Question de M. GAY Fabien (Seine-Saint-Denis - CRCE) publiée le 13/02/2020

M. Fabien Gay attire l'attention de Mme la ministre de la transition écologique et solidaire sur le projet de nouveau terminal, dit « terminal 4 », de l'aéroport de Roissy.
Le trafic aérien est en constante augmentation, à Roissy en particulier. Le premier aéroport européen a donc un impact conséquent et croissant sur le quotidien de 1,4 million de franciliens, notamment en termes de pollution sonore, mais également sur l'environnement.
Or, le projet de terminal 4 entraînerait nécessairement une nouvelle hausse du trafic aérien, de 40 %, soit plus de 500 vols supplémentaires par jour. Concernant la pollution sonore, cela équivaudrait à une hausse de 13 % du bruit hors caractère répétitif. Concernant la pollution environnementale, interviendraient des augmentations d'émissions de particules ultrafines, de gaz à effet de serre (44 %) et d'oxydes d'azote (30 %).
Outre le trafic, la capacité de l'aéroport augmenterait également par la densification des terminaux 1, 2, et 3 et le redéploiement des plateformes de fret.
Il convient de rappeler que la France, dans la suite des accords de Paris pour le climat dont elle est signataire, vise la neutralité carbone en 2050, et qu'il n'existe aucune mesure de compensation de telles émissions. La Cour de justice de l'Union européenne a déjà condamné la France pour manquement aux obligations de la directive qualité de l'air.
Il est grand temps de réduire les impacts du trafic aérien de Roissy-Charles de Gaulle sur le climat, l'environnement et la santé.
Pour cela, il demande si le Gouvernement, dans le respect de ses engagements pour le climat, entend limiter la croissance sans fin des flux aériens et s'opposer au projet de terminal 4.

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Réponse du Secrétariat d'État auprès de la ministre de la transition écologique et solidaire publiée le 17/06/2020

Réponse apportée en séance publique le 16/06/2020

M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, auteur de la question n° 1134, adressée à Mme la ministre de la transition écologique et solidaire.

M. Fabien Gay. Madame la secrétaire d'État, le groupe Aéroports de Paris (ADP) mène un projet d'ampleur avec la réalisation d'un quatrième terminal au sein de l'aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle. L'objectif est de passer de 100 à 130 millions de passagers par an.

Ce projet suscite de l'inquiétude chez les habitants comme chez les élus. Ces derniers se sont regroupés en un collectif créé par Eugénie Ponthier, maire adjointe d'Épinay-sur-Seine. En janvier dernier, 104 élus de tous bords politiques ont adressé un courrier au Président de la République pour l'alerter sur les dangers de l'extension de l'aéroport.

Si ADP a annoncé un report de la consultation publique à l'automne 2020, il n'a pas donné de date précise à ce jour ; or il est essentiel que cette consultation ait lieu, car les citoyens, notamment les riverains de l'aéroport, directement touchés, doivent pouvoir s'exprimer sur ce projet.

Beaucoup de questions méritent d'être soulevées. D'une part, le chiffre de 40 000 créations d'emplois n'a pas été vérifié et nombre d'experts considèrent qu'il est surestimé. D'autre part, 1,4 million de Franciliens subissent déjà les nuisances sonores et la pollution liées à l'aéroport, qu'une telle extension ne peut qu'accentuer.

Ce type de projet a un impact considérable sur l'environnement et sur le climat. Le terminal 4 entraînerait une augmentation de 40 % du trafic aérien, soit plus de 500 vols journaliers supplémentaires, couplée à une densification prévue des terminaux existants.

Le chiffrage des émissions de CO2 annoncé par ADP ne prend en compte que les phases de roulage, de décollage et d'atterrissage. Mais les avions effectuent aussi des trajets dont la France est pour partie responsable. Le Haut Conseil pour le climat préconise de les prendre en compte dans notre objectif de neutralité carbone. En incluant la moitié des trajets, 15 millions de tonnes d'équivalent CO2 s'ajouteraient aux émissions annuelles de la France d'ici à 2037.

Bien sûr, il faudrait également inclure les augmentations de trafic routier pour accéder à l'aéroport par l'A1 et l'A3, déjà surchargées.

Enfin, ce projet n'est évidemment pas sans lien avec la volonté de privatiser ADP et de réaliser le Charles-de-Gaulle Express pour quelque 20 000 usagers journaliers, alors que les transports du quotidien, comme le RER B, souffrent de sous-investissement.

Le trafic aérien a subi un choc massif avec la pandémie de Covid-19. Nous avons là une occasion de repenser notre modèle de consommation et de production. Saisissons-la !

Madame la secrétaire d'État, l'urgence environnementale est là : allez-vous vous opposer à ce projet nocif ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d'État auprès de la ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur le sénateur Fabien Gay, le développement durable du transport aérien est évidemment une priorité du Gouvernement, et ce secteur doit s'engager pleinement dans la transition énergétique et écologique. C'est d'ailleurs l'esprit qui nous a animés pour la mise en œuvre du plan de relance appliqué au secteur aéronautique.

Les opérateurs du transport aérien sont déjà soumis à différents dispositifs contribuant à la lutte contre le changement climatique, dont la mise en œuvre est une priorité du Gouvernement. Je pense par exemple à l'entrée en vigueur du dispositif dit Corsia, mécanisme mondial imposant dès 2021 la compensation de la croissance des émissions de carbone des vols internationaux.

Les réflexions engagées à l'échelle européenne dans le cadre du Pacte vert visent aussi l'accélération de la transition énergétique du transport aérien, avec le développement des carburants aéronautiques durables ou le renforcement des dispositifs en place comme le marché carbone européen.

En outre, dans le cadre du plan de relance du secteur aéronautique, le Gouvernement a annoncé le 9 juin dernier un budget de 1,5 milliard d'euros sur les trois prochaines années pour soutenir la recherche et le développement, ainsi que l'innovation du secteur en matière de décarbonation.

Par ailleurs, la crise sanitaire affecte les perspectives de croissance de moyen terme du trafic aérien. Les niveaux de trafic de 2019 pourraient ne pas être atteints avant 2023. Dans ce contexte, le calendrier du nouveau terminal 4 de Paris-Charles-de-Gaulle fera l'objet d'un réexamen.

Monsieur le sénateur, soyez certain que la maîtrise de tous les impacts environnementaux liés à l'activité de l'aéroport de Paris-Charles-de-Gaulle est une priorité. Le Gouvernement veillera à ce que les nuisances sonores, les émissions de polluants et leurs effets sanitaires soient maîtrisés. En particulier, l'étude dite « d'approche équilibrée », qu'Aéroports de Paris va mener en 2021, devrait permettre de progresser dans la prise en compte de la problématique du bruit, notamment la nuit.

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