Question de Mme COHEN Laurence (Val-de-Marne - CRCE) publiée le 27/02/2020

Mme Laurence Cohen attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur la dangerosité des grenades GM2L, qui vont désormais remplacer les grenades GLI-F4.

En effet, le 26 janvier 2020, il a annoncé le retrait de la GLI-F4, grenade contenant pas moins de 26 grammes de TNT et responsable de nombreuses mains arrachées depuis plusieurs mois.

Si ce retrait est plus que souhaitable, la France étant le seul pays européen à continuer à utiliser cette arme malgré les risques et les blessures qu'elle occasionne, son remplacement par la grenade GM2L est très préoccupant. En effet, celle-ci contient 48 grammes d'un explosif « 1,6 fois plus puissant que la TNT » selon un neurochirurgien, chef de service au centre hospitalier et de recherche universitaire (CHRU) de Besançon. Elle serait ainsi trois à quatre fois plus puissante que la grenade GLI-F4.

La ligue des droits de l'homme affirme que le remplacement du modèle GLI-F4 par le GM2L « n'est pas sans risque, sans changement radical de stratégie du maintien de l'ordre ».

Ainsi, elle lui demande ce qu'il compte entreprendre pour tenir compte de la dangerosité de ces grenades et quelle nouvelle stratégie de maintien de l'ordre il compte mettre en place afin d'éviter les blessures et les drames humains.

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Réponse du Ministère de l'intérieur publiée le 11/06/2020

L'action des forces de sécurité intérieure dans les missions de maintien et de rétablissement de l'ordre public est fondée sur un cadre juridique précis, de nature législative et réglementaire. Dans un Etat de droit, le recours à la contrainte, parfois nécessaire et au besoin au moyen des armes, est nécessairement gradué et proportionné et s'exerce dans le respect du droit. C'est pour répondre à ces exigences que les forces de l'ordre disposent d'une législation et d'une gamme de techniques ou de moyens divers pour rétablir l'ordre public, pour protéger la sécurité des personnes et des biens, ou pour faire face aux menaces auxquelles elles sont exposées. Les armes de force intermédiaire permettent à cet égard de faire face à des situations pour lesquelles la coercition physique est insuffisante mais qui nécessitent une riposte immédiate, par exemple pour faire face à des groupes armés ou violents. Le code de la sécurité intérieure liste ces armements et définit les conditions dans lesquelles ils peuvent être utilisés. L'emploi des armes de force intermédiaire obéit à des règles de droit strictes et à des conditions d'utilisation rigoureuses (précautions d'emploi, conduite à tenir après emploi, etc.). Il relève du cadre juridique général de l'usage de la force et n'est donc possible que lorsque les conditions requises par la loi l'autorisent (légitime défense, attroupement, etc.). Il est soumis aux principes d'absolue nécessité et de stricte proportionnalité. L'emploi de certains moyens répond en outre à des règles supplémentaires spécifiques particulièrement strictes (nécessité de disposer d'une habilitation individuelle obtenue après une formation et avec le suivi d'une formation continue, etc.). Assorti de ces garanties, l'emploi de ces armes permet donc une réponse graduée et proportionnée lorsque l'emploi légitime de la force s'avère nécessaire. L'instruction commune police-gendarmerie des 27 juillet 2017 - 2 août 2017 relative à l'usage et l'emploi des armes de force intermédiaire, rappelle les règles juridiques applicables et définit précisément, les modalités et les précautions de leur emploi. C'est le cas, par exemple, pour les grenades à main de désencerclement (GMD) et des grenades assourdissantes et lacrymogènes GM2L. Ces dispositions, ainsi que le contrôle hiérarchique, garantissent l'emploi de ces équipements avec maîtrise et professionnalisme. L'usage d'une grenade à main de désencerclement est en particulier réservé à des personnels titulaires d'une habilitation individuelle qui sanctionne la maîtrise dont ils doivent disposer tant sur le plan technique que sur le plan juridique. Le maintien de cette habilitation est assujetti au suivi et conditionné par les résultats d'une formation continue. S'agissant de la grenade assourdissante et lacrymogène GM2L, son emploi est également réservé à des agents titulaires d'une habilitation individuelle qui sanctionne la maîtrise dont ils doivent disposer tant sur le plan technique que sur le plan juridique. Le maintien de cette habilitation est assujetti au suivi et conditionné par les résultats d'une formation continue. Il convient à cet égard de rappeler que le ministre de l'intérieur a décidé, fin janvier 2020, le retrait de la grenade lacrymogène instantanée modèle F4 (GLI F4), à caractère explosif en raison de sa teneur en tolite, et qui avait un triple effet lacrymogène, assourdissant et de souffle. Elle est désormais remplacée par la GM2L. La composition explosive que l'on trouvait dans la GLI F4 est dans cette munition remplacée par une composition pyrotechnique. Pour autant, l'emploi d'armes de force intermédiaire n'est jamais anodin et le ministre de l'intérieur ne sous-estime pas le danger potentiel lié à l'usage des armes de force intermédiaire. Tout est donc mis en œuvre, d'un point de vue doctrinal, managérial et matériel, pour que leur emploi soit exercé avec maîtrise et professionnalisme, dans des conditions maximales de sécurité. L'emploi de ces armes fait l'objet de contrôles et d'un suivi rigoureux. Lorsque des suspicions existent sur l'usage légitime des armes, a fortiori lorsque des drames sont à déplorer, ils font systématiquement l'objet d'enquêtes administratives ou judiciaires, menées notamment par l'inspection générale de la police nationale et l'inspection générale de la gendarmerie nationale. Par ailleurs, le ministre de l'intérieur a rappelé à plusieurs reprises l'importance qu'il attache à un strict respect des doctrines d'emploi des moyens techniques et plus largement de la déontologie et de l'éthique, gages d'un usage juste et proportionné de la force. Le discernement et le sang-froid sont au cœur du métier des policiers et des gendarmes. Enfin, il doit être noté que le futur schéma national de maintien de l'ordre, qui a été élaboré en association avec divers spécialistes extérieurs (magistrats, experts, journalistes, etc.), apportera de nouvelles garanties dans la gestion du maintien de l'ordre, qui doit s'adapter tant aux nouvelles violences et radicalités qu'aux évolutions des exigences sociales.

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