Question de M. LAURENT Pierre (Paris - CRCE) publiée le 30/01/2020

M. Pierre Laurent attire l'attention de M. le secrétaire d'État, auprès de la ministre de la transition écologique et solidaire, chargé des transports sur le projet de transformation de la gare du Nord à Paris.
Dans cette gare la grande plate-forme transversale et le hall du transilien se sont, au cours des années, remplis de kiosques commerciaux qui compriment l'espace réservé aux voyageurs. Le nouveau projet de la SNCF, associé au groupe Auchan via sa filiale immobilière Ceetrus, cherche à capter commercialement les 200 millions d'usagers de la gare par an. Ce projet renforcerait cette commercialisation au détriment des usages de cette gare en créant un centre commercial de 20 000 m2. Avec un tel projet, l'accès direct aux quais pour les voyageurs franciliens, nationaux comme internationaux, tel qu'il se pratique aujourd'hui deviendrait beaucoup plus complexe. Les promoteurs ne cachent pas que les distances à parcourir se trouveraient allongées pour les voyageurs, ce qui implique que les temps d'accès aux transports publics seraient aussi augmentés.
Ce projet prévoit également de raser « les halles d'Hittorff » moins de vingt ans après leur construction, ce qui serait un gâchis financier et architectural.
Un tel projet irait à l'encontre également du rééquilibrage nécessaire des activités dans Paris et dans l'espace de la métropole du Grand Paris.
Il induirait des travaux pharaoniques sur l'axe ferroviaire Paris Nord qui subit déjà une très importante quantité de travaux dont ceux de l'inutile et nuisible Charles-de-Gaulle-express.
De nombreux acteurs et élus, dont la mairie de Paris, estiment que ce projet ne peut qu'avoir des conséquences négatives pour les usagers et estiment qu'il faut faire d'autres choix en vue de faire de cette gare du Nord un espace civilisé de mouvement et de rencontre. En outre, un rapport d'experts estime que ce projet « pose des problèmes majeurs en matière de congestion à l'intérieur et à l'extérieur de la gare, de sécurité des voyageurs, de surdensification du quartier, de programmation commerciale inadaptée, de détérioration des conditions pour les voyageurs du quotidien ».
C'est pourquoi il lui demande d'agir en faveur de l'arrêt de ce projet et d'un dialogue de tous les acteurs concernés, visant à mettre sur pied un projet pour satisfaire l'exigence légitime d'une amélioration de la mobilité au lieu de s'enferrer dans une logique surannée de mises en place de centres commerciaux qui ont pour seul objectif de satisfaire quelques intérêts privés au détriment de l'intérêt général.

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Transmise au Ministère auprès de la ministre de la transition écologique - Transports


Réponse du Ministère auprès de la ministre de la transition écologique - Logement publiée le 22/07/2020

Réponse apportée en séance publique le 21/07/2020

projet de transformation de la gare du nord à paris

M. le président. La parole est à M. Pierre Laurent, auteur de la question n° 1109, adressée à M. le ministre délégué auprès de la ministre de la transition écologique, chargé des transports.

M. Pierre Laurent. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le préfet d'Île-de-France a délivré début juillet le permis de construire pour le très controversé projet « Gare du Nord 2024 ».

Très éloigné du projet d'amélioration des mobilités qu'appelle l'intense trafic de cette gare, ce projet est purement financier et anti-écologique. La SNCF et, surtout, son associé le groupe Auchan, qui détient 66 % du projet via sa filiale immobilière Ceetrus, cherchent à capter commercialement 200 millions d'usagers annuels en transformant en centre commercial plus de 20 000 mètres carrés de la nouvelle gare au détriment des usagers.

Ce projet sera un gâchis du même acabit que l'inutile et nuisible Charles-de-Gaulle Express, allant à l'encontre du rééquilibrage nécessaire des activités dans Paris et dans l'espace de la métropole du Grand Paris.

Les commissaires enquêteurs qui ont approuvé le projet reconnaissent eux-mêmes que l'insertion urbaine et le trafic banlieue – rien que cela ! – sont maltraités par le projet. De nombreux acteurs et élus – le Comité des habitants Gare du Nord-La Chapelle, la mairie de Paris, un collectif de 19 architectes et urbanistes de renom – estiment négatives les conséquences du projet, pour les usagers comme pour les riverains.

