Question de M. MARIE Didier (Seine-Maritime - SOCR) publiée le 23/01/2020

Question posée en séance publique le 22/01/2020

M. Didier Marie. Monsieur le ministre de l'intérieur, vous avez voulu, par une circulaire aux préfets, dans un quasi-secret, rendre illisibles les résultats des élections municipales de mars prochain en modifiant le nuançage politique des listes.

Non seulement vous avez décidé de relever de 1 000 à 9 000 habitants le seuil de population des communes dans lesquelles l'administration appliquera une nuance politique, mais vous inventez une nouvelle classification et une nuance « divers centre », qui, je cite la circulaire, « sera attribuée aux listes qui auraient obtenu l'investiture d'En Marche ou du Modem, mais qui aura aussi vocation à être attribuée aux listes qui seront soutenues par ces partis », y compris quand elles ne l'auraient pas demandé, ainsi qu'aux listes dissidentes, faisant ainsi exception à la règle appliquée aux autres.

Après les candidats malgré eux de 2014, voilà les candidats soutenus malgré eux de 2020 !

Une belle manœuvre, monsieur le ministre, pour gonfler artificiellement les résultats de la majorité. Nous vous demandons donc solennellement de retirer cette circulaire bien peu conforme aux valeurs démocratiques de notre République. (Bravo ! et applaudissements sur les travées des groupes SOCR, CRCE et Les Républicains.)


Réponse du Ministère de l'intérieur publiée le 23/01/2020

Réponse apportée en séance publique le 22/01/2020

M. Christophe Castaner, ministre de l'intérieur. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur le sénateur, il n'y avait rien de secret notamment quand je me suis exprimé devant vous le 9 octobre dernier, à l'occasion de la séance des questions d'actualité au Gouvernement.

Précisément, en réponse au sénateur Maurey, j'ai abordé ce sujet et j'ai indiqué que nous allions revenir sur ce qui était contesté alors par nombre d'entre vous, ici, à savoir le nuançage d'office par les préfets, sans prendre l'attache des candidats qui étaient de fait « nuancés ».

Devant vous, j'avais évoqué comme objectif le seuil de 9 000 habitants, qui correspond à une réalité très précise : c'est celui à partir duquel sont obligatoires la désignation d'un mandataire financier et le dépôt de comptes de campagne, lesquels font l'objet d'un remboursement par l'État.

Ce seuil provient aussi du fait que, en 2014, quelque 82 % des candidats dans les communes de 1 000 à 9 000 habitants avaient été nuancés par les préfets au titre de « divers gauche », « divers droite » ou « divers ». C'est à partir de cette réalité que nous avons travaillé, ensemble.

En outre, vous avez continué, mesdames, messieurs les sénateurs, notamment en séance publique, le 15 octobre dernier, quand vous avez adopté un amendement, déposé par M. Masson et Mmes Herzog et Kauffmann, ayant fait l'objet d'un avis favorable de la commission des lois ; Mme Françoise Gatel, rapporteur, et M. Mathieu Darnaud, du groupe Les Républicains, s'étaient prononcés favorablement.

C'est aussi sur cette base que le Gouvernement s'était engagé - cet engagement a été tenu -, devant les sénateurs et les députés réunis en commission mixte paritaire, à élaborer une circulaire, à la demande de l'Association des maires ruraux de France (AMRF), mais aussi à celle de l'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité (AMF), dès 2014, comme cela figurait il y a quelques heures encore sur son site internet.

Cette circulaire affirme le principe selon lequel l'étiquette politique est décidée par les candidats et retire aux préfets le nuançage,…

M. le président. Il faut conclure !

M. Christophe Castaner, ministre. … qui, très souvent, vous le savez, était contesté par les candidats eux-mêmes. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe LaREM et sur des travées du groupe RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Didier Marie, pour la réplique.

M. Didier Marie. Monsieur le ministre, vous justifiez votre manœuvre par une demande des associations d'élus, mais à aucun moment l'une d'elles n'a mentionné un seuil de 9 000 habitants.

M. Ladislas Poniatowski. Très bien !

M. Didier Marie. Plus encore, l'Association des maires de France vous demande aujourd'hui d'y renoncer et de maintenir le seuil de 1 000 habitants à partir duquel les élections se font au scrutin de liste (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.), en intégrant une nouvelle nuance « sans étiquette ». Ne les prenez donc pas en otage !

La vérité, monsieur le ministre, c'est que, pour procéder ainsi en catimini à ce tripatouillage électoral (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.), vous êtes inquiets du résultat de La République En Marche. Vous paniquez face à des sondages décourageants et à la multiplication des dissidences, y compris au sein du Gouvernement. Vous avez les pires difficultés à investir des candidats pour atteindre l'objectif fixé par le Président de la République des 10 000 élus locaux !

Vous avez délibérément choisi de nier l'existence d'une vie politique dans 8 931 communes, représentant 23,5 millions de nos concitoyens. Vous avez délibérément opté, avec cette nuance « divers centre »,…

M. le président. Il faut conclure !

M. Didier Marie. … pour la stratégie du coucou, cet oiseau opportuniste qui abuse des autres en pondant dans leur nid.

Monsieur le ministre, il est encore temps de retirer votre circulaire ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées des groupes SOCR, CRCE, UC et Les Républicains.)

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