différenciation et déconcentration.

Monsieur le ministre, quels moyens le Gouvernement compte-t-il mobiliser pour répondre aux préoccupations des élus locaux ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Sébastien Lecornu, ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé des collectivités territoriales. Madame la sénatrice, répondre à votre question en seulement deux minutes me semble un défi impossible à relever ; je me bornerai donc à évoquer quelques pistes, quitte à les affiner quelque peu au fur et à mesure des différents textes.

À mes yeux, la première question, avant même celle des moyens, était celle de la police administrative.

Toutes les consultations que nous avons menées dans le cadre du grand débat national ont montré que les élus étaient en demande, au-delà même des moyens, d'outils juridiques pour agir. À cet égard, le renforcement de la police administrative qui figure dans le texte Engagement et proximité constitue un bond en avant. C'est l'expression du respect des pouvoirs de police du maire en tant qu'agent de l'État dans la commune. Il n'y a rien de plus terrible pour un maire que de constater que l'un de ses arrêtés, par exemple en matière d'urbanisme, n'est pas respecté. Idem pour les débits de boisson ou les occupations du domaine public.

Nous le savons, dans les petites communes rurales, qui sont au cœur de votre question, l'enjeu, c'est le caractère exécutoire des décisions que le maire peut prendre. Telle est donc notre première piste ; elle est importante. Les amendes administratives ou les astreintes à 500 euros par jour en matière de droit de l'urbanisme sont des éléments extraordinairement novateurs.

La deuxième piste réside dans le transfert d'une partie des pouvoirs de police administrative du préfet vers les maires.

Là encore, c'est une innovation juridique importante. Il faudra l'évaluer et examiner combien d'élus du mandat 2020-2026 s'empareront de tels outils. Nous avons tout fait, notamment grâce au travail du Sénat, pour que les procédures soient les plus souples et les plus simples possible, par exemple avec l'envoi de courriers en recommandé avec accusé de réception s'agissant des mises en demeure ; je souhaite que l'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité puisse en relayer les modèles auprès de ses membres.

Comme vous l'avez souligné, pour rendre exécutoire la décision de police, il y a les moyens propres des collectivités territoriales. C'est toute la question – la terminologie est un peu trop technocratique à mon goût – du continuum de sécurité, avec la mutualisation des polices municipales. La loi Engagement et proximité permet des actions à l'échelon intercommunal. Pour autant, le maire n'est pas mis de côté : il doit rester l'autorité de police dans la commune. Il faudra aussi remettre les gardes champêtres au goût du jour. Je pense que des réponses pourront être apportées à cet égard.

Tout cela fera l'objet du Livre blanc sur la sécurité intérieure. Le ministre de l'intérieur, Christophe Castaner, et son secrétaire d'État, Laurent Nunez, seront amenés à répondre aux questions que vous soulevez dans le cadre d'un texte ad hoc dans les mois à venir.

Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Harribey, pour la réplique.

Mme Laurence Harribey. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse, à laquelle j'adhère sur le volet outils juridiques. Mais, comme vous le savez, les outils juridiques ne sont pas tout.

Essayons de mettre en place des formes de mutualisation et de coopération territoriales dans le cadre du travail qui sera mené avec Mme Gourault sur le futur texte 3D ; c'est là, me semble-t-il, que réside essentiellement la solution. Évitons l'approche hiérarchique et les mesures verticales. Essayons plutôt de favoriser des expérimentations territoriales avec l'ensemble des acteurs publics locaux. Je pense qu'il y a des innovations à trouver. La réunion que j'ai eue hier me l'a confirmé.

Je suis d'accord avec vous sur le fil conducteur. Mais allons plus loin dans l'expérimentation.

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