Question de M. LAURENT Pierre (Paris - CRCE) publiée le 09/01/2020

Question posée en séance publique le 08/01/2020

M. Pierre Laurent. Monsieur le président, mes chers collègues, madame la secrétaire d'État, l'engrenage militaire et guerrier tant redouté entre les États-Unis et l'Iran est désormais enclenché.

L'irresponsabilité de Donald Trump est immense. Après avoir torpillé l'accord sur le nucléaire iranien, il vient, avec l'assassinat ciblé du général Soleimani, de faire le choix délibéré d'attiser une nouvelle fois la guerre dans la région.

La riposte iranienne est la conséquence programmée de cette logique de guerre voulue par le président américain. Le feu vert donné à l'offensive turque en Syrie et peut-être très bientôt en Libye n'en était qu'un sinistre prélude…

La logique américaine est manifestement celle de la guerre sans fin au Moyen-Orient. Les guerres s'enchaînent depuis trente ans et aucun des conflits ne s'est réellement achevé sans que s'ouvre un nouveau front, augmentant sans cesse les destructions des sociétés.

De surcroît, cette logique vient de réussir le tour de force de ressouder la population derrière le régime autoritaire des mollahs en Iran, en reléguant au second plan les puissants mouvements de protestation populaire qui, en Irak, en Iran et au Liban, cherchent des voies de justice et de démocratie nouvelles.

La France, madame la secrétaire d'État, ne doit pas se laisser entraîner dans cette logique. La France ne peut pas s'en tenir à des déclarations appelant à la désescalade sans situer les responsabilités, sans condamner fermement l'initiative illégale prise par Trump, d'ailleurs largement condamnée aux États-Unis.

J'ai trois questions précises à vous poser, madame la secrétaire d'État.

Premièrement, la France exclut-elle réellement tout engagement militaire supplémentaire qui lui ferait emboîter le pas aux Américains ?

Deuxièmement, est-il exact que, dans les contacts au sein de l'OTAN et dans la conversation téléphonique entre le Président de la République et Donald Trump, la France ait assuré le président américain de son plein soutien dans cette affaire ?

Troisièmement, le Gouvernement – je m'adresse aussi au Premier ministre – est-il prêt, en tout état de cause, à titre exceptionnel et compte tenu de la gravité du moment présent, à saisir le Parlement d'une déclaration suivie d'un vote si la question se posait d'autoriser ou non un engagement supplémentaire des forces militaires françaises…


M. le président. Il faut conclure.


M. Pierre Laurent. … aux côtés des forces de l'OTAN ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.)


Réponse du Secrétariat d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargé des affaires européennes publiée le 09/01/2020

Réponse apportée en séance publique le 08/01/2020

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée des affaires européennes.

Mme Amélie de Montchalin, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes. Monsieur le sénateur Pierre Laurent, ce qui est en jeu aujourd'hui est bien, au fond, le résultat d'une mauvaise réaction iranienne à une mauvaise décision américaine de sortir de l'accord sur le nucléaire de 2015, le JCPoA, et d'imposer une logique de sanction maximale.

Je répète ici que nous ne soutenions pas cette décision américaine, qui date de mai 2018. Nous avons alerté la communauté internationale sur les risques que de mauvaises initiatives soient prises de part et d'autre. Nous avons d'ailleurs alerté, dès septembre 2017, sur le risque d'une escalade des tensions régionales et nous avons engagé des initiatives en faveur d'une nouvelle négociation globale qui préserve l'accord nucléaire et le complète par une négociation sur les missiles et la stabilité régionale.

On le sait, cette mauvaise réaction iranienne s'est d'abord traduite par des violations successives de l'accord nucléaire, aujourd'hui en danger, car il a été vidé de sa substance. Des actions de déstabilisation régionale ont également été conduites depuis six mois.

Ces mauvaises décisions mènent à la crise que nous connaissons aujourd'hui. Dans ce contexte, nous avons dit qu'il était inacceptable que des attaques soient conduites contre la coalition qui lutte contre Daech, et contre celle-ci seulement, car la poursuite de la lutte contre Daech est un impératif de sécurité pour nous, pour l'Irak et pour la stabilité régionale. C'est à l'endroit des partenaires de la coalition contre Daech que nous avons exprimé notre solidarité, parce que des emprises utilisées par cette coalition qui lutte contre le terrorisme ont été attaquées. C'est à ce titre et à ce titre seulement que nous sommes solidaires.

Je fais une distinction très claire avec l'action américaine contre le général Soleimani, qui n'est pas une action de la coalition contre Daech. Elle a été décidée sans consultation de la France par les États-Unis, sur la base de considérations de sécurité nationale. Il s'agit donc d'une initiative américaine, de la seule responsabilité des États-Unis.

La priorité absolue, monsieur le sénateur, n'est pas d'engager une nouvelle épreuve de force. Elle n'est pas d'entrer dans une logique d'escalade. Elle est bien d'appeler les démocraties, notamment nos partenaires européens, à la désescalade, à la retenue et à la responsabilité. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.)

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