D'autres choix sont appelés, et sont possibles, pour faire de la gare du Nord un espace civilisé de mouvement et de rencontres. La Ville de Paris a annoncé qu'elle allait engager des recours contre ce projet d'un autre temps, en contradiction avec les exigences de la transition écologique.

Madame la ministre, le Gouvernement compte-t-il retirer ce projet pour ouvrir la voie à une remise à plat, ou va-t-il s'entêter ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée auprès de la ministre de la transition écologique, chargée du logement. Monsieur le sénateur Pierre Laurent, je vous prie de bien vouloir excuser l'absence de Jean-Baptiste Djebbari, qui m'a chargée de vous répondre.

Je commencerai par rappeler deux points. Tout d'abord, ce projet répond à un véritable besoin, identifié, d'amélioration du trafic dans cette gare aujourd'hui saturée. Ensuite, il a fait l'objet d'une large concertation, qui va se poursuivre.

La première phase de cette concertation préalable a été menée par SNCF Gares & Connexions en juin et juillet 2017, une seconde phase, toujours organisée par la société Gare du Nord 2024, ayant eu lieu du 1er mars au 18 avril 2019, avant le dépôt du dossier de demande de permis de construire.

Le Conseil de Paris, qui a été consulté en juillet 2019, a validé ce projet. Celui-ci a été par la suite soumis, pour la partie portant création de surfaces commerciales, à la Commission nationale d'aménagement commercial, la CNAC, qui a, elle aussi, rendu un avis favorable en octobre 2019.

L'enquête publique sur ce projet de transformation s'est tenue entre le 20 novembre 2019 et le 8 janvier 2020. Au terme de cette enquête, la commission d'enquête a rendu un avis favorable le 25 février 2020.

Dans les réponses aux questions de la commission d'enquête, les porteurs de projet ont pris 13 engagements visant à assurer la meilleure intégration possible de la gare rénovée dans le quartier, avec notamment la création d'un important parking à vélos, le lancement d'études pour améliorer l'accès à la gare par le nord et la prise en compte du réaménagement du parking souterrain pour pouvoir libérer le parvis de la gare des dépose-minute, tout cela afin de rendre ce projet écologiquement exemplaire.

Conformément aux recommandations de la commission d'enquête publique, les discussions se sont encore poursuivies ces dernières semaines avec la Ville de Paris, sous l'égide du préfet de la région d'Île-de-France.

Dans la dernière version du projet, les surfaces des activités commerciales ne constituent nullement une entrave au fonctionnement de la gare. Leur proportion se situe strictement dans la moyenne des autres gares parisiennes réaménagées récemment. Par ailleurs, les commerces contribuent au financement des investissements dans l'ensemble de la gare, au bénéfice du confort des voyageurs.

Prenant acte de l'avis favorable de la commission d'enquête et des engagements de la société d'économie mixte à opération unique, la Semop, le préfet de la région d'Île-de-France a délivré à la société Gare du Nord 2024 le permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale sur le projet de transformation de la gare du Nord.

La délivrance de ce permis de construire est une nouvelle étape pour l'aménagement de la gare du Nord. Elle permettra à celle-ci de se situer au niveau des autres grandes gares européennes en termes tant d'équipements, d'accessibilité et d'intermodalité que de capacité.

Le lancement des travaux aura donc lieu. Nous veillerons à ce que les riverains, les usagers, les commerçants et les élus restent étroitement associés au déroulement de ceux-ci, notamment au sein du comité des parties prenantes qui sera mis en place pour limiter les nuisances et les désagréments.

M. le président. La parole est à M. Pierre Laurent, pour la réplique.

M. Pierre Laurent. Madame la ministre, vous vous entêtez manifestement sur ce projet.

Vous me répondez « projet ferroviaire », quand ce projet est piloté par le groupe Auchan, qui n'a rien, à ma connaissance, d'un groupe ferroviaire… Il s'agit donc à l'évidence d'un projet dominé par les exigences commerciales.

Contrairement à ce que vous avez affirmé, si la Ville de Paris a bien émis un avis favorable sur un projet de rénovation, elle est hostile au projet actuel, et l'a réaffirmé. Les engagements pris par les élus, qu'ils soient nouveaux dans cette fonction ou bien qu'ils aient été réélus, sont clairs à ce sujet.

Si vous vous entêtez, vous allez voir surgir une contestation grandissante contre ce projet au cœur de Paris, alors que les urgences en matière de transport ferroviaire et de rénovation de la gare sont, elles, extrêmement importantes – mais ce n'est pas ce projet qui permettra d'y répondre !

